Colombie : les engins explosifs font peser une lourde menace sur la population indigène

25-10-2011 Éclairage

La Colombie comptabilise toujours le plus grand nombre de victimes d’accidents dus à la contamination par les armes au monde. Ce fléau entraîne des séquelles physiques et psychologiques profondes parmi les populations qui vivent au cœur du conflit armé.

Il y a quelques mois, les indigènes Nasa, qui vivent dans une municipalité du département du Cauca, ont eu la peur de leur vie. Comme s’il s’agissait d’un avertissement divin, un éclair tombé sur le sommet d’une montagne sacrée dans la tradition des indigènes a fait sauter deux engins explosifs dont personnes ne connaissait l'existence. Depuis, les élèves de l'école du village sont privés d'excursion, que ce soit sur le sommet en question, ou sur toute autre montagne des environs. Cette mesure a été imposée par les enseignants pour protéger les enfants.

Une histoire de guerre qui n’en finit pas

Il y a 25 ans, ce village a subi pour la première fois les conséquences du conflit armé. L’épisode le plus dramatique, comme le racontent les habitants, ils l’ont vécu il y dix ans, lorsqu’un groupe armé a fait irruption dans la région. Les habitants, qui fondent en larmes lorsqu'ils en reparlent, rapportent que les hommes armés ont commis des actes indescriptibles contre des indigènes de la communauté, terrorisés. Ces exactions n’ont duré que deux jours ; deux jours qui ont pourtant suffi à marquer à jamais les mémoires et la vie du village.

Après cette incursion armée, les membres de la communauté se sont organisés pour protéger leur vie et leur dignité. Depuis quelques années, des éducateurs proposent des programmes axés notamment sur la vie communautaire, le renforcement des valeurs communautaires et la recherche participative de solutions au conflit par le biais de l’art, de la danse, d’ateliers sur la violence familiale, du travail communautaire, et de réflexions sur la sécurité alimentaire, les voies sûres à mettre en place, et les valeurs culturelles indigènes. De leur côté, les gouverneurs indigènes de la région rappellent aux groupes armés qu’ils doivent respecter les règles de la guerre et ne pas impliquer la population dans les hostilités.

Pourtant, au lendemain de l’explosion survenue sur la montagne, la peur s’est réinstallée parmi les habitants. Bien qu'à ce jour, aucun accident n'ait été à déplorer, les gens ont adopté des mesures de prévention. Les enfants de l'agglomération proprement dite doivent être à la maison à six heures du soir. Quant à ceux qui habitent dans des zones rurales, ils ont pour consigne de rentrer chez eux en sortant de l’école. Lorsque ce n’est pas le cas, les habitants se lancent à la recherche des retardataires.

Le CICR, de son côté, a organisé des séances de sensibilisation visant à promouvoir des comportements sûrs : 235 élèves de l’école, 60 parents et 24 enseignants de la municipalité y ont pris part. Beaucoup connaissent déjà les règles par cœur : éviter de ramasser des objets insolites et de pénétrer dans des maisons abandonnées, emprunter des routes principales pour se déplacer, et éviter les aires de campement, qu’elles soient occupées ou abandonnées. Ces ateliers visent à renforcer les mécanismes d'autoprotection des membres de ces communautés.

« En Colombie, la contamination par les armes prend des formes très diverses, explique Adrián Estrada, employé du CICR à Cali. Cela peut être des restes explosifs de guerre, des munitions, des mines, ou tout autre type d’engins explosifs abandonnés dans les champs ou dans la forêt après un combat, et sur lesquels on risque de marcher à tout moment. Il est très important que les habitants sachent comment prévenir les accidents, et quoi faire en cas d'urgence ».

En Colombie, le CICR a recours au jeu et au dessin pour attirer l’attention des jeunes enfants, et à des ateliers pour sensibiliser les adultes. Chaque année, il touche ainsi plus de 11 000 personnes vivant dans des zones à haut risque. La Croix-Rouge colombienne mène des activités similaires, visant elles aussi à réduire le nombre d’accidents dus à la présence de restes explosifs dans les zones rurales, parmi la population civile. Le CICR informe également les communautés, les autorités locales et les services de santé sur le système de prise en charge des victimes (ruta de atención), et sur les droits des victimes de la violence, y compris les victimes de la contamination par les armes.

Photos

Élèves d’une école du département du Cauca participant à un atelier sur les comportements sûrs organisé par le CICR.  

Élèves d’une école du département du Cauca participant à un atelier sur les comportements sûrs organisé par le CICR.
© ICRC / E. Tovar

Les ateliers sur les comportements sûrs ont pour but de prévenir les accidents dus à la contamination par les armes.  

Les ateliers sur les comportements sûrs ont pour but de prévenir les accidents dus à la contamination par les armes.
© ICRC / E. Tovar

Au moyen du jeu et du dessin, les élèves les plus jeunes apprennent les comportements à adopter dans les zones contaminées par des armes.  

Au moyen du jeu et du dessin, les élèves les plus jeunes apprennent les comportements à adopter dans les zones contaminées par des armes.
© ICRC / E. Tovar

Ce jeune garçon illustre quelques unes des précautions à prendre pour réduire les risques d'accidents dus aux engins explosifs.  

Ce jeune garçon illustre quelques unes des précautions à prendre pour réduire les risques d'accidents dus aux engins explosifs.
© ICRC / E. Tovar