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Qui sont les victimes de la guerre? L'importance de l'enregistrement et de l'information statistique pour le travail du Comité international de la Croix-Rouge

08-09-2000 Déclarationde Yves Sandoz

  Conférence AISO 2000 Statistique, développement et droits de l'homme, Montreux, 4-8 septembre 2000  

  Allocution de Yves Sandoz, conseiller spécial du CICR  

  Introduction
    1. Bref rappel historique
    2. La statistique et la détention
    3. La statistique et les actions de secours
    4. Les statistiques et l'information publique
    5. Sondages d'opinion : les voix de la guerre
    6. Quelques autres domaines où l'information statistique joue un rôle
    7. La statistique et la souffrance
    8. La statistique et la vision d'avenir
    Conclusion
   
 

  Introduction  

" Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point " a dit Pascal. Il est vrai que toutes ces dernières années, l'action humanitaire a beaucoup fait appel à ces raisons du coeur, à l'émotion suscitée par la souffrance des autres. On ne doit pas le regretter car cet élément émotionnel, l'élan de compassion vers son prochain qui souffre, reste un élément essentiel de toute action humanitaire. Si l'on a une crainte à émettre, c'est au contraire l'affaiblissement de ces raisons du coeur, l'indifférence à la souffrance des autres.

En réalité, la générosité par rapport à l'action humanitaire et le risque de l'indifférence ont probablement une source commune. L'on peut en effet situer le début des grandes actions humanitaires contemporaines avec le conflit du Nigéria-Biafra, qui a coïncidé avec l'expansion de la télévision : les images insupportables des enfants affamés du Biafra ont eu un impact considérable. Mais l'abondance des situations difficiles qui s'étalent sur les écrans a finalement eu un effet de saturation. Les raisons du coeur ont aussi leurs limites et l'adage " aide ton prochain " contient l'idée de proximité. Cette proximité soudaine dans laquelle la télévision nous place avec l'ensemble du monde a dès lors aussi engendré un sentiment d'impuissance, premier pas vers l'indifférence. On ne veut plus voir ce que l'on ne supporte pas, on " zappe " .

Et cette saturation entraîne un repli sur soi, qui conduit à se distancer même des souffrances qui sont proches, donc de son prochain au sens originel. On finit par évacuer aussi ses propres mendiants, impotents, mourants. La misère est une agression dont on se protège, en refusant de voir, en évacuant des beaux quartiers tout ce qui gêne à leur harmonie et à leur confort, en barricadant sa villa.

La télévision, pour qui le taux d'audience est le critère déterminant, a bien compris les limites de ce que l'auditeur moyen pouvait absorber, en dosant savamment le temps passé à montrer des situations pénibles. Elle a dû prendre en compte deux facteurs. Le fléchissement de l'intérêt pour des situations qui durent, en premier lieu : après quelque temps, il faut passer à un autre épisode du " feuilleton humanitaire " , même si la situation reste tout aussi tragique. Le besoin des auditeurs de s'identifier à ce qu'il voit, en second lieu, donc l'intérêt pour des histoires anecdotiques. 

Face à tout cela, il serait trop facile de simplement s'indigner. On ne peut attendre de chacun qu'il passe son temps à examiner rationnellement toutes les misères du monde pour agir avec générosité, abnégation et intelligence. C'est pourquoi il appartient au monde politique de donner une raison aux élans du coeur, de chercher à les canaliser intelligemment, sans pour autant les briser.

Il s'agit toutefois au préalable de bien définir les objectifs et, en particulier, de s'entendre sur les mots. Quelle signification donnons-nous, notamment, au mot " humanitaire " , utilisé à toutes les sauces. Dans les démocraties d'aujourd'hui, la politique est a priori humanitaire si on prend le mot dans un sens large, c'est-à-dire qu'elle a pour objectif avoué et avouable le bien-être de l'homme. Que l'on prétende y parvenir en renforçant la protection sociale ou en favorisant le développement de l'économie, que l'on consacre plus ou moins d'argent à la défense du territoire et à la police, que l'on privilégie le rail ou la route, que l'on favorise l'une ou l'autre option dans le do maine de la santé, la discussion ne porte pas tellement sur l'objectif mais sur le moyen d'y parvenir et sur des perspectives à plus ou moins long terme, notamment dans le domaine écologique. On peut certes avoir des partis qui prennent la défense d'une catégorie de citoyens - les jeunes, les vieux, voire les transporteurs routiers - mais l'argument pour défendre ces catégories sera très généralement lié à l'intérêt général : la société ne peut pas se passer des jeunes, nous deviendrons (presque) tous vieux, nous avons besoin des transporteurs routiers....

