Bolivie, Équateur et Pérou : les priorités institutionnelles pour l’année 2007
02-03-2007 Éclairagede Christophe Martin
Christoph Martin, délégué du CICR pour la Bolivie, l’Équateur et le Pérou, résume dans cet article les principales priorités de l’institution pour la région.
La réponse est simple. Le CICR, conformément à son mandat et à ses principes, œuvre certes dans des pays qui malheureusement connaissent des situations de conflit armé, mais également dans des pays qui subissent les effets de ce genre de situations ou qui, toujours plus souvent, sont le théâtre de troubles ou de tensions internes.
Les activités que le CICR déploie, par conséquent, sont programmées en fonction des différents contextes et des besoins humanitaires que ces derniers sont susceptibles de générer.
Entre 1984 et 2002, la délégation du CICR à Lima a fonctionné comme une délégation opérationnelle, concentrant le gros de ses activités sur l’assistance et la protection directes aux personnes touchées par le conflit armé interne. Dès 2003, elle devient une délégation régionale.
Comme la région andine connaît une période de tranquillité et de paix relative, marquée cependant par des épisodes de violence relativement réguliers à caractère politique, économique et social, les activités de prévention du CICR sont plus particulièrement axées sur la diffusion, la formation et l’intégration des normes du droit international humanitaire (DIH) et du droit international des droits de l’homme, ainsi que sur le soutien aux Sociétés nationales de la Croix-Rouge, pour qu’elles soient en mesure de répondre aux besoins humanitaires qui peuvent surgir.
Une stratégie définie
C’est en temps de paix qu'on obtient les meilleurs résultats s'agissant d'intégration du DIH à tous les niveaux de la société. C'est la raison pour laquelle la délégation régionale de Lima a élaboré, pour l’année 2007, toute une série d’activités s’inscrivat dans le cadre d’une stratégie qui vise à interagir avec diverses instances : celles qui sont responsables de prendre des décisions fondamentales pour la vie du pays ; celles dont la tâche est de faire respecter les lois (autorités, forces armées et de police) ; celles chargées d’informer et de modeler l’opinion publique et, enfin, mais non moins important, celles qui ont la mission essentielle d'instruire les générations futures.
Le premier but visé est que la société, dans son ensemble, connaisse, adopte, respecte et fasse connaître les règles fondamentales qui protègent les personnes, en temps de paix comme en temps de guerre ; et que chaque citoyen soit pleinement sensibilisé aux problèmes humanitaires susceptibles de survenir dans un contexte de guerre ou de violence interne, et qu’il puisse prendre l'initiative d'apporter l'aide qui s'impose et de proposer des solutions.
Un aspect important de cette stratégie est de faire en sorte que les normes du DIH, qui visent en priorité à restreindre les moyens et méthodes de guerre employés lors d’hostilités armées, ainsi qu’à protéger la vie et l’intégrité des personnes qui n’y participent pas ou n’y participent plus, soient intégrées dans la doctrine militaire et dans les manuels d’instruction des forces armées, en tant que matière indispensable et obligatoire. De la même manière, on attend des forces de police qu'elles respectent les principes et les normes des droits de l'homme, aussi bien dans leur tâche de tous les jours qu’en situation de troubles internes, par le biais de l’incorporation des normes en question dans leurs systèmes de formation et leurs programmes d’entraînement.
Un autre aspect de cette stratégie concerne le travail de coordination avec les commissions nationales de mise en œuvre du droit international humanitaire de Bolivie, d'Équateur et du Pérou, pour qu’elles promeuvent l’adoption de projets législatifs conformes aux conventions internationales dans le domaine du DIH. À cette fin, le CICR met à leur disposition un service permanent de soutien et de conseil technique spécialisé.
