Les soins de santé en danger : premiers jalons posés au colloque de Londres

25-04-2012 Éclairage

Des professionnels de la santé enlevés, des médecins assassinés, des dispensaires saccagés, des vaccins refusés à des dizaines de milliers d'enfants... Ce sont là quelques exemples d'atteintes aux soins de santé du fait de la violence armée qui ont galvanisé les débats des experts de la santé et des acteurs humanitaires réunis à Londres pour envisager des solutions urgentes à ce problème.

Une rencontre sans précédent

La réunion qui s'est tenue lundi était la première à laquelle concouraient des décideurs politiques, des universitaires, des médecins et des représentants de la société civile dans le but de débattre du problème général de la violence à laquelle les soins de santé sont exposés.

Le colloque a posé les premiers jalons d'une réponse à un problème qui prive de soins de santé des dizaines de milliers de personnes par an, provoque d'innombrables morts inutiles et aggrave les souffrances de toutes les personnes malades et blessées prises dans un conflit.

De l'avis des 150 participants, que faut-il faire pour y remédier ?

Tout d'abord, une campagne de sensibilisation doit être décidée de façon concertée et sur la base de données dont la collecte systématique permettra de quantifier et de préciser l'ampleur et la nature des problèmes auxquels les soins de santé sont confrontés. Ensuite, les gouvernements doivent réfléchir à des mesures vigoureuses allant de l'adoption d'ordres opérationnels permanents pour le champ de bataille afin que les professionnels de la santé et les installations sanitaires soient davantage protégés, à une législation nationale plus forte sur la protection de la neutralité médicale. Et enfin, les règles de la déontologie médicale doivent être revues pour que les professionnels de la santé disposent de directives claires sur la réaction à opposer aux dilemmes auxquels ils doivent faire face pendant un conflit. 

 

Certaines recommandations pratiques issues du colloque pourraient être mises en œuvre immédiatement, tandis que d'autres contribueront à inspirer des propositions de politiques auxquelles les gouvernements et les organisations internationales devraient réfléchir. D'autres suggestions de solutions à ce problème seront avancées lors des ateliers qui vont être organisés dans les 18 prochains mois et auxquels participeront d'autres acteurs tels que les militaires et les représentants des États.

Des exemples de privation de soins de santé pour des milliers de personnes

D'éminents orateurs ont exposé le problème dans toute son ampleur. Suite à l'enlèvement de deux employés de MSF et le meurtre d'un collègue kenyan, a rapporté le président de MSF International, Unni Karunakara, 470 000 réfugiés somaliens ont été privés de soins médicaux. Quand l'hôpital de MSF à Pribor (Soudan du Sud) a été saccagé, a-t-il poursuivi, 160 000 personnes ont dû faire 100 km de plus pour parvenir à une clinique. Il a ajouté que d'autres mesures empêchaient la fourniture de soins médicaux rapides et efficaces, parmi lesquelles l'application de règles entravant l'importation de fournitures médicales, de lourdes procédures aux postes de contrôle, ou encore l'imposition délibérée de taxes et autres droits.

La santé et les droits de l'homme doivent être plus étroitement associés

Le professeur Andrew Haines de la London School of Hygiene and Tropical Medicine a demandé à ce qu'un lien plus étroit soit établi entre la santé et les droits de l'homme, faisant observer que les personnels de santé étaient victimes d'attaques lancées sans discrimination que ce soit à Sri Lanka ou au Pakistan, ou encore en République démocratique du Congo. Le professeur Michael Marmot a quant à lui fait observer qu'il y avait souvent des facteurs sociaux (inégalités, faible niveau d'éducation...) derrière les problèmes de santé, qui expliquaient la déresponsabilisation des personnes défavorisées en matière d'accès aux soins. Et un conflit, a-t-il ajouté, est une forme extrême de déresponsabilisation. Il a demandé au Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de tirer profit de tout le respect dont il jouit pour réclamer un accès plus équitable aux soins de santé et une redéfinition de la santé en termes de bien-être.