Pour cerner ce dont nous voulons parler ici, il faut donc exclure d'emblée les choix qui concernent exclusivement la politique interne, comme ceux relevant des assurances sociales ou de l'aide aux éléments les plus pauvres de la société, même s'ils seront bien évidemment mis dans la balance dans les débats sur l'aide extérieure. Il est par ailleurs certains domaines qui touchent à la fois la politique interne et la politique extérieure. On pensera tout particulièrement aux problèmes de l'immigration, qui sont à cheval sur l'humanitaire au sens étroit (aide étrangère) et la politique interne. Une politique de l'immigration - autorisation de séjour et naturalisation - contient un élément " égoïste " pour le peuple autochtone, soit le besoin de main d'oeuvre, voire l'augmentation du taux de natalité pour lutter contre le vieillissement de la population. Mais elle a également un aspect " humanitaire " , soit un élément de générosité qui ne sert pas directement l'intérêt de ce peuple, quand il s'agit d'accueillir des réfugiés, soit des personnes qui fuient la guerre ou la persécution. Les critères d'acceptation, l'accueil réservé à ces personnes font à l'évidence partie de la politique d'un pays dans le domaine humanitaire, tout en étant cependant étroitement liés aussi à d'autres problèmes, notamment ceux de la sécurité.

Il devient dès lors difficile de comptabiliser avec précision les sommes en jeu. Le personnel qui examine les dossiers des requérants d'asile fait-il partie du budget humanitaire ou de celui de la sécurité? Et quid du renforcement policier que peut justifier la présence d'un grand nombre de requérants d'asile? Loin d'être anti-humanitaire, un tel renforcement peut au contraire être très utile car les problèmes de sécurité mal résolus dans ce domaine sont de nature à augmenter l'animosité de la population à l'égard de toute une catégorie de personnes du fait des actes répréhensibles d'une petite minorité de criminels.

Cette comptabilité n'est pas innocente car les pays se fixent généralement des enveloppes dans les différents domaines d'activités.

Or, le problème peut aussi se poser dans le domaine de l'aide extérieure. On suspecte non sans raison certaines dépenses de nombreux pays comptabilisées comme de l'aide au développement d'être en réalité une contribution à la propre expansion économique de ces pays. Un champ de réflexion mérite par ailleurs de s'ouvrir en ce qui concerne les opérations militaires. La très coûteuse intervention de l'OTAN au Kosovo avait comme objectif de faire cesser les violations des droits de l'homme dans cette région. On a même utilisé l'expression choquante de " bombardements humanitaires " . Irait-on jusqu'à imputer le coût de ce type d'intervention à l'aide humanitaire? On ressent a priori une grande gêne à cet égard mais il est des domaines où l'hésitation pourrait être plus grande, notamment ceux des opérations de maintien de la paix ou de la contribution au contrôle de processus électoraux. Ces débats sont importants car là aussi les sommes à disposition ne sont pas illimitées.

En réalité, le monde politique, dans les démocraties, peut certes donner des impulsions et des orientations, mais il est aussi tributaire du peuple, de son électorat. Cela se reflétera sur la part consacrée à l'aide humanitaire par rapport aux dépenses liées au bien-être et à la sécurité de ce peuple, comme sur les choix évoqués ci-dessus. La complexité de ces choix rend toutefois aux leaders politiques un rôle primordial dans la mesure où elle nécessite des explications et des propositions dont chacun doit pouvoir comprendre la logique et la pertinence.

Ayant défini la part que l'on consacre à l'aide extérieure, il faut ensuite établir un certain équilibre entre ce que l'on engage dans le long terme, dans la perspective d'améliorer durablement la situation, et ce que l'on entreprend dans les situations d'urgence, essentiellement pour soulager dans l'immédiat les personnes dont la vie ou la santé sont gravement menacées. On parlera de contribution au développement dans le premier cas, d'aide humanitaire (au sens étroit) dans le second. Mais ce premier tri effectué, il reste des options à prendre dans chacune de ces catégories.