En outre, le CICR s’emploie à ce que les centres universitaires de la région intègrent l’enseignement des normes du DIH dans les programmes d'études des facultés de droit, de sciences sociales et de sciences de la communication. Il veille aussi à ce que les groupes de professeurs spécialisés dans ce domaine et formés avec l'appui de sa délégation à Lima, deviennent des références en matière de DIH dans leurs pays respectifs. Un des buts visés est que les professionnels qu'ils sont fassent connaître les normes du DIH au-delà du milieu académique, comme par exemple au sein des institutions d'État ayant besoin des services d'un spécialiste dans ce domaine.
Le programme vise en outre à sensibiliser les enfants et les adolescents en âge de scolarité au respect des principes humanitaires, et à les éduquer dans ce sens. À cette fin, la délégation s’emploie à former des professeurs chargés de transmettre les bases desdits principes aux générations à venir. Le CICR veille par ailleurs à ce que le DIH soit intégré dans les programmes d’études des établissements scolaires de la région.
Enfin, le CICR travaille à renforcer les capacités d’intervention des Société nationales de Bolivie, d’Équateur et du Pérou. La délégation contribue aux efforts de chacune d’elle en mettant à leur disposition des outils et des manuels de sécurité opérationnelle destinés aux équipes de secouristes appelés à intervenir dans des situations de troubles internes. Le CICR s'emploie en outre à former des membres de ces sociétés nationales pour que, le cas échéant, ils soient en mesure de communiquer de manière adéquate tant avec le public qu’avec les moyens d'information.
Toutefois, s’il est vrai que le CICR axe avant tout ses activités sur la prévention dans divers domaines, certaines composantes opérationnelles sont toujours à l'ordre du jour. C'est le cas en particulier au Pérou, où les conséquences du conflit armé dont le pays a été le théâtre de 1980 à 2000 sont toujours perceptibles.
Il est notamment nécessaire de faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues dans le cadre du conflit armé qu’a connu le pays. Pour ce faire, le CICR s’est fixé comme objectif de poursuivre son travail de sens ibilisation et de mobilisation, tant auprès des autorités que de la société civile, et ce, afin que se multiplient les initiatives dans le domaine de l’exhumation des restes, lesquels seront, si possible, identifiés et remis aux familles concernées. Le CICR contribue financièrement à cet effort en allouant des fonds à des institutions spécialisées dans la collecte d’informations sur les personnes disparues, ainsi que dans l'assistance psychosociale aux proches, de manière à ce que ces derniers puissent prendre une part active au processus de recherche et d'élucidation.
Un autre volet des activités du CICR dans des endroits du monde qui ont connu ou qui connaissent des conflits armés, comme c’est ici le cas, sont les visites aux personnes privées de liberté.
Traditionnellement, le CICR visite des personnes détenues pour des raisons liées à un conflit armé international ou interne qui, du fait de leur appartenance à des forces antagonistes opposées militairement ou politiquement, sont susceptibles de se trouver en situation de vulnérabilité. Au Pérou, les premières visites de lieux de détention remontent à 1984. Leur but était alors d’évaluer les conditions de détention et le traitement des personnes détenues dans le cadre du conflit armé. Aujourd’hui, celui-ci est terminé, et les conditions de détention et le traitement sont semblables pour tous les prisonniers du pays, indépendamment du motif pour lequel ils ont été arrêtés ou détenus. C’est pourquoi les activités que mène le CICR dans les centres de détention, en particulier au Pérou et en Bolivie, visent à soutenir le système de l’administration pénitentiaire et à améliorer les conditions de détention des personnes privées de liberté.
Tels sont, en grande ligne, les objectifs et les stratégies sur la base desquelles repose le travail du CICR en Bolivie, en Équateur et au Pérou. Un travail dont le but est d’œuvrer en proximité avec la société, toutes classes et n iveaux confondus, de manière à ce que l'ensemble de ses membres aient en permanence à l'esprit qu'au-delà des normes il y a le respect inaliénable dû à tout être humain, comme cela ressort des principes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge depuis plus de 150 ans.