Le docteur Bertrand Dibri et son équipe examinent plus de 150 enfants par jour au centre médical de Barsalogho, au Burkina Faso. La communauté accueille plus de 35 000 personnes déplacées. Elles dépendent de ce centre pour leurs soins médicaux, mais la situation est difficile là aussi. Photo : CICR

Comment mettre fin à la violence contre les soins de santé ?

La violence contre les soins de santé est un phénomène persistant qui continue de caractériser les conflits et autres situations d’urgence contemporains. Il arrive fréquemment que les personnels de santé, les patients, les structures médicales et les véhicules sanitaires soient la cible d’attaques dans les conflits armés, malgré la protection que leur confère le droit international humanitaire.
Article 27 avril 2023 Philippines Nigéria Colombie Irak

Le manque de soins médicaux de base peut coûter la vie à n'importe qui – civil ou combattant. L'absence de soins relativement courants, comme les dialyses, peut être synonyme de condamnation à mort pour les personnes qui se retrouvent bloquées à un poste de contrôle. La violence peut empêcher les personnels de santé de prodiguer des soins vitaux à celles et ceux qui en ont besoin. Un seul acte de violence peut causer de graves conséquences à long terme et des répercussions en cascade. Confrontés à des conditions de travail intenables, des membres du personnel médical et infirmier décident de changer de métier, voire de quitter leur pays.

Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a lancé l'initiative « Les soins de santé en danger » pour combattre de manière concertée le fléau de la violence contre les soins de santé. Au cours des dix dernières années, les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ont pris ce problème complexe à bras le corps, seules ou en partenariat avec le CICR.

Les partenaires en action

Aux Philippines, Hanifah Domato, volontaire de la Croix-Rouge philippine, raconte qu'au début du conflit à Marawi en 2017, les volontaires ont subi des discriminations de la part des habitants en raison de l'utilisation de l'emblème de la croix rouge. Ils pensaient (à tort) que la croix rouge était un symbole religieux. « Nous avons dû leur expliquer l'histoire de la Croix-Rouge philippine et nos principes, en particulier ceux d'impartialité et de neutralité. Nous ne nous lassons jamais d'expliquer notre rôle, et je peux dire qu'aujourd'hui, presque toutes les communautés nous ont acceptés en tant qu'acteur humanitaire neutre sur le terrain. »

La Croix-Rouge du Nigéria, quant à elle, sensibilise les chauffeurs de taxi à l'importance de donner la priorité aux ambulances. Elle collabore également avec les chefs religieux pour favoriser un climat de respect à l'égard des soins de santé.

ICRC-supported Keysaney hospital in Mogadishu, Somalia

Mogadiscio, Somalie. L'entrée des urgences de l'hôpital Keysaney, soutenu par le CICR. Des peintures sur le mur rappellent que toutes les armes sont interdites dans l'enceinte de l'établissement. CICR / B. Schaeffer

En Colombie, au plus fort de la pandémie de Covid-19, les malades dans les villages reculés mouraient par manque d'oxygène. La Croix-Rouge colombienne a alors négocié l'accès aux communautés isolées et y a acheminé des médicaments et du matériel médical, sauvant la vie d'environ 9000 personnes.

Nos collègues en Irak ont observé un cercle vicieux : de moins en moins de professionnels qualifiés se présentaient au travail, avec pour conséquences une baisse de la qualité et de la quantité des soins dispensés, ainsi que de l'offre de soins spécialisés pour les personnes qui en ont le plus besoin. Comme les patients et leurs familles se heurtaient à une prise en charge de mauvaise qualité, les médecins et le personnel infirmier faisaient souvent les frais de leurs frustrations, parfois sous la forme de violences physiques. Ainsi, lors d'une enquête réalisée en 2021 à Bagdad, 87% des 505 médecins interrogés ont signalé des actes de violence dans leur établissement au cours des six mois précédents, principalement perpétrés par des proches de blessés et de malades[1].

Face à cette tendance préoccupante, le Croissant-Rouge d'Irak, la Croix-Rouge de Norvège et le CICR ont entamé une collaboration visant à renforcer le respect des soins de santé dans le cadre de l'initiative « Les soins de santé en danger ». Le Croissant-Rouge d'Irak et le CICR ont apporté leur soutien à une campagne de communication publique très médiatisée menée par le gouvernement en 2018, et reviennent régulièrement sur la question. En outre, le Croissant-Rouge d'Irak s'est employé à renforcer les compétences en communication des professionnels de la santé afin de prévenir les actes de violence, avec le soutien de la Croix-Rouge de Norvège et du CICR.

Au vu de la complexité du phénomène, collaborer avec des acteurs partageant les mêmes principes est essentiel si l'on veut réussir à mettre fin à la violence contre les soins de santé.


Pour en savoir plus : le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a lancé l'initiative « Les soins de santé en danger » pour combattre le problème de la violence contre les patients, les personnels de santé, les structures médicales et les véhicules sanitaires, et pour rendre plus sûrs l'accès aux soins de santé et la fourniture des soins dans les conflits armés et autres situations d'urgence. En 2011, le concept de protection des soins de santé a été officiellement reconnu à travers l'adoption de la résolution 5 de la XXXIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

La violence contre les personnels de santé, les hôpitaux et les ambulances fragilise les services médicaux, privant malades et blessés des soins vitaux dont ils ont besoin. Cette violence doit cesser. Le CICR collabore avec les Sociétés nationales du monde entier pour protéger les soins de santé dans les conflits armés et autres situations d'urgence.

Afin de marquer le dixième anniversaire de l'initiative « Les soins de santé en danger », le CICR a publié une compilation de courts témoignages illustrant l'action menée par les partenaires du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour prévenir la violence contre les personnels de santé, les blessés et les malades au cours de la dernière décennie.