En ce qui concerne l'aide humanitaire, les objectifs que se sont fixés le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, et plus particulièrement le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), sont intéressants à cet égard. Pour le Mouvement, la priorité a été donnée, sur le plan international, à l'action humanitaire dans les situations d'urgence (guerres, catastrophes naturelles ou technologiques, épidémies). Dans la répartition des tâches qui s'est instituée au sein du Mouvement, le CICR s'occupe en priorité d'agir et de coordonner l'action en faveur des victimes des conflits armés et des troubles intérieurs - donc de situations a priori délicates sur le plan politique. [1 ]

Le sort des victimes de ces situations dépendant pour beaucoup de la conduite des forces armées, le CICR s'est par ailleurs dès son origine également occupé de la promotion du droit international humanitaire, c'est-à-dire des normes humanitaires que doivent respecter les combattants dans la conduite des hostilités et l'ensemble des personnes mêlées à des situations de conflits à l'égard des victimes de ceux-ci [2 ] . L'un des mandats principaux de la Fédération internationale des Sociétés nationales de Croix-Rouge ou de Croissant-Rouge est par ailleurs de s'efforcer d'assurer le développement de l'ensemble des Sociétés nationales, pour leur permettre de jouer toujours mieux un rôle dans la résolution des problèmes humanitaires les plus graves auxquels leur pays doit faire face et d'être prêtes à jouer un rôle actif en cas de guerre ou de catastrophes naturelles ou technologiques. [3 ]

On comprend avec ces deux exemples que même pour des organisations axées sur l'aide humanitaire au sens étroit, sur l'urgence, une part des activités vise le long terme et correspond davantage à des actions de développement. D'où la difficulté de fixer des cloisons étanches entre ces catégories de l'aide extérieure. 

Ce qui est intéressant pour une organisation comme le CICR, c'est que sa vocation universelle la place devant une responsabilité globale, celle de défendre au mieux l'intérêt de l'ensemble des victimes des situations qu'elle prétend couvrir, où qu'elles se trouvent. La définition relativement restrictive des situations dont il s'occupe va évidemment de pair, pour le CICR, avec sa vocation à l'universalité. On ne peut prétendre s'occuper de tout partout.

Mais le nombre et l'ampleur des situations de guerre ou de troubles rend encore trop vaste la prétention de s'occuper directement de toutes les victimes de ces situations. L'action possible rest e d'une dimension telle qu'elle ne peut se passer de certains choix, qui nécessitent eux aussi un effort de définition. La première est celle de clarifier la notion de " victime " de la guerre, ou plutôt de clarifier les victimes dont on veut s'occuper en priorité. Un enfant qui saute sur une mine et dont une jambe est arrachée est à l'évidence une victime de la guerre. Mais, à un degré moindre, l'étudiant incapable de poursuivre des études ou le commerçant dont les affaires s'effondrent du fait de la guerre en sont aussi.

Par ailleurs, définir les objectifs d'une action humanitaire d'urgence est une chose, entreprendre soi-même les activités opérationnelles nécessaires en est une autre. Il y a aujourd'hui de très nombreuses organisations actives dans ce domaine et l'objectif visé par le CICR est avant tout que l'action la plus urgente s'accomplisse. Cela devrait se faire d'abord sous l'impulsion des autorités politiques et militaires, dans la mesure de leurs moyens, puis par les activités efficaces et bien coordonnées de toutes les organisations compétentes, locales - comme les Sociétés nationales de Croix-Rouge ou de Croissant-Rouge - ou internationales (gouvernementales ou non). Il s'agit donc aussi pour le CICR de définir ce qu'il est le mieux à même d'accomplir concrètement lui-même et les domaines où son rôle est davantage de persuader les autorités ou d'autres organisations d'agir, en bonne coordination entre elles et avec lui. 

Bref, la définition relativement précise de son mandat n'élimine donc pas, pour une organisation comme le CICR, le dilemme de la raison et du coeur : elle ne peut agir sans faire des choix qui doivent reposer sur une analyse de la situation et répondre à certains critères logiques. L'ouverture du CICR à l'ensemble du monde et son expérience du terrain devraient par ailleurs permettre à ses analyses, comme à celles d'une organisation comme le Haut Commissariat pour les Réfugiés à l'égard de cette catégorie de victimes, d'intéresser les gouvernements quand ils établissent leurs orientations et priorités dans l'aide humanitaire internationale.

