Aéroport de Sanaa, vendredi 14 avril 2023. Un ancien détenu retrouve son fils. ©CICR

Rapatriement de détenus au Yémen : « Un grand moment d’humanité »

À la demande des parties impliquées dans les combats au Yémen, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a facilité à la mi-avril 2023 la libération et le transfert de 973 personnes détenues dans le cadre du conflit. En notre qualité d’intermédiaire neutre dans des situations de tension, nous sommes en mesure de créer des espaces où les personnes peuvent échapper aux griffes de la violence et de la misère, au Yémen et ailleurs.
Article 18 avril 2023 Yémen

Vendredi 14 avril 2023, aéroport d'Aden. Fatima Sator, déléguée du CICR, accompagne d'anciens détenus en route pour Sanaa. Avant de monter dans l'avion, elle leur remet un téléphone pour qu'ils puissent prévenir leurs familles qu'ils seront bientôt à la maison. « C'est très émouvant de les voir tous euphoriques à l'idée de revoir leurs proches dans quelques heures, après des années de captivité. C'est un grand moment d'humanité. »

Les anciens détenus arrivent à Sanaa.
Les anciens détenus arrivent à Sanaa. ©CICR

Le dispositif logistique a mobilisé deux avions affrétés et trois appareils appartenant au CICR. Au total, 18 vols ont fait la navette entre six villes du Yémen et l'Arabie saoudite, facilitant le retour chez elles en toute sécurité de plus de 950 personnes.

Le personnel médical et les volontaires du Croissant-Rouge du Yémen et de la Société du Croissant-Rouge de l'Arabie saoudite ont aidé les détenus handicapés à embarquer et débarquer et ont fourni des premiers secours et des services d'ambulance lorsque cela était nécessaire. L'opération a duré jusqu'au lundi 17 avril, les derniers ex-détenus effectuant la dernière étape de leur voyage en taxi ou en bus avec le soutien financier du CICR.

Pendant le vol, un ancien détenu se confie à Fatima : « J'attends ce moment depuis des années et je n'ai qu'une envie, c'est de serrer mes enfants dans mes bras ». Avant d'ajouter avec un grand sourire : « Ce mois-ci, je fête l'Aïd deux fois, aujourd'hui et dans une semaine ! »

À l'arrivée à Aden, le tarmac est envahi par une foule d'officiels, de militaires et de membres de la famille. Les hommes se prennent dans les bras, s'embrassent sur le front, des danses traditionnelles sont improvisées. « Submergées par la joie, les familles pleurent tellement qu'elles ne peuvent plus parler », raconte Fatima.

 Le personnel médical et les volontaires du Croissant-Rouge du Yémen et de la Société du Croissant-Rouge de l'Arabie saoudite ont aidé les détenus handicapés à embarquer et débarquer
Le personnel médical et les volontaires du Croissant-Rouge du Yémen et de la Société du Croissant-Rouge de l'Arabie saoudite ont aidé les détenus handicapés à embarquer et débarquer ©CICR

Faites un don maintenant en réponse à l’appel d’urgence pour le Yémen. 

Donnez maintenant

Plus qu'un simple transfert de personnes

L'opération de libération est le fruit de pourparlers conclus le 20 mars 2023 à Berne, en Suisse, où les parties au conflit au Yémen ont accepté de libérer près de 900 personnes. Nous avons coprésidé ces réunions avec le Bureau de l'envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen.

En décembre 2018, les parties au conflit avaient signé l'accord de Stockholm par lequel elles s'engageaient à libérer les personnes détenues dans le cadre du conflit.

Il s'agit de la deuxième plus vaste opération de libération que nous ayons facilitée dans le cadre du conflit au Yémen – la plus importante ayant eu lieu en octobre 2020, avec plus de 1000 détenus libérés.

