République centrafricaine : pour fuir, il faut pouvoir marcher

22-10-2014 Éclairage

Alors que les combats faisaient rage en République centrafricaine, Mikaella, 9 ans, Djaffarou, 14 ans, et Zenabou, 15 ans, tous trois handicapés physiques, n’ont pas pu fuir avec leurs familles du village de Bossentélé (300 km au nord-ouest de Bangui). Après un long périple, ils ont finalement retrouvé leurs proches au Cameroun. Récit de Jeanne Djeukeng, membre de l’équipe du CICR au Cameroun.

De gauche à droite, Djaffarou, Mikaella et Zenabou, se préparent à retrouver leurs familles. CC BY-NC-ND/ICRC

 

Comment définir ce que peuvent ressentir des parents qui n’ont d’autre choix que de laisser derrière eux certains de leurs enfants pour sauver le reste de la famille ? Zenabou, la plus âgée des trois, nous a confié avoir elle-même suggéré à son père de l’abandonner pour que le reste de la famille puisse fuir.

En janvier 2014, à Bossentélé, Mikaella, Djaffarou, et Zenabou se retrouvent seuls et livrés à eux-mêmes au beau milieu d’un conflit intercommunautaire d’une extrême violence, qui n’épargne aucunement les civils.

Malgré tout, les enfants survivent. Des villageois fuyant les attaques des groupes armés les emmènent alors avec eux et les cachent dans la brousse. Ils parviennent ensuite tant bien que mal à atteindre la ville de Carnot, où ils sont recueillis par des religieuses qui les hébergent dans un couvent. Mi-février 2014, des éléments de la MISCA (Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine) les conduisent jusqu’à la ville de Garoua-Boulai, au Cameroun, où ils sont pris en charge par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et transférés au camp de Gado. En avril 2014, le CICR visite le camp pour la première fois. C’est alors que débutent les recherches pour retrouver les parents de Mikaella, Djaffarou et Zenabou, qu’ils savent partis se réfugier au Cameroun.

Dans les camps de réfugiés de Lolo, Mbilé et Borgop (est du Cameroun), où sont regroupés quelque 130 000 Centrafricains selon le HCR, le CICR travaille en coopération avec la Croix-Rouge camerounaise afin de rétablir le contact entre les membres des familles dispersées et de réunir les enfants avec leurs proches. Grâce à l’imposant réseau formé par les partenaires du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les parents des trois enfants finissent par être localisés dans les camps de Mbilé et Lolo.

Le jour où parents et enfants doivent enfin se retrouver, tout au long des quatre heures de route qui séparent le camp de Gado de ceux de Mbilé et Lolo, l’émotion monte. Lorsqu’il aperçoit son enfant sain et sauf, le père de Mikaella ne peut retenir ses larmes. Il avait perdu tout espoir de le revoir un jour.

Le CICR a formé et équipé 14 volontaires de la Croix-Rouge camerounaise, qui travaillent désormais dans les camps situés à proximité de la frontière avec la République centrafricaine et enregistrent les demandes de recherches ainsi que les enfants non accompagnés. La Croix-Rouge est la seule organisation à rechercher activement les membres des familles dispersées. À ce jour, les volontaires ont recueilli plus de 1000 demandes et enregistré 83 enfants non accompagnés.

 

Mikaella porté par deux volontaires de la Croix Rouge Camerounaise. CC BY-NC-ND/ICRC