Convention sur les armes à sous-munitions : le CICR se félicite de la signature d'un accord historique

03-12-2008 Déclaration

Déclaration de Jakob Kellenberger, Président du Comité international de la Croix-Rouge, Convention sur les armes à sous-munitions, Cérémonie de signature, Oslo, 3 décembre 2008

 
   
     
               
       
    ©CICR/M Kokic/lb-e-00969      
   
Liban, Saïda. centre orthopédique et de prothèse Singer.Un jeune garçon gravement blessé par une sous-munitions.      
               
    ©CICR/J. Holmes/la-e-00924      
   
    Laos, Vientiane. Centre de réhabilitation du gouvernement      
               
    ©CICR/O. Salbones/rs-e-00008      
   
    Kosovo. La mère et la jeune veuve d'un homme tué dans un accident dû à une sous-muntion.      
               
   

  Seul le texte prononcé fait foi  

     

Je commencerai tout d'abord par rendre hommage au gouvernement norvégien, au groupe restreint d’États qui a guidé ce processus à bonne fin et à l'Irlande, qui a accueilli et présidé avec compétence les négociations sur cette Convention à Dublin. Je voudrais aussi féliciter les États qui ont adopté la Déclaration d'Oslo en 2007 et ceux qui par la suite ont rejoint le processus d'Oslo. Enfin, je salue l'action menée par les Nations Unies et les nombreuses organisations non gouvernementales qui forment la Coalition contre les armes à sous-munitions. Ensemble, nous avons pour toujours changé la façon dont les États, l'opinion publique et l'histoire percevront les armes à sous-munitions.

 
   
"...la route qui mène à Oslo ne s’arrête pas à Oslo. Elle se termine là où l’on n’utilise plus ces armes, là où les stocks ont été éliminés, là où les régions polluées ont été nettoyées et où les victimes ont reçu l'aide nécessaire pour reconstruire leur vie." 
La marche sur le « chemin vers Oslo » débuta lorsque les armes à sous-munitions furent utilisées pour la première fois, il y a 65 ans, contre le port britannique de Grimsby. Les trois quarts des sous-munitions larguées n'ayant pas explosé comme prévu, il fallut les enlever. On en trouva sur les routes, s ur le toit des maisons ou encore dans les arbres. Sur les 61 victimes dénombrées, trois quarts furent blessés non pas pendant mais après l'attaque. Par ailleurs, des enfants rapportèrent ces petites bombes à la maison et certains échappèrent de justesse à la mort. L'enlèvement de ces armes a nécessité des ressources considérables.

Le « chemin vers Oslo » passe également par les montagnes et les rizières de l'Asie du Sud-Est, où plusieurs centaines de millions de sous-munitions furent larguées et où se trouvent encore des dizaines de millions d’entre elles. Ce chemin croise celui des civils dans leur vie quotidienne, au Laos, au Cambodge et au Vietnam, ces civils sur lesquels pèse depuis quatre décennies la menace des munitions non explosées. Des milliers d'entre eux ont perdu la vie, un bras ou une jambe, des parents proches. Ce chemin pollué par les armes à sous-munitions et marqué par la perte de vies humaines s'est prolongé ces dernières années en Afghanistan, en Géorgie, en Irak, au Koweït, au Liban et dans d'autres pays, où les civils subissent les conséquences tragiques de l'emploi de ces armes.

Un autre « chemin vers Oslo » a comme point de départ Saint-Pétersbourg, où, il y a 140 ans, une commission militaire internationale déclarait que le seul but légitime de la guerre était d'affaiblir les forces militaires de l'ennemi et établissait le principe selon lequel, pour certaines armes, « les nécessités de la guerre doivent s'arrêter devant les exigences de l'humanité ». Ce chemin conduisit, en 1977, à l'adoption des deux Protocoles additionnels aux Conventions de Genève. Le premier précise que la population civile « joui[t ] d'une protection générale contre les dangers résultant d'opérations militaires… » et que « toutes les précautions utiles », dont le choix des armes, d oivent être prises pour assurer sa sécurité. On trouve également la trace de ce chemin dans les tout premiers précédents créés par la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel et le Protocole relatif aux restes explosifs de guerre. Ces instruments précisent que les États ont la responsabilité de prévenir et de réparer les préjudices causés aux civils par « les armes qui continuent de tuer ».

Ces deux chemins convergent ici aujourd'hui avec la signature de la Convention sur les armes à sous-munitions. Le fait que tant d’États signent cette Convention montre à l'évidence que la souffrance des victimes et des pays touchés par ce fléau n'est pas passée inaperçue. La Convention établira qu'il s'agit là d'armes interdites et elle deviendra un rempart contre une nouvelle prolifération. Elle peut aussi changer la pratique des États qui possèdent de telles armes mais ne peuvent pas encore devenir parties à la Convention. Je suis persuadé que même ces États utiliseront de moins en moins les armes à sous-munitions.

Mais la route qui mène à Oslo ne s’arrête pas à Oslo. Elle se termine là où l’on n’utilise plus ces armes, là où les stocks ont été éliminés, là où les régions polluées ont été nettoyées et où les victimes ont reçu l'aide nécessaire pour reconstruire leur vie. Les étapes dans l'accomplissement de ces objectifs comprennent notamment la ratification de la Convention, l'adoption d'une législation nationale et des changements dans la doctrine et la pratique militaires. À cette fin, le CICR présentera aux participants de cette réunion un dossier de ratification et une loi type pour les États de common law .

La Convention sur les armes à sous-munitions est née de l'expérience indicible des victimes et des pays touchés par ce fléau. Et pour que la boucle soit bouclée, il faut que les États parties et d'autres prennent avec détermination au niveau international l’initiative de nettoyer les terres contaminées et de venir en aide aux victimes et à leur communauté. Oui, la signature de cette Convention est un succès important, mais on ne pourra voir la véritable réussite qu’à la manière dont la vie des personnes et des communautés concernées aura changé dans les mois et les années à venir. C'est un honneur pour le CICR d'avoir participé à ce processus extraordinaire et à un développement primordial du droit international humanitaire. Nous nous réjouissons de poursuivre nos efforts avec vous pour que les promesses contenues dans cette Convention deviennent réalité, et cela, aussi rapidement que possible.