Pakistan : l’intensification des combats entraîne l’augmentation du nombre de victimes
18-05-2009 Interview
Dans la Province de la frontière du Nord-Ouest, au Pakistan, les derniers combats ont fait des victimes parmi les civils et provoqué des déplacements de grande ampleur. Ces derniers jours, des centaines de milliers de personnes ont fui. Dans les zones de conflit, des dizaines de milliers de personnes sont en danger, en raison, non seulement des combats, mais aussi du manque d’accès aux soins de santé primaires, aux vivres, à l’eau et à l’assainissement. Pascal Cuttat, chef de délégation du CICR, explique comment l’institution répond à la crise.
Le conflit entre le gouvernement et les talibans s’est brusquement aggravé ces deux dernières semaines et a provoqué une crise humanitaire. Plus de 500 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays, provenant des districts de Swat, Dir et Buner, se sont ajoutées aux 500 000 qui avaient déjà quitté leur foyer dans les districts de Bajaur et Swat ces derniers mois, portant le nombre total de personnes déplacées à plus d’un million. La zone de conflit s’est étendue, le nombre de soldats déployés a augmenté et la population civile souffre par conséquent beaucoup plus. Jamais au cours de l’histoire récente du Pakistan le CICR n’avait vu autant de personnes touchées dans un délai si court. L’intensification des combats entraîne l’augmentation du nombre de victimes.
En quoi le CICR se distingue-t-il des autres organisations humanitaires qui répondent à la crise ?
Un point important est que, conformément à notre mandat et à nos principes de neutralité et d’indépendance, nous dialoguons avec toutes les parties et effectuons des démarches auprès de chacune d’entre elles, si nécessaire. Au cours de la dernière année, le CICR a établi une communication étroite avec les forces armées et les groupes insurgés, ce qui nous permet aujourd’hui, en pleine crise, de jouir d’un accès sans pareil aux personnes responsables des opérations sur le terrain – dans les deux camps. Grâce à cet accès privilégié, nous sommes présents dans la zone de conflit – nous étions la première organisation humanitaire à entrer dans le district de Buner, le 13 mai – et apportons une aide dans des zones auxquelles peu d’autres institutions peuvent accéder. C’est là notre réel point fort. Une autre différence majeure est la valeur ajoutée du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, dans ce cas notre partenariat avec le Croissant-Rouge du Pakistan, une organisation locale très compétente qui a pu mobiliser rapidement son personnel et ses volontaires dans nombre des zones touchées.
Quel est le rôle du droit international humanitaire dans ce conflit ?
La protection des civils et leur droit de bénéficier d’une assistance en cette période difficile, comme le prévoit le droit international humanitaire, sont au cœur du mandat du CICR. Comme toujours lorsqu’un conflit éclate, nous avons rappelé à toutes les parties au conflit leurs obligations découlant du droit humanitaire. Nous leur avons surtout rappelé leur obligation de respecter et de protéger les civils et les personnes ne participant plus aux hostilités, et de conduire leurs opérations de façon à épargner les civils. Nous continuerons de rappeler ces obligations aux forces pakistanaises et à l’opposition armée, et d’effectuer des démarches visant à améliorer la protection accordée aux civils, si nécessaire.
Compte tenu de son mandat, de son recours à une action humanitaire neutre et indépendante, et de son réseau de contacts dans la région, comment le CICR peut-il aider au mieux les personnes touchées par cette crise ?
Plusieurs acteurs, notamment le gouvernement pakistanais et la communauté internationale, déploient actuellement de grands efforts en vue d’aider les déplacés internes dans la Province de la frontière du Nord-Ouest. Nous assumons une bonne partie de ce travail en fournissant de l’eau, des systèmes d’assainissement et des soins de santé dans les camps gérés par le Croissant-Rouge du Pakistan. Par ailleurs, nous discutons avec tous les acteurs concernés. De plus, nous nous efforcerons d’aider les personnes qui sont quelque peu laissées pour compte aujourd’hui car elles se trouvent tout simplement dans des zones plus difficiles d’accès pour les travailleurs humanitaires et les journalistes. Je veux parle r des faibles, des blessés et des malades qui restent dans les zones de conflit. Il s’agit notamment de personnes qui ont perdu tout contact avec leur famille, qui a dû fuir brusquement les combats.
Quels sont les objectifs opérationnels du CICR pour les semaines et les mois à venir ?
Nous cherchons à intervenir rapidement et efficacement, de façon à fournir des soins de santé, des vivres, de l’eau et des systèmes d’assainissement à ceux qui en ont le plus besoin, et à préserver la dignité de tous les civils touchés par le conflit.
Quel sera le rôle du Croissant-Rouge du Pakistan ?
Le Croissant-Rouge du Pakistan est un partenaire capital pour le CICR. Par exemple, il vient de distribuer des vivres et d’autres secours essentiels à plus de 13 000 personnes dans les zones de Malakand et du Lower Dir touchées par le conflit, dans plusieurs camps de déplacés qu’il gère avec le soutien du CICR.
Le CICR travaille en étroite collaboration avec le Croissant-Rouge du Pakistan à toutes les étapes, de la planification des opérations à leur mise en œuvre. Nous faisons partie du même Mouvement et nous sommes étroitement liés.