Déclaration

Traité sur le commerce des armes : appel du CICR au respect des engagements pris

Déclaration du vice-président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Gilles Carbonnier, à la septième conférence des Etats parties au Traité sur le commerce des armes (Genève, 30 août 2021).

Monsieur le Président,

Excellences, Mesdames et Messieurs,

À l'heure actuelle, plus d'une centaine de conflits armés font rage à travers le monde et un nombre croissant d'entre eux tendent à s'inscrire dans la durée. Parallèlement, des centaines de groupes armés sont impliqués dans d'autres situations de violence qui affectent des dizaines de millions de personnes.

Chaque jour, nos collaborateurs en poste dans des pays tels que l'Afghanistan, le Mali, la Syrie ou le Yémen sont témoins des terribles souffrances causées par l'emploi abusif des armes, dont l'acquisition, le transfert et l'utilisation sont insuffisamment contrôlés.


Comme vous le savez, le CICR s'emploie à faire en sorte que les victimes des conflits armés et autres situations de violence bénéficient d'une protection et d'une assistance humanitaires. Répondre de manière adéquate aux besoins vitaux des gens est un préalable indispensable à l'avènement de la paix.

Cela fait 34 ans que nous menons des activités en Afghanistan. La récente reprise des combats dans le pays a fait de très nombreux blessés parmi les civils et contraint beaucoup de personnes au déplacement. Plus de 40 000 Afghans ont été pris en charge dans les structures médicales soutenues par le CICR au cours des trois derniers mois. C'est un crève-coeur de voir nos unités de soins saturées de gens à qui il manque un membre, surtout lorsqu'il s'agit d'enfants. Nos équipes médicales et nos spécialistes de la réadaptation physique sur place craignent de voir affluer de plus en plus de civils présentant ce type de blessures dans les années à venir.

La situation au Soudan du Sud est un autre exemple des souffrances causées par l'emploi abusif des armes. Dix ans après avoir obtenu l'indépendance, le pays est toujours déchiré par la violence. Plus du tiers des habitants ont été contraints de quitter leur foyer et ne peuvent toujours pas rentrer chez eux. Au cours des dix dernières années, nos trois équipes chirurgicales sur place ont opéré pas moins de 9000 blessés par arme ; parmi les blessés par balle, un quart étaient des femmes et des enfants.

En l'absence de solutions politiques, les guerres s'enlisent et durent des années, entretenues par la disponibilité des armes et des munitions. Par ailleurs, la tendance actuelle montre que les parties aux conflits armés mènent rarement le combat seules : elles font de plus en plus appel à des soutiens extérieurs, notamment pour s'approvisionner en armes.

Cette multiplication du nombre de partenaires ou d'alliés peut conduire à une dilution des responsabilités, une fragmentation des chaînes de commandement et une circulation incontrôlée des armes, dont les civils paient le prix.


Ces relations de soutien peuvent néanmoins être mises à profit pour réduire le coût humain de la guerre. C'est pourquoi le CICR appelle les États qui soutiennent des parties à un conflit à user de leur influence et à prendre des mesures concrètes pour limiter les conséquences humanitaires préjudiciables liées à l'emploi abusif des armes. Cela suppose notamment de mettre en place tous les contrôles nécessaires pour empêcher que des armes ne soient transférées dès lors qu'il existe un risque qu'elles soient utilisées en violation du droit international humanitaire ou du droit international des droits de l'homme.

Monsieur le Président,

Le CICR salue l'attention qui a été portée, au cours de cette session de la conférence présidée par la Sierra Leone, aux défis spécifiques posés par les armes légères et de petit calibre. Leur disponibilité généralisée entretient la violence, notamment la violence fondée sur le genre, longtemps après la fin des conflits.

À l'occasion d'un récent déplacement en Amérique centrale, j'ai rencontré de nombreuses familles qui avaient été contraintes de fuir à cause de la violence armée. Près de la moitié des migrants d'Amérique centrale sont originaires du Honduras : entre 2014 et 2018, 250 000 Honduriens ont dû partir de chez eux à cause de la violence entre gangs qui sévit dans le pays et qui est en grande partie alimentée par la disponibilité des armes.

Le Traité sur le commerce des armes est un instrument capital pour endiguer cette violence et, partant, renforcer la sécurité internationale et celle des personnes. Les États parties au traité se sont engagés à soumettre les transferts internationaux d'armes conventionnelles, de munitions, de pièces et de composants à des critères stricts afin de garantir le respect du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme.

Pourtant, il apparaît encore trop souvent que la pratique des États n'est pas à la hauteur des engagements pris. Le Traité sur le commerce des armes ne pourra contribuer à réduire les souffrances humaines de manière significative qu'à la condition que les États parties en respectent la lettre et agissent en accord avec son objectif humanitaire.



Le CICR reste résolument déterminé à soutenir la mise en oeuvre pleine et entière du traité et à en promouvoir l'adoption auprès des États qui n'y ont pas encore adhéré. Nous entretenons un dialogue régulier avec les États parties et les encourageons à rendre compte des efforts de mise en oeuvre déjà accomplis. Nous sommes fermement convaincus que c'est en incitant les États à échanger sur les mesures concrètes qu'ils ont prises ainsi que sur les difficultés qu'ils rencontrent et qu'ils s'emploient à surmonter que nous parviendrons ensemble à donner corps aux aspirations humanitaires du traité.

Je vous remercie.