La cartographie réalisée en 2025 par le CICR a permis de recenser 383 groupes armés suscitant des préoccupations humanitaires dans plus de 60 pays. Plus d’un tiers d’entre eux sont parties à un conflit armé et, par conséquent, liés par le droit international humanitaire (DIH). Le CICR maintient un contact régulier avec environ trois quarts d’entre eux afin de négocier l’accès aux populations, acheminer l’aide et promouvoir le respect des civils.
« Ces chiffres confirment ce que nous observons depuis déjà plusieurs années : la plupart des groupes armés ne sont pas des acteurs temporaires. Ils sont profondément ancrés dans les territoires sur lesquels ils opèrent », déclare Matthew Bamber-Zryd, conseiller du CICR en matière de groupes armés. « Un nombre croissant d’entre eux sont parties à un conflit armé et ont donc l’obligation de respecter le DIH, et beaucoup sont prêts à interagir avec le CICR sur des questions humanitaires. Mais l’insécurité, les restrictions liées à la lutte contre le terrorisme et le manque de ressources font qu’il est de plus en plus difficile d’instaurer un dialogue soutenu. Nous devons être conscients de ces réalités – de qui contrôle quoi, pendant combien de temps, et des contraintes qui pèsent sur ces interactions – si nous voulons pouvoir atteindre les personnes qui vivent dans les zones les plus durement touchées par la violence. »
Le travail de recherche mené sur le terrain au Cameroun, en Irak et aux Philippines entre 2024 et 2025 montre que le fait d’habiter dans une zone disputée implique de devoir constamment gérer des risques, composer avec une répartition floue des pouvoirs et vivre dans la crainte de représailles. Un chef de village au Cameroun a résumé en ces termes les choix cornéliens auxquels sont confrontés les civils en quête de sécurité lorsque plusieurs acteurs armés se disputent le contrôle du territoire : « C’est comme échapper aux flammes pour se noyer dans l’eau. »
La perturbation ou l’effondrement des services essentiels ne fait qu’aggraver ces difficultés. Dans de nombreuses zones disputées, ni les pouvoirs publics, ni les groupes armés ne sont en mesure d’assurer la fourniture de soins de santé, d’offrir une scolarisation ou de délivrer des documents officiels. Sans papiers, les gens peuvent difficilement se déplacer, accéder aux services ou prouver leur identité – ce qui les expose encore davantage aux abus et à l’exclusion.
Les organisations humanitaires se heurtent à de sérieuses difficultés pour atteindre ces communautés, même si la plupart des groupes armés se montrent disposés à dialoguer avec le CICR. Ces obstacles vont des conditions d’insécurité entravant l’accès aux populations, aux restrictions juridiques et administratives imposées par les États.
« Dans beaucoup de zones disputées, l’effondrement des services de base fait que les gens doivent s’en sortir par leurs propres moyens et en s’appuyant sur leurs propres réseaux », déclare Arjun Claire, conseiller principal du CICR chargé des politiques. « Reste que bon nombre d’entre eux se retrouvent pris au piège de la violence, accusés par une ou l’autre partie de collaborer avec l’ennemi et exposés à de violentes représailles. Les États et les groupes armés ne peuvent pas mener leurs guerres sur le dos des civils. Contester le contrôle territorial ne signifie pas remettre en question les obligations applicables – le contrôle d’un territoire va de pair avec la responsabilité de protéger les personnes qui y vivent, pas avec l’autorisation de les attaquer. »
Le CICR demande instamment à toutes les parties aux conflits armés de respecter le DIH, d’assurer la protection des civils et de faciliter un accès et un dialogue humanitaires impartiaux.
ÉVÉNEMENT : Renforcer les opérations humanitaires dans les territoires disputés | Comité international de la Croix-Rouge : les journalistes sont conviés à une séance d’information sur les conclusions de ce rapport, qui aura lieu le 9 décembre, de 13h30 à 15h00 HEC. Merci de nous faire savoir d’ici au 8 décembre si vous comptez y assister (contact : alachant@icrc.org).
Note à l’intention des rédactions
Ces conclusions sont tirées de l’analyse réalisée par le CICR en 2025 sur le dialogue qu’il entretient avec les groupes armés ainsi que de son rapport intitulé Navigating Violence: Learning from Civilian Experiences and Strengthening Humanitarian Action in Contested Territories, fondé sur des recherches menées au Cameroun, en Irak et aux Philippines. Le rapport s’appuie sur des données issues du terrain et sur des témoignages directs pour déterminer comment les civils vivent et s’adaptent dans une zone où l’autorité est contestée.
Un territoire est considéré comme « disputé » lorsque l’autorité étatique sur ce territoire est remise en cause par des groupes armés qui cherchent à s’y substituer par la violence. « Territoire disputé » est un terme descriptif et non juridique, à la différence de « territoire occupé », un terme de droit international qui fait référence à une zone placée sous le contrôle d’une puissance étrangère dans le contexte d’un conflit armé international.
Liens
For more information: Aurélie Lachant, ICRC Press Office, alachant@icrc.org