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Chili : un chirurgien du CICR partage son expérience avec des médecins qui participent aux missions de paix

18-11-2007 Interview

Le médecin mexicain Víctor Uranga est un des experts du CICR qui a assisté au séminaire sur la chirurgie de guerre organisé par l'état-major de la Défense nationale et le ministère de la Défense nationale du Chili. Ce séminaire a permis aux médecins militaires présents qui participent aux missions de paix des Nations Unies de mettre à jour leurs connaissances en la matière et de tirer profit de l'expérience des chirurgiens du CICR.

  Pourquoi le CICR participe-t-il à ce séminaire ?  

Tout au long de son histoire, le CICR a accumulé une expérience considérable en matière de chirurgie de guerre. L'institution souhaite vivement partager cette expérience avec les médecins qui participent aux missions de paix des Nations Unies, car cette pratique a des résultats directs sur le plan humanitaire.

     
     
   
    Dr Víctor Uranga      
        En participant à ce séminaire réalisé au Chili, les médecins militaires de l’Argentine, du Brésil, du Chili, du Paraguay et de l’Uruguay ont pu perfectionner leur technique chirurgicale, et surtout, ils ont pu améliorer leurs compétences en matière d'organisation, ce qui leur permettra d’être bien préparés et de réagir immédiatement en cas de nécessité, que ce soit lors d’un conflit armé ou d’une catastrophe naturelle.

  Qu'est-ce qui caractérise la chirurgie de guerre ?  

La chirurgie de guerre a des caractéristiques particulières qui la distinguent de la chirurgie civile à laquelle les chirurgiens sont normalement formés. Le type de blessures à soigner, qui peuvent être occasionnées par des armes très différentes, est un de ces aspects. Il peut s'agir de blessures par balle, d'entailles faites par un couteau ou une baïonnette, ou de brûlures causées par des explosifs comme les mortiers ou les mines.

Par ailleurs, sur le champ de bataille, il y a beaucoup plus de risques qu'une blessure s'infecte. Généralement, il n’est pas nécessaire de procéder à un nettoyage aussi complet et radical d’une blessure subie dans la vie civile que d’une blessure de guerre. Et quand je parle de « nettoyage », je ne me réfère pas uniquement au fait de laver la plaie, mais également à la nécessité d'enlever tous les tissus nécrosés qui sont autour. En outre, il est habituel de laisser les blessures ouvertes pendant environ cinq jours afin d'éviter les infections.

La connaissance de diverses techniques spécifiques est déterminante pour sauver un organe, ou même la vie d'un patient.

  Ceci améliore-t-il le pronostic pour le patient à long terme?  

Bien sûr, ce qui est en jeu, c'est l'avenir du patient. Il faut tenir compte du type de population que le chirurgien traite. En général, ses patients sont des combattants blessés, qui sont jeunes. Ils auront besoin non seulement de soins immédiats, mais aussi d'un soutien à long terme pour leur réadaptation physique. Le CICR est une des institutions d'aide humanitaire qui fait le plus d'efforts en matière de réadaptation.

  Quelle est votre expérience avec le CICR ?  

     
     
   
    Soudan. Les membres de l'unité médicale mobile du CICR pratiquent une opération dans une habitation délabrée. 
        J'ai travaillé au sein de l'unité mobile de chirurgie que le CICR a déployée au Soudan, et qui comptait en outre un anesthésiste et deux infirmières. Cette unité est conçue pour se déployer rapidement et se rendre dans n'importe quel endroit de la province du Darfour, où se déroule actuellement un conflit qui, par ses caractéristiques, rend impossible tout autre moyen de porter assistance aux victimes des affrontements.

Nous nous déplaçons avec quelque 400 kg de matériel comprenant notamment des articles essentiels tels que préparations et instruments stérilisés, des médicaments, des solutions intraveineuses, un générateur et le matériel d'anesthésie, ce qui nous permet de monter un bloc opératoire complet et de réaliser des interventions de chirurgie majeure sur tout le territoire du Darfour.

J'ai travaillé aussi au Libéria, en Érythrée et en Afghanistan. Au Libéria, j'ai vécu l'expérience qui m'a le plus marqué. J'ai dû soigner un jeune de 19 ans à qui on avait coupé les deux mains à coups de machette. Il est arrivé dans notre service en état de choc, nu sur un brancard, immobile et avec les mains qui pendaient, rattachées aux poignets uniquement par la peau. Nous n'avons pas eu d'autre choix que de terminer l'amputation, nous ne pouvions pratiquer aucune forme de reconstruction. Nous lui avons sauvé la vie, mais ce jeune homme sera dépendant pour le restant de ses jours d’une personne qui l'aide dans ses activités quotidiennes les plus élémentaires, comme s’habiller, se laver et aller aux toilettes.. Il n'est pas rare de voir des choses aussi tragiques. Mais il m'est aussi arrivé, dans des zones isolées où nous étions les seuls médecins présents, d'apporter mon aide lors d'accouchements difficiles et de sauver la vie de la mère et de l'enfant. C'est là notre récompense : sauver une vie, sauver un membre, faire quelque chose qui permettra à cette personne de reconstruire sa vie une fois le conflit terminé.