Ralph Wahbe, chef adjoint des opérations du CICR au Yémen, déclare : « C'est un véritable privilège de participer à un événement aussi marquant que celui-ci. Mais soyons clairs : notre mission ne se résume pas à affréter des avions et à transporter des personnes ».

Dans les jours et les semaines qui ont précédé cette opération, le CICR s'est rendu dans les lieux de détention et a rencontré tous les détenus en privé pour s'assurer qu'ils rentrent au pays de leur plein gré et que leur sécurité est garantie.

Les délégués ont également vérifié qu'ils étaient aptes au voyage et leur ont donné la possibilité d'informer leur famille de leur retour.

L'impact humain de ces opérations est énorme. « Elles contribuent à mettre fin aux souffrances de nombreuses familles séparées et à instaurer la confiance entre les parties, ce qui, nous l'espérons, conduira à d'autres opérations de libération », souligne Ralph Wahbe.

Pourquoi les détenus ont besoin de protection

Comme l'indique notre dernier rapport sur la détention, « les détenus sont vulnérables aux mauvais traitements infligés par leurs ravisseurs et leurs gardiens, leur bien-être dépend entièrement des capacités et des intérêts de leurs ravisseurs, et beaucoup sont anxieux parce qu'ils ne savent pas combien de temps ils resteront en détention ».

Ces dangers sont omniprésents et peuvent s'intensifier pendant les opérations de libération et de transfert en raison de la haine et du ressentiment qui ont grandi entre les ennemis, ou de la proximité des opérations militaires en cours.

C'est là que réside clairement notre valeur ajoutée, acquise au cours de décennies d'action neutre au cœur de situations polarisées et violentes. En neutralisant des espaces comme les hôpitaux et des moyens de transport comme les bus et les avions, nous pouvons mettre à l'abri toutes les personnes placées sous la protection des emblèmes de la croix rouge, du croissant rouge et du cristal rouge.

Le dispositif logistique a mobilisé deux avions affrétés et trois appareils appartenant au CICR. Au total, 18 vols ont fait la navette entre six villes du Yémen et l'Arabie saoudite
Le dispositif logistique a mobilisé deux avions affrétés et trois appareils appartenant au CICR. Au total, 18 vols ont fait la navette entre six villes du Yémen et l'Arabie saoudite ©CICR

Il y a trop de familles qui ignorent ce qu'il est advenu de leurs proches – s'ils sont vivants, morts, blessés ou détenus. Elles aussi méritent de savoir. Le CICR encourage les parties à entamer des négociations sur le rapatriement et l'échange des personnes encore détenues ou tuées au combat.

Ralph Wahbe conclut en disant : « Nous apprécions que toutes les parties au conflit fassent confiance au CICR en tant qu'acteur et intermédiaire neutre dans cette opération. Mais n'oublions pas les détenus qui attendent encore leur libération. Nous sommes prêts à apporter notre concours. »

Présent au Yémen depuis 1962

Comme le prévoit l'article 3 commun aux Conventions de Genève, le CICR a offert ses services aux parties au conflit dans le pays afin de venir en aide aux plus vulnérables dans ce conflit dévastateur et de longue durée. Ces services consistent notamment à enregistrer les détenus et à vérifier s'ils sont traités avec humanité, à établir le contact avec leurs familles, à améliorer leurs conditions de détention si nécessaire, et à participer à leur libération en toute sécurité.

Les huit dernières années de conflit ont mis le Yémen à genoux, les services essentiels sont au bord de l'effondrement et des millions de personnes dépendent de l'aide humanitaire. En collaboration avec le Croissant-Rouge du Yémen, nous soutenons des projets visant à améliorer la santé, l'approvisionnement en eau et l'assainissement dans les communautés vulnérables, nous aidons les personnes à devenir financièrement indépendantes et nous œuvrons à l'élimination des restes explosifs de guerre. La récente pénurie de fonds de la communauté internationale des donateurs risque de compromettre notre action neutre et impartiale.