Page archivée: peut contenir des informations obsolètes

Pérou, Bolivie, Équateur : activités de la délégation régionale du CICR à Lima

08-01-2007 Interview

En 1984 le CICR a ouvert une délégation au Pérou. En 2003 elle est devenue la délégation régionale de Lima qui couvre également la Bolivie et l'Équateur. Ses activités sont aujourd’hui essentiellementaxées sur la prévention. Après une mission de près de quatre ans en tant que chef de cette délégation, Philippe Gaillard répond à quelques questions sur les préoccupations et le rôle du CICR dans cette région du monde.

     

    ©CRB/ A. Rosa Boyán /PE-E-00104      
   
    Près du lac Titicaca. Philippe Gaillard rencontre Felipe Quispe, dirigeant paysan bolivien.      
          Dans les pays couverts par la délégation régionale de Lima, quelles sont aujourd'hui les préoccupations majeures du CICR sur le plan humanitaire?
 

S'il n'y a pas, ou plus, de conflit armé dans la région, on assiste par contre à de nombreuses manifestations de mécontentement populaire pour des raisons habituellement liées à la distribution inégale des richesses. Dans les trois pays mentionnés entre 50 et 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, ce qui signifie survivre avec 1 dollar - 1 dollar et demi par jour.
 

Les préoccupations du CICR sont essentiellement en lien avec ce mécontentement, conséquence de l'exclusion, de la pauvreté, du non accès à l'éducation et à la santé.
 

L'un des exemples les plus dramatiques de la violence qui peut en découler a été la « guerre du gaz » en Bolivie, en octobre 2003. Des dizaines de milliers de manifestants ont bloqué la capitale, La Paz, durant des semaines. Il a été fait appel à l'armée. Le bilan humain de cette protestation sociale s'est élevé à 70 morts et 500 blessés par balles. Mentionnons que le CICR, à l'époque, en étroite coopération avec la Croix-Rouge bolivienne, a fourni en médicaments les principaux hôpitaux recevant des blessés.

  Dans ce contexte, quelles sont les principales activités du CICR?
 

Ce sont essentiellement des activités de prévention. En premier lieu, le CICR soutient les programmes de formation en droit international humanitaire et droits de l'Homme auprès des forces armées et de police. A ce propos, j'aimerais saluer la grande ouverture des autorités dans les trois pays couverts par la délégation régionale. Actuellement toutes les forces armées de la région intègrent le droit international humanitaire dans leur doctrine et dans la formation de la troupe.
 

Le CICR est également présent dans les milieux universitaires, dans les facultés de droit, de sciences politiques et sciences de la communication. Il y a peu d'étudiants en journalisme dans la région qui, aujourd'hui , n'aient pas les connaissances de base du DIH et des droits de l'homme applicables en cas de troubles internes. Et la presse, tout le monde le sait, joue un rôle important lorsque cela risque de mal tourner.
 

Les délégués du CICR visitent encore des prisons au Pérou et en Bolivie. Dans ce domaine d'activité, notre approche a profondément changé afin de s'adapter aux conditions actuelles. Pendant près de vingt ans, le CICR a suivi, cas par cas, les milliers de personnes arrêtées en relation avec le conflit au Pérou. L’approche du CICR était une approche individuelle et principalement de protection. La situation n'est plus du tout la même et voici une magnifique anecdote pour l'illustrer : un combattant de haut rang a été capturé lors de combats, il y a environ deux ans. Il était blessé à la hanche. Il a été évacué par la partie adverse et conduit à l'hôpital, où il a reçu des soins. Une façon d'agir impensable autrefois. Le CICR a donc passé, dans le domaine de la détention, de cette approche individuelle à une approche collective. Nous travaillons avec les autorités pénitentiaires pour améliorer le système, c'est-à-dire essentiellement tout ce qui a trait à la gestion des prisons et à leur infrastructure.

  Qu’en est-il de la question des personnes encore disparues suite au conflit au Pérou ?
 

En 2001 la Commission de la vérité et de la réconciliation avait reçu le mandat de rédiger un rapport sur les " années noires " du Pérou et de le remettre aux autorités et à l'opinion publique. Ce rapport a été déposé en août 2003. Parmi les questions encore en suspens, figurait une liste d'environ 4 500 noms de personnes portées disparues. Cette liste a été complétée par la suite et comporte aujourd'hui 13 500 noms : aujourd'hui encore des centaines de milliers de pères, de mères, de frères, de sœurs, … vive nt dans l'angoisse de ne pas savoir ce qu'il est advenu d'un proche. La Commission de la vérité a recensé plus de 4 500 lieux où sont enfouis les corps de personnes portées disparues pendant le conflit armé. Le travail est immense et risque de durer des années.
 

Le CICR se bat pour une distinction entre les aspects humanitaires et judiciaires de cette question. Pour des raisons humanitaires il faut absolument accélérer le processus, ne pas exiger pour l’accomplissement du travail d'exhumation, d'identification et de restitution des restes aux familles qu'à chaque fois une enquête formelle soit ouverte avec toutes les procédures judiciaires extrêmement lourdes et lentes qui l’accompagnent. Le CICR encourage toutes les personnes et institutions chargées d’assurer le suivi des recommandations faites par la Commission de la vérité à travailler ensemble pour résoudre cette question. Le processus est maintenant enclenché, et, sans vouloir être prétentieux, on peut affirmer que le CICR a une autorité morale et une expertise dans ce domaine qui lui ont permis d’intervenir efficacement.