Colombie : promesse d’un avenir meilleur pour les paysans du Putumayo grâce à la culture du cacao
13-07-2012 Éclairage
À San Miguel, dans le département de Putumayo, à la frontière équatorienne, le CICR soutient un projet de culture du cacao lancé par des paysans de la municipalité. Pour les familles associées au projet, cette alternative sera une nouvelle source de revenus, qui devrait leur permettre de subvenir à leurs besoins et de renforcer leur implantation dans cette région frappée de plein fouet par le conflit armé des années durant.
Bien que le prix du cacao ne cesse de chuter, Argemiro Melo espère impatiemment que la lune entre dans son dernier quartier pour planter les 250 plans de cacao qui attendent dans sa pépinière, à l’instar de centaines d’autres petits cultivateurs vivant dans la zone rurale de la municipalité de San Miguel, dans le département de Putumayo, à la frontière équatorienne, pour qui la culture du cacao devrait bientôt représenter la principale source de revenus.
Argemiro habite la localité de Canada, où il est arrivé avec sa famille dans les années 1970, en provenance du département de Nariño, en quête d’une nouvelle vie. Comme tous ses voisins, sa famille vivait de la culture de la feuille de coca, jusqu’à ce qu’au milieu de la dernière décennie, le filon se tarisse. La fin de la coca dans la région a aussi signifié la ruine pour quatre de ses cinq enfants, qui sont retournés dans le département de Nariño ou ont émigré en Équateur, à la recherche d’un travail. « J’espère bientôt les faire revenir et pouvoir recommencer tous ensemble une nouvelle vie grâce à la culture du cacao. »
Les communautés qui se sont installées sur les rives du fleuve San Miguel ont vécu dans l’isolement, dépourvues de presque toute source de revenus. Par ailleurs, la présence de groupes armés dans la région a été à l’origine de longues périodes de violence, qui ont entraîné de graves problèmes humanitaires pour la population civile.
Pour les paysans de la région, subvenir aux besoins de leurs familles était une véritable gageure. « La vie là-bas n’est pas facile », explique Daniel Muñoz-Rojas, chef de la sous-délégation du CICR à Florencia, dans le département de Caqueta. « Aujourd’hui, les conséquences humanitaires les plus graves du conflit armé tiennent à l’utilisation d’engins explosifs, qui sont responsables de problèmes de mobilité pour les paysans et rendent l’agriculture de subsistance impossible, ou presque. Face à ce manque d’alternatives de production et de perspectives de développement, la population avait fini par sombrer dans le désespoir. »
De la coca au cacao
La culture du cacao est apparue comme une alternative prometteuse pour relancer l’économie et redonner espoir aux familles de la région. Le succès n’a toutefois pas été immédiat. Avant les 500 hectares de plantations de cacao d’aujourd’hui, les agriculteurs avaient fait quelques tentatives infructueuses. « Après la coca, nous nous sommes essayés à la culture des arachides, puis de la malanga, une sorte de tubercule riche en amidon. Puis, après ces expériences malheureuses, nous nous sommes lancés dans le cacao. Nous sommes convaincus que notre avenir est dans ces fèves », déclare José Cundar, chef communautaire de la localité de La Union.
L’un des pionniers de la culture du cacao a été Leonel Martínez, qui a eu l’idée de semer les précieuses fèves dans sa ferme de Monterrey. C’est la nécessité et les succès qu’il avait observés dans la culture du cacao en Équateur qui sont à l’origine de cette initiative. « Au début, nous avons fait comme nous avons pu, mais en fait, on avait aucune idée », raconte Leonel, qui cultive aujourd’hui environ huit hectares de cacao. Toutefois, les résultats ne se sont pas fait sentir dès le début, car jusque-là, les gens ignoraient tout des techniques propres à cette culture.
De paysan à paysan
En juin 2011, le CICR a entrepris de soutenir l’initiative des paysans de San Miguel afin d’atténuer les graves conséquences du conflit armé pour la population sur le plan humanitaire. En appuyant le projet des communautés locales, l’institution s’est fixée comme objectif d’améliorer l’alimentation et les revenus de 320 familles de la région, grâce à l’optimisation du rendement des cultures.
Le projet a porté dans un premier temps sur les 349 hectares déjà plantés par les familles de 11 localités situées sur les rives du fleuve San Miguel. « Au début, les gens ne savaient pas bien comment soigner les cacaoyers ; ils ne connaissaient ni les techniques de taille ni les moyens de lutter contre les maladies. Ils ignoraient également quels engrais ils devaient utiliser. Tout cela a eu des répercussions sur la production », explique Anderson Peña, ingénieur agroécologue du CICR.
Fabio Portilla, habitant de La Union et propriétaire d’une des plantations de cacao les plus prospères de la région, se souvient de l’état dans lequel se trouvaient ses cacaoyers il y a quelques mois : « Avant, ces plantations étaient misérables : les arbustes étaient ravagés par la moniliose (une maladie fréquente du cacaoyer) ; nous ne savions pas comment nous occuper des plantes, comment les tailler, rien. Aujourd’hui, nous connaissons les moyens permettant de venir à bout des maladies, et la production a considérablement augmenté. »
Les méthodes de travail préconisées par le CICR se sont transmises de paysan à paysan, chacun formant ses pairs en utilisant le langage simple des gens du terroir. « Nous avons formé 24 promoteurs issus des 320 familles associées au projet, dans le but qu’ils transmettent le savoir qu’ils ont acquis aux autres membres des communautés. Ainsi, les paysans formés passent leurs connaissances à leurs semblables en recourant à un langage simple que tous comprennent », ajoute Anderson.
Grâce à des techniques de taille appropriées, au contrôle des maladies et à l’utilisation d’engrais et de fertilisants biologiques, la production ne cesse d’augmenter. Il reste encore beaucoup à faire, mais aujourd’hui déjà, les gens sont enthousiastes. Ils ont constitué une association, et de nombreux paysans qui n’avaient pas été associés au projet ont à leur tour commencé à semer des fèves de cacao. La joie et l’espoir éclairent le regard des nouveaux cultivateurs. « Aujourd’hui, nous vivons plus tranquilles. Nous avons à nouveau des perspectives d’avenir et nous sommes optimistes », conclut Fabio.