Un témoignage émouvant du terrain

Un témoignage personnel émouvant de ce que vivaient des professionnels de la santé locaux en RDC et au Congo a été donné par Carolyn Miller, directrice générale de l'ONG médicale Merlin. Elle a fixé trois objectifs devant être atteints à l'issue du colloque : que les professionnels de la santé et la communauté des ONG prennent rapidement des mesures pratiques, que les réponses soient élaborées en donnant la parole à la population locale et que les organisations caritatives soient présentes dans les lieux oubliés et isolés comme en République centrafricaine.

Merlin mène une campagne de dénonciation vigoureuse des dangers auxquels sont exposés les soins de santé et Carolyn Miller a dit espérer que la création de « communautés d'intérêt » permettrait d'arriver à une masse critique mobilisant l'attention nécessaire pour convaincre les décideurs politiques d'agir.

La nécessité de disposer de données fiables sur les attaques contre les soins de santé

Rudi Coninx, expert de l'OMS, a insisté sur la nécessité de disposer de données fiables sur l'ampleur des attaques dont les professionnels de la santé et les installations sanitaires sont victimes, afin de pouvoir identifier et analyser les tendances et, à partir de là, mener des actions de sensibilisation pour améliorer les comportements et réduire les risques.

Le professeur Len Rubenstein, défenseur du droit à la santé, a fait observer qu'il était difficile de trouver des moyens incitant les groupes armés non réguliers à respecter le droit international humanitaire qui protège les soins de santé pendant un conflit. D'après lui, il est essentiel de renforcer la perception d'impartialité et de neutralité des professionnels de la santé. Il a suggéré qu'un rapporteur spécial des Nations Unies soit nommé et chargé au nom des États de réagir aux menaces contre les soins de santé.

Les gouvernements doivent agir, et les professionnels de la santé aussi

Il a été rappelé aux participants qu'indépendamment des mesures que prendront les gouvernements, les professionnels de la santé avaient aussi des responsabilités à assumer. La déontologie médicale n'est pas un luxe qui ne s'applique qu'en temps de paix, a fait observer le professeur Vivienne Nathanson, de l'Association médicale britannique. La nécessité de dispenser des soins impartiaux et équitables vaut tout autant dans les situations d'urgence.

Pour le docteur Robin Coupland, conseiller médical au CICR, toute une panoplie de mesures doivent être prises mais aujourd'hui il faut surtout sensibiliser l'opinion aux dangers qui menacent les soins de santé. De son point de vue, cette sensibilisation est essentielle, sans quoi les décideurs politiques ne feront rien. « À ce stade, c'est vraiment à nous d'agir », a-t-il affirmé.

Les organisateurs de ce colloque sont : le Comité International de la Croix-Rouge, la Croix-rouge britannique, l'Association médicale britannique et l'Association médicale mondiale.

Photos

Geoff Loane, chef de la mission du CICR au Royaume-Uni, ouvre le colloque par la projection d'un film d'André Liohn montrant les soins de santé en danger en Libye. 

Geoff Loane, chef de la mission du CICR au Royaume-Uni, ouvre le colloque par la projection d'un film d'André Liohn montrant les soins de santé en danger en Libye.
© Croix-Rouge britannique / M. Percival

Le professeur Len Rubenstein recommande des mesures gouvernementales de protection des soins de santé. 

Le professeur Len Rubenstein recommande des mesures gouvernementales de protection des soins de santé.
© Croix-Rouge britannique / M. Percival

Des professionnels de la santé et de l'action humanitaire de toute la planète se sont retrouvés à Londres pour ce colloque sur les dangers auxquels sont exposés les soins de santé. 

Des professionnels de la santé et de l'action humanitaire de toute la planète se sont retrouvés à Londres pour ce colloque sur les dangers auxquels sont exposés les soins de santé.
© Croix-Rouge britannique / M. Percival

Le colloque a réuni 150 particpants, dont des représentants de 15 Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. 

Le colloque a réuni 150 particpants, dont des représentants de 15 Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
© Croix-Rouge britannique / M. Percival