Entreprises et droit international humanitaire : questions & réponses
05-12-2006
Questions et réponses sur le rôle joué par le CICR dans la promotion du DIH auprès des entreprises.
Le CICR est connu pour être une organisation humanitaire indépendante qui protège et aide les personnes victimes de conflits armés. Qu'est-ce que les entreprises ont à voir avec cela ?
Les États parties aux Conventions de Genève ont de fait mandaté le CICR pour qu'il apporte protection et assistance aux personnes victimes de conflits armés, et qu'il favorise la connaissance et le respect du droit international humanitaire. Pour s'acquitter de son mandat, le CICR s'efforce par conséquent d'établir un dialogue constructif avec tous les acteurs, étatiques ou non, qui peuvent influencer le déroulement des conflits armés. Il a donc engagé, depuis 2000, un dialogue avec les entreprises sur des questions humanitaires, en vue surtout de les aider à comprendre leurs droits et à assumer leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.
En quoi les entreprises seraient-elles être concernées par le droit international humanitaire ?
Beaucoup d'entreprises ont adopté des directives internes destinées à garantir que leurs opérations respectent les droits de l'homme, voire encouragent à les respecter. Mais les implications du droit international humanitaire – aussi appelé « droit de la guerre » – sont très différentes de celles du droit international des droits de l'homme, et le milieu des affai res n'a pas encore pris en compte cette dimension. Étant donné que les entreprises sont de plus en plus souvent amenées à travailler dans des contextes de conflit armé, leurs droits et leurs obligations au regard du droit international humanitaire ont pris une importance grandissante. Cette branche du droit prévoit la protection du personnel, des biens et des investissements des entreprises. Parallèlement, elle impose aux dirigeants et aux membres du personnel des obligations juridiques qui peuvent même engager leur responsabiliité pénale. Dans le pire des cas, ils pourraient être tenus responsables de violations graves du droit international humanitaire, en l'occurrence de crimes de guerre.
Une entreprise peut-elle être reconnue coupable de crime de guerre ?
Les entreprises, y compris leur personnel, opérant dans des zones de conflit encourent des risques de poursuites pénales en tant qu'auteurs ou complices de crimes de guerre, ou de procédures civiles en dommages-intérêts. Le droit international humanitaire considère comme passibles de poursuites pénales pour crimes de guerre non seulement les auteurs des crimes mais aussi leurs supérieurs. Par exemple, un marchand d'armes qui vend des armes à un client tout en sachant qu'elles seront utilisées pour perpétrer des crimes de guerre peut être complice de ces crimes, qu'il partage ou non les motivations de son client. De même, le fait de fournir (sur une base commerciale) un appui logistique susceptible de faciliter des violations du droit international humanitaire peut donner lieu à des poursuites judiciaires. Le risque que l’entreprise ou ses dirigeants à titre individuel soient tenus responsables de crimes perpétrés dans le contexte d’un conflit armé est donc un élément qui prend une importance croissante dans l’évaluation, par une entreprise commerciale, de la gamme de risques associés à ses activités pendant un conflit armé.
Le droit international humanitaire s'applique-t-il aussi aux sociétés militaires et de sécurité privées qui interviennent dans une situation de conflit armé ?
Oui, d'ordinaire, les sociétés de sécurité privées recrutées par des entreprises commerciales pour les protéger dans une zone de conflit tombent sous le coup de la législation nationale du lieu où elles interviennent. En général, cela permet au personnel de sécurité de recourir à la force en cas de stricte nécessité et proportionnellement à la menace. Si le personnel de sécurité est entraîné dans le conflit, le recours à la force est alors régi par le droit international humanitaire, et les règles applicables sont différentes. Les entreprises commerciales recrutant des sociétés de sécurité privées qui ne respectent pas le droit international humanitaire lorsqu'elles sont engagées dans un conflit armé peuvent être tenues responsables pour avoir apporté leur concours à la commission de violations de cette branche du droit.
Que fait le CICR pour promouvoir le droit international humanitaire auprès des entreprises commerciales ?
Une des activités du CICR consiste à participer (en tant qu'observateur) à des initiatives associant plusieurs parties prenantes et qui encouragent le respect des droits de l’homme ou tentent de limiter les répercussions négati ves des activités des entreprises sur le plan social. Parmi ces initiatives, citons l'ouvrage paru en anglais sous le titre Voluntary Principles on Security and Human Rights (principes volontaires en matière de sécurité et de droits de l’homme), qui fait explicitement référence au droit international humanitaire. On relève aussi la coopération avec le gouvernement suisse sur un projet visant à promouvoir le respect du droit international humanitaire auprès des sociétés militaires et de sécurité privées opérant dans les situations de conflit armé. On pourrait encore citer les discussions bilatérales avec les entreprises, au niveau du siège ou dans le cadre d'opérations. Enfin, le CICR a récemment publié Business and IHL (entreprises et droit international humanitaire, disponible en anglais), qui vise à aider les entreprises à mieux connaître leurs droits et leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.