Rendre le signe distinctif visible dans l'infrarouge thermique

30-04-1997 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 824, de Dominique Loye

  Dominique Loye , Conseiller technique, CICR  

Depuis de nombreuses années, les forces armées développent de nouveaux moyens d'observation afin d'augmenter leur capacité de mener le combat à toute heure et par tous les temps. Plusieurs forces armées se sont ainsi équipées de caméras à imagerie thermique (IR) [1 ] qui permettent de reconnaître et de détecter des personnes et des objets non seulement de nuit, mais aussi de jour, même quand la visibilité est restreinte (comme, par exemple, à travers la fumée, le feuillage ou la pluie légère).

Cependant, les caméras IR ne captent pas les différences de couleurs, mais les différences de températures. Ainsi, une croix rouge ou un croissant rouge « normal » sur fond blanc n'est pas visible avec des moyens IR, puisqu'il n'existe pas de différence de température entre le rouge de la croix ou du croissant et le fond blanc (voir aussi les essais de visibilité de 1989 [2 ] ). Toutefois l'utilisation de rubans adhésifs spéciaux, qui possèdent un coefficient de réflexion thermique élevé, permet de rendre l'emblème visible dans l'IR. Grâce aux caractéristiques thermiques de ces rubans, la croix rouge ou le croissant rouge apparaît avec une température différente de celle du fond blanc lors de prises de vues IR. On obtient le meilleur rendement des rubans thermiques en les inclinant le plus possible vers le ciel.

L'emploi de rubans thermiques pour les croix rouges ou les croissants rouges est d'ailleurs conforme aux dispositions du Règlement relatif à l'identification [3 ] qui invite les États parti es aux Protocoles additionnels I aux Conventions de Genève de 1949 à convenir de moyens supplémentaires qui améliorent la possibilité d'identification et mettent pleinement à profit l'évolution technologique dans ce domaine.

  Essais  

     

De 1993 à 1995, le CICR a effectué plusieurs tests de visibilité de croix rouges réalisées au moyen de rubans thermiques adhésifs dans des conditions similaires à la réalité opérationnelle afin de mieux connaître les capacités de ce moyen moderne d'identification.

En 1993 et 1994, le CICR a pu procéder, notamment grâce à la collaboration du Groupement de l'armement suisse, aux premiers essais de visibilité de rubans thermiques en utilisant des caméras IR. Ces tests ont donné des résultats satisfaisants et ont démontré l'utilité des rubans thermiques à coefficient thermique élevé pour l'identification IR.

Des tests sur mer ont été effectués en mars 1995. Des croix rouges à rubans thermiques de 1,3 m de côté ont été placées sur un bateau de sauvetage de la Royal National Lifeboat Institution (Royaume-Uni). Un hélicoptère équipé d'une caméra IR a survolé à plusieurs reprises le bateau en pleine mer, de jour et de nuit. Les essais diurnes ont montré que l'addition de plusieurs facteurs défavorables (image thermique uniforme de la mer, dimension relativement petite de la croix, pluie continue et couverture nuageuse compacte) a rendu difficile l'identification par caméra IR des croix rouges sur le bateau de sauvetage. En soirée, la couverture nuageuse s'est éclaircie, permettant une légère amélioration de l'identification par caméra IR, sans toutefois donner de résultats très satisfaisants.

Enfin, les 2 et 3 novembre 199 5, le CICR a posé sur un toit de bâtiment quatre drapeaux dont les croix rouges avaient été réalisées au moyen de rubans thermiques. Ces quatre drapeaux étaient de dimensions différentes : 10 m x 10 m, 5 m x 5 m, 3 m x 3 m et 2 m x 2 m. Un avion d'observation de l'armée suisse équipé d'une caméra IR a survolé à plusieurs reprises le bâtiment, de jour et de nuit. Durant toute la période des essais, le ciel était partiellement couvert, mais il n'y a pas eu de précipitations.

Des prises de vue tirées du film IR sont reproduites ci-après. Les résultats de ce test sont très encourageants et démontrent que l'emblème peut être rendu visible dans l'IR à l'aide de rubans thermiques, de jour comme de nuit. Toutefois, comme dans le spectre visible, la dimension de l'emblème est primordiale. On remarquera toutefois l'identification restreinte des croix rouges sur la dernière photo du fait que, durant la nuit du 2 au 3 novembre 1995, la rosée a recouvert les rubans thermiques d'une fine couche d'eau !

  Conclusion  

Les moyens d'observation des armées modernes évoluent et utilisent des techniques nouvelles. Ces changements demandent des moyens d'identification supplémentaires, afin de garantir l'identification des unités sanitaires à toute heure et par tous les temps.

En ce qui concerne les caméras à imagerie thermique (IR), les différents tests de visibilité effectués par le CICR ont démontré que, dans de nombreuses situations, l'utilisation de rubans thermiques rendait la croix rouge (et par analogie le croissant rouge) visible aux caméras IR. Ce moyen moderne augmente sensiblement la probabilité d'être identifié correctement, de jour et de nuit, par les parties au conflit.

Ainsi, dans les situations de guerre où les forces armées emploient des caméras IR, il devient indispensable pour les établissements et les transports sanitaires protégés parles Conventions de Genève de 1949 d'équiper leurs emblèmes protecteurs de rubans thermiques.

  Notes :  

1. « Imagerie thermique » : procédé qui consiste à capter l'énergie électromagnétique émise dans le spectre infrarouge (8-14mm) par les corps et à la transformer en signaux électriques, ceux-ci permettant d'établir une carte de répartition de la chaleur du paysage et de former ainsi une image « visible ».
 

« IR » : infrarouge.

2. Gérald C. Cauderay, « Visibilité du signe distinctif des établissements, des formations et des transports sanitaires », RICR , n° 784, juillet-août 1990, pp. 319 et suiv., p. 326.

3. Règlement relatif à l'identification, Annexe I (amendé) du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I).



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