Or, c'est bien dans l'analyse que la dimension statistique prend toute sa valeur. Il est émouvant de savoir qu'une organisation a sauvé un orphelin, dont on photographie la détresse ou la joie, mais il est utile de comprendre ce que cela représente par rapport aux problèmes des orphelins dans la situation dont on s'occupe, à celui des familles séparées, aux problèmes humanitaires du pays. Les petits ruisseaux font les grandes rivières et l'on doit encourager même des actions mineures, si elles sont bien pensées et exécutées, mais il est légitime aussi d'avoir des océans une vision autre que celle de quelques gouttes d'eau.

La statistique est nécessaire mais il faut l'utiliser et l'interpréter avec prudence. La sélection des statistiques, leur fiabilité, la manière de poser les questions, d'interpréter les réponses ou de présenter les résultats, tout cela procède de choix qui ne sont pas toujours innocents. La statistique répond souvent à un besoin légitime de se rassurer sur l'opportunité de certains choix, sur la qualité d'une action, sur le bien-fondé des dépenses effectuées. Elle n'est pas " la raison " , mais seulement un instrument qui peut aider celle-ci. Il faut donc rechercher, pour soi-même et pour ceux à qui l'on présente des statistiques, ce qui se cache derrière les chiffres.

Nous examinerons ci-dessous quelques domaines dans lesquels des activités du CICR se fondent sur des informations statistiques, tout en relevant aussi quelques pièges ou tromperies auxquelles de telles informations peuvent servir de support. Nous ferons précéder cet examen d'un bref rappel de liens qui se sont tissés dès l'origine de la Croix-Rouge et du droit international humanitaire entre ceux-ci et le domaine de la statistique.

 
 

  1. Bref rappel historique  

Il est intéressant de relever par deux exemples que la statistique a été un élément de réflexion proche du CICR dès sa création.

Le livre Henry Dunant - " Un Souvenir de Solférino "   [4 ] - qui est à l'origine du droit international humanitaire et du Mouvement de la Croix-Rouge - relate de manière détaillée et avec beaucoup d'émotion la tragique bataille qui s'est déroulée dans la région entourant cette ville, en 1859. Or cette bataille, ainsi que l'ensemble de la campagne d'Italie, ont fait aussi l'objet d'un ouvrage très documenté écrit par un médecin principal d'armée en retraite, le Docteur J.C. Chenu, sur la " Statistique médico-chirurgicale de la campagne d'Italie en 1859 et 1869 " [5 ] . Cet ouvrage avait pour objectif, à travers des chiffres très précis, de faire prendre conscience de l'importance que l'on devait attacher à la vie des soldats. Relevant que " l'art de la guerre consistant à mettre hors de combat le plus grand nombre possible d'ennemis, on ne se préoccupa jamais assez du soin de conserver ses propres soldats " [6 ] ,   le Docteur Chenu cherche à démontrer, par des statistiques détaillées sur l'état de santé des armées, sur les blessures, les interventions et leurs conséquences, parmi de nombreuses autres, l'importance qu'il convient d'attacher à une bonne hygiène générale pour les armées, de même qu'à un environnement médical adéquat. Il complète donc, sur une base statistique très poussée et en insistant d avantage sur l'intérêt économique que représente, pour un pays, le maintien en bonne santé de ses soldats, le message délivré par Dunant dans son livre.

Le second lien historique de la Croix-Rouge et du droit international humanitaire avec la statistique que je souhaite rappeler est le suivant : avant la Conférence diplomatique de 1864, le Comité avait décidé de lancer au préalable à Genève, sous sa responsabilité, une Conférence internationale pour étudier les moyens de remédier à l'insuffisance des services sanitaires des armées en campagne [7 ] . Il le fit par une convocation du 1er septembre 1863, expédiée notamment à tous les Gouvernements d'Europe, accompagnée d'un " projet de concordat " .

La Conférence étant prévue le 26 octobre de la même année, Dunant profita de se rendre avant elle à un congrès international qui se déroulait à Berlin pour examiner l'intérêt que suscitait le projet du Comité. Or, ce congrès international était précisément consacré à la statistique. Un lien pouvait cependant être établi entre le projet du Comité et les thèmes du congrès, puisque la quatrième section de celui-ci était consacrée à " la statistique comparée de la santé et de la maladie dans la population civile et militaire " . [8 ]

Muni d'une recommandation de Moynier, Dunant put participer au congrès, grâce notamment à l'appui sans réserve qu'il reçut de l'un de ses participants, le Dr. Basting, chirurgien-major des Pays-Bas. Il faut dire que le Dr. Basting était l'un des plus chauds partisans de Dunant dès la première heure, ayant notamment traduit en hollandais le " Souvenir de Solférino " . [9 ]

Dunant fut autorisé à présenter la proposition du Comité devant le congrès, mais Basting regretta que des deux idées qu'il considérait comme essentielles dans le " Souvenir de Solférino " , à savoir la création de corps d'infirmiers vol ontaires, d'une part, la neutralisation de l'ensemble du personnel sanitaire, d'autre part, le Comité n'ait retenu que la première dans sa proposition, par crainte que la seconde ne fasse échouer l'entreprise. Basting plaida avec conviction auprès de Dunant le rajout de la seconde proposition et Dunant l'inclut dans sa présentation. L'ensemble de celle-ci reçut un accueil chaleureux et sur la base de cet appui, Dunant prit l'initiative d'envoyer de Berlin en date du 15 septembre, sans consulter ses collègues, un " Supplément à la convocation d'une conférence internationale à Genève " , qui contenait la proposition de la neutralisation du personnel sanitaire. [10 ]

C'est donc sur l'appui d'un congrès de statistique que se fonda ce qui devint un pilier de la Convention de 1864 et qui reste encore une base du droit international humanitaire en vigueur.

Relevons enfin que l'on retrouve cette dualité du coeur et de la raison dans les deux personnalités qui - outre le général Dufour, déjà très âgé, qui avait accepté de mettre son prestige dans la balance - ont été à la base de la Croix-Rouge et du droit international humanitaire, soit Henry Dunant et Gustave Moynier. Comme le relève Pierre Boissier : " Il y a mille manières de pratiquer la charité. Dunant considère d'abord l'individu qui souffre; il l'approche, lui parle, le réconforte, l'assiste, spirituellement et matériellement. Moynier, au contraire, est porté à considérer certaines détresses comme des phénomènes sociaux et s'attaque aux causes du mal, à l'agencement défectueux de la société. C'est ainsi qu'il commencera - très logiquement - par dresser des statistiques, par chercher à voir clair, à inventorier aussi les moyens disponibles " . [11 ]  

 
 

    2. La statistique et la détention  

Le droit international conventionnel donne au CICR le droit de visiter l'ensemble des prisonniers de guerre et des internés civils des conflits armés internationaux [21 ] . Son droit d'initiative [13 ]  lui permet également d'accéder à la majorité des personnes détenues dans les situations de conflit armé non international ainsi que dans les situations de violence interne, pour des raisons liées à ces situations.

Cette population privée de liberté doit être abordée de manière correspondant à des exigences d'efficacité et de cohérence.

En ce qui concerne les prisonniers de guerre et les internés civils dans les conflits internationaux, l'objectif du CICR, sur la base du droit que lui donne les Conventions de Genève, est de les voir tous et d'en avoir la liste complète, afin de vérifier leur condition de détention et les améliorations indispensables ou souhaitables, mais aussi pour accomplir la mission, également inscrite dans le droit international [14 ] , de transmettre des messages familiaux, de réunir les familles et de rechercher les disparus. Cette ambition est similaire pour les confits internes, où le CICR cherche à voir toutes les personnes détenues pour des raisons liées au conflit. Si le droit international conventionnel n'impose pas aux parties au conflit d'accepter cette activité du CICR, l'on peut sans doute dire qu'une coutume internationale s'est développée à cet égard.[15 ]

Relevons par ailleurs que l'action d'enregistrement des détenus est une action fondamentale sur le plan de leur protection. C'est entre sa capture et son enregistrement que le captif court en effet le plus grand risque, car c'est là que l'on peut procéder à des exécutions sommaires ou à des détentions clandestines. L'enregistrement atteste de l'existence du détenu. Il ne le met bien sûr pas à l'abri de toutes sortes d'exactions, mais l'autorité détentrice sait, depuis ce moment, qu'elle aura des comptes à rendre sur ce qu'il arrive aux détenus.

Le CICR possède donc une liste assez complète du nombre des personnes détenues dans les conflits armés pour des raisons liées à ceux-ci, qui permet d'établir des statistiques et des comparaisons évolutives, sur le plan global comme sur le plan régional.

La situation est moins claire pour les détenus visités lors de situations de violence interne, car les autorités ne font pas toujours la distinction entre les détenus politiques et les détenus de droit commun. La tendance, souvent, est en effet de traiter comme de simples criminels des opposants politiques. La qualification d'un détenu politique est d'ailleurs un exercice à la fois sensible et difficile : sensible parce que celui qui commet un délit violent pour des motifs politiques n'est pas considéré comme un " prisonnier de conscience " par certaines organisations, notamment " Amnesty International " , difficile parce que des motivations d'ordre politique, économique, identitaire ou strictement criminel se mêlent parfois, et cela même probablement plus fréquemment dans les contextes actuels qu'auparavant.

L'attitude du CICR consiste à délibérément refuser de se pencher sur la légitimité de l'action des détenus qu'elle visite, son objectif étant de veiller à ce que les garanties fondamentales de traitement et judiciaires soient respectées à l'égard d'une population carcérale particulièrement vulnérable - on peut dire d'un détenu politique qu'il est au pouvoir de son ennemi, soit le gouvernement qu'il combat - mais cela sans a priori sur " l'honorabilité " de ces détenus. [16 ]

Certes, dans ces situation s, le CICR pose des garde-fous pour éviter d'être l'alibi d'autorités qui ne lui laisseraient visiter que quelques prisons modèles alors que des exactions pourraient se passer dans d'autres lieux de détention. Il n'entre donc en principe pas en matière s'il n'a pas la garantie de voir l'ensemble des lieux de détention; de pouvoir s'entretenir sans témoin avec les détenus de son choix (pour mieux comprendre la réalité du lieu de détention et du parcours du détenu dès le moment de son arrestation); et de revenir dans les lieux visités (pour s'assurer du suivi de ses recommandations et éviter que les prisonniers, en particulier ceux avec lesquels il s'est entretenu, ne soient ensuite victimes de mesures de rétorsion.

A l'égard de cette catégorie, le CICR possède des statistiques précises sur le nombre des lieux de détention et des détenus qu'il a visités. En revanche, il ne peut pas affirmer sur cette base la proportion de détenus politiques qu'il a visités en comparaison avec leur nombre total.

L'on peut certes établir des comparaisons avec le chiffre des personnes couvertes, notamment, par les rapports d'Amnesty International, mais il s'agit d'être prudent puisque, on l'a vu, les deux organisations n'ont pas la même définition de ces détenus. Par ailleurs, il faut aussi prendre en compte trois autres facteurs : en premier lieu, le CICR ne prétend pas visiter systématiquement tous les détenus politiques, mais seulement ceux qui se trouvent dans des situations de troubles ou de tensions internes; ensuite, le CICR est parfois confronté à des situations où les détenus politiques ne sont pas séparés des autres détenus et où il n'y a donc pas d'autre choix, pour y accéder, que de voir l'ensemble des détenus d'une prison donnée. Les conditions extrêmement précaires de certaines prisons rendent d'ailleurs souvent indispensable l'apport d'assistance aliment aire ou sanitaire à l'ensemble des détenus. Enfin, le CICR n'a pas l'autorisation d'accéder aux détenus politiques dans toutes les situations où il le souhaiterait, ce qui laisse parfois de nombreux détenus hors de sa portée et de ses statistiques. Durant toute la guerre froide, il n'a notamment jamais eu accès aux goulags en URSS. Aujourd'hui, quoique des négociations se poursuivent, il ne visite aucune prison chinoise.

Relevons enfin que le travail du CICR en faveur des détenus politiques lui ouvre les yeux sur l'enfer que sont les lieux de détention dans de nombreuses régions du monde. Ce problème est immense et bien au-delà des capacités de l'Institution, mais on peut sans difficulté affirmer que les personnes en détention, y compris, et même avant tout, les " droit commun " , sont parmi les plus vulnérables de notre planète. On peut se demander dès lors si, notamment, les Sociétés nationales de Croix-Rouge ou de Croissant-Rouge ne devraient pas en faire une cible prioritaire, ce qui est rarement le cas aujourd'hui, d'autant plus que la précarité de la condition des détenus est une réalité qui n'épargne que peu de pays, même parmi les plus riches.

En résumé, le CICR possède une base statistique qui permet d'évaluer l'évolution de son propre travail mais qui, même si elle en donne une bonne idée, n'est pas suffisante pour situer celui-ci de manière rigoureuse par rapport à l'ensemble de la problématique des détenus politiques. A fortiori, il n'est donc pas en mesure de situer son activité par rapport au problème d'ensemble de la détention dans le monde. 

Ce qui est dit ci-dessus concerne le volume des activités accomplies, non pas la qualité de celles-ci, ni la gravité des situations. De telles appréciations font bien sûr l'objet d'une bonne partie des rapports de visite du CICR. Mais il es t très délicat de les réduire en chiffres, d'en faire l'objet de statistiques. Le CICR est d'ailleurs devenu prudent en ce qui concerne les statistiques qualitatives, notamment sur l'état sanitaire des prisons ou la santé des prisonniers, vu la difficulté de les interpréter et le caractère aléatoire des comparaisons.

En ce qui concerne l'état sanitaire, le CICR possède une statistique de ce qu'il a entrepris, notamment les améliorations des installations sanitaires et de l'alimentation en eau potable, mais sans analyse comparative de l'état sanitaire global des prisons.

Pour l'état des détenus, on s'est notamment rendu compte qu'il était difficile, sauf dans des cas évidents, d'utiliser une base statistique pour affirmer, par exemple, l'existence de tortures dans une prison. Le nombre de cas de torture allégués par les prisonniers a été parfois utilisé mais on a réalisé, d'abord, la difficulté objective d'identifier l'origine d'une trace de torture, ensuite, que certaines tortures ne laissent pas de traces visibles, enfin, qu'il peut y avoir auprès de certains groupes de détenus une consigne de déclarer systématiquement l'existence de tortures. 

Certes les chiffres bruts restent un important élément d'analyse, notamment quand il s'agit de déterminer la proportion de femmes ou d'enfants, de même que l'âge moyen des détenus, le taux de mortalité ou même le nombre de douches ou de latrines par prisonnier. Mais l'expérience, l'accumulation de petits indices, un sentiment général qui ressort de la visite d'une prison sont finalement tout aussi précieux pour se faire une idée juste de l'état de celle-ci. 

Il est difficile enfin d'évaluer la valeur humanitaire de la visite. L'impact d'un programme de visites aux détenus peut varier considérablement d'un contexte à l'aut re, selon le type de problèmes rencontrés, voire même d'une période à l'autre. Les délégués du CICR peuvent, dans certains contextes, être en mesure de sauver des vies et d'éradiquer des pratiques de tortures ou de mauvais traitements; dans d'autres n'obtenir des améliorations tangibles qu'après un travail soutenu et de longue haleine; dans d'autres encore, voir son action se heurter à l'indifférence ou la mauvaise foi des autorités détentrices, rendant toute amélioration aléatoire. L'opinion du détenu reste toutefois importante avant de tirer des conclusions à cet égard.

A titre d'exemple, mentionnons un sondage effectué après la fin de la dictature uruguayenne auprès d'ex-détenus politiques. Pendant la dictature, le CICR, autorisé à faire des visites, avait été sur le point de les suspendre face à la lassitude de ces délégués, qui n'obtenaient aucune des améliorations qu'ils revendiquaient. Il avait cependant décidé de rester et les ex-détenus lui donnèrent raison. Ils savaient bien que le CICR ne pouvaient obtenir grand chose, mais la visite elle-même avait pour eux une grande valeur par la bouffée d'air frais qu'elle apportait dans un univers carcéral étouffant, organisé pour les casser moralement.

L'avis du détenu n'est toutefois pas non plus seul critère déterminant. Il n'est en effet souvent pas en mesure d'évaluer l'apport des visites car le dialogue discret avec les autorités responsables, voire le seul fait que les visites soient autorisées, peuvent avoir un effet incitateur considérable à tous les niveaux du système - policier, judiciaire et carcéral - dont il n'est pas en mesure d'évaluer les conséquences. On a largement diffusé la fameuse remarque faite par Nelson Mandela à un délégué du CICR qui le visitait alors qu'il était en détention politique : " l'important est autant le mal que vous prévenez que le bien que vous apportez " . Même l'avis du détenu doit donc être apprécié avec pondération.

 
 

  3. La statistique et les actions de secours  

     

Toute action de secours d'envergure doit s'appuyer sur une évaluation des besoins. A cet égard des informations préalables sont extrêmement précieuses, notamment sur la qualité et la densité du système sanitaire et médical du pays dans lequel une guerre s'est déclarée.

Un "survey" devra ensuite déterminer plusieurs éléments, parmi lesquels on mentionnera le nombre approximatif des blessés de guerre, la capacité d'absorption des établissements hospitaliers en place, l'importance et la qualité du personnel soignant, les possibilités de transport et les liaisons entre les différents établissements pour ce qui est de l'action traditionnelle en faveur de cette catégorie de victimes...

Mais plus importante encore aujourd'hui est l'évaluation de l'état sanitaire général de la population, du fonctionnement et des dysfonctionnements de l'économie locale, des destructions et démantèlements provoqués par la guerre, des réserves alimentaires et des perspectives qu'elle se reconstituent. C'est sur la base de telles évaluations que doivent être mises en place, de la manière la plus adéquate possible, des actions d'urgence.

De telles action sont souvent beaucoup plus complexes qu'il n'y paraît non seulement du fait des problèmes techniques et logistiques considérables qui se posent dans certaines régions difficiles d'accès pour des raisons géographiques, matérielles ou politiques, mais aussi parce qu'elles nécessitent une bonne connaissance des habitudes et besoins alimentaires des populations, ainsi que de leur culture et de leur organisation sociale [17 ] . Là aussi, une bonne information préalable et des statistiques bien documentées sont de précieux outils de travail.

L'évaluation de l'action en cours et des besoins à venir reposent aussi sur une information contenant des éléments statistiques. Les rapports devront mentionner ce qui est indispensable pour la gestion de l'action, mais aussi pour la communication, que l'on ne peut pas négliger aujourd'hui, notamment celle qui est adressées aux donateurs (voir ci-dessous, point 4).

Les réflexions actuelles au sujet des statistiques donnent différentes directions, notamment celles d'unifier dans chaque action les critères indicatifs (compte-t-on les familles ou les individus bénéficiaires de colis d'assistance, par exemple?). Il est aussi généralement recommandé de pouvoir chiffrer la population bénéficiaire par rapport à la population totale de la région. Les catégories seront indiquées dans la mesure du possible (femmes, enfants, personnes déplacées, etc.) car l'on souhaite pouvoir, à travers ces chiffres, se faire une idée générale de la situation et des besoins.

En revanche, il a été considéré comme trop complexe et superflu de rechercher plus précisément à déterminer l'âge moyen des bénéficiaires. Il convient de ne pas non plus négliger, en effet, le temps pris par l'établissement de statistiques et il faut distinguer ce qui est utile et ce qui est une charge bureaucratique qui tend à étouffer l'action.

Les actes chirurgicaux ou de réhabilitation orthopédique font l'objet de statistiques précises. Outre les indications qu'elles donnent pour la gestion de l'action - notamment l'adéquation du personnel soignant avec les besoins - de telles statistiques peuvent aussi donn er des indications précieuses sur un plan plus général. L'on a constaté par exemple, dans les endroits où les armes affluaient et étaient accessibles à très bas prix, une recrudescence de cas de blessures provoquées non pas directement par le conflit, mais par l'utilisation " privée " de ces armes [18 ] . C'est un problème majeur, en particulier, dans les pays où l'autorité étatique s'effrite et où chacun finit par chercher à assurer sa propre sécurité.

Des statistiques chirurgicales peuvent aussi servir à déterminer le bien-fondé de certains traitements ou la gravité particulière de certaines armes. Déjà dans l'ouvrage sur les statistiques médicales publié en 1869 par le Dr. Chenu, celui-ci utilisait des statistiques systématiques sur le traitement des blessures graves aux membres pour étudier la valeur comparative des amputations et de la chirurgie conservatrice suivant le type de blessures et de membres atteints. Il le fait d'ailleurs avec beaucoup de nuance, relevant l'importance de divers facteurs, notamment l'hygiène des hôpitaux ou l'état général, et aussi moral, du patient. [19 ]

Toutes ces informations, précieuses en ce qui concerne la gestion courante de l'action, doivent s'accompagner d'informations plus larges, avec lesquelles il faut les recouper, pour faire des prévisions sur les orientations futures de celles-ci. Dans nombre de conflits qui durent plusieurs années, l'état d'urgence demeure mais son appréhension se modifie. Il s'agit de s'appuyer beaucoup plus largement sur les ressources locales, de viser à redonner leur autonomie aux populations. D'autres facteurs entrent alors en compte, comme la sécurité de certains lieux et l'identification des régions minées.

Cette orientation est prise aujourd'hui dès le début des actions d'urgence, la priorité étant donnée, dans la mesure du possible, à des activités comme le cre usement de puits, la fourniture d'outils et de semences et la vