Pakistan : quand le vent souffle sur le Baloutchistan
19-11-2008 Éclairage
Après le séisme qui a secoué le Baloutchistan, les femmes des villages touchés ont été confinées chez elles, comme le veulent les coutumes locales. Maintenant, comme l’explique Jessica Barry, du CICR, les travailleurs humanitaires et le personnel médical sont les seuls à les écouter.
Cachées derrière les murs d’adobe fissurés de leur maison, ou sous le fin tissu bleu ou blanc des tentes qu’on leur a données, les grands-mères, mères, sœurs et tantes n’ont pour la plupart pas exprimé leurs craintes et celles de leurs enfants, après le séisme qui les a tirées de leur sommeil ce froid matin d’octobre.
Dans le village d’Akhari, un groupe de maisons claires, aux murs d’adobe et aux toits de chaume, situé de l’autre côté de la montagne où se trouvait l’épicentre du tremblement de terre, des dizaines de femmes et autant d’enfants sont rassemblés sous une tente récemment montée pour y obtenir des médicaments. Il s’agit de la première visite de l’équipe médicale mobile du Croissant-Rouge du Pakistan et les femmes affirment que jamais auparavant un médecin n’est venu au village. Les maris des femmes le confirment : en cas de maladie, il faut parcourir 14 kilomètres sur le tracteur du village ou en camionnette pour atteindre la structure médicale la plus proche.
« Toutes les femmes me disent qu’elles souffrent d’insomnies », fait remarquer le docteur Rashida Semir, l’une des deux médecins que compte ce jour-là l’équipe médicale du Croissant-Rouge du Pakistan, composée de cinq membres. Assise en tailleur sur un tapis à l’intérieur de la tente, elle rédige des prescriptions sur des bouts de papier qu’elle tend aux femmes, qui, à leur tour, les passent aux enfants qui filent vers un dispensaire de fortune installé à l’arrière du véhicule du Croissant-Rouge du Pakistan et reviennent avec des sirops et des pilules.
« Les femmes souffrent également d’hypertension, ajoute le docteur Semir. Elles ont peur. »
Des nuits passées à dormir dehors
Dans toute la région frappée par le séisme, les familles dorment encore en plein air. Elles ont trop peur des répliques pour retourner dans leurs maisons fissurées et endommagées, craignant qu’une autre secousse ne provoque l’effondrement des épais murs d’adobe et des poutres de bois du toit. Par conséquent, les hommes et les femmes dorment dans des tentes fournies par des institutions humanitaires, en les chauffant à l’aide de fourneaux à bois traditionnels, ou, lorsque le village est relié au réseau électrique, avec de petits chauffages électriques très dangereux.
Comme la température descend en dessous de zéro la nuit, de nombreux enfants à Akhari ont déjà attrapé froid.
« Nous observons beaucoup d’infections des voies respiratoires », commente le docteur Semir, adressant au patient qu’elle examine un sourire rassurant.
Une sorte de bienfait
Même en temps normal, la vie des femmes dans les villages de montagne du district de Ziarat, où se trouve Akhari, est dure. L’arrivée du dispensaire mobile est en quelque sorte un bienfait pour les femmes, recluses, et dont le bien-être dépend des hommes de leur famille. Le dispensaire est arrivé au moment crucial, les mères inquiètes pour leur santé et celle de leurs enfants au lendemain de cette nouvelle catastrophe, pouvant ainsi constater qu’elles ne sont pas seules.
Depuis que le séisme a frappé, les équipes mobiles du Croissant-Rouge du Pakistan ont dispensé plus de 2 500 consultations dans des dizaines de villages touchés. Elles ont aussi tenté de promouvoir une meilleure hygiène. Au début, deux équipes mobiles étaient déployées, mais après 10 jours l’une d’elles a été supprimée, à mesure que les institutions humanitaires et des spécialistes de la santé arrivaient sur place.
Les médecins de l’hôpital local de Quetta gèrent tour à tour le dispensaire mobile du Croissant-Rouge du Pakistan, changeant les équipes tous les dix jours. Les médicaments sont achetés dans la région par le Croissant-Rouge du Pakistan. Le CICR soutient financièrement le dispensaire mobile. Il est dorénavant prévu d’y assigner une équipe permanente de médecins, d’infirmiers, de responsables de la promotion de l’hygiène et de pharmaciens pour les six prochains mois.
Un village où les belles-mères font office de sages-femmes
Durant la visite à Akhari, Najina, une femme d’environ 30 ans, hausse les épaules quand on lui demande son âge. Elle dit qu’elle est enceinte de six mois de son sixième enfant, et qu’elle a déjà fait trois fausses couches. Selon la coutume, quand les contractions commenceront, sa belle-mère l’aidera. Quand on lui demande si sa belle-mère est la sage-femme du village, Najina secoue la tête. « Non, c’est juste notre tradition, dit-elle. Chaque femme aide sa belle-fille quand elle accouche. »
Ses paroles donnent une idée des difficultés que rencontrent les femmes dans les villages isolés des montagnes où le séisme s’est produit, et des solutions ancestrales adoptées pour les surmonter. Maintenant, les insomnies, la peur et l’hypertension s’ajoutent aux difficultés qu’elles connaissaient déjà.
Quand on lui demande comment vont ses enfants, une jeune mère répond simplement : « Quand ils entendent le vent souffler, ils pensent qu’un autre séisme va se produire. Ils ont peur, comme nous. »
Aucune autre explication n’est nécessaire. Tout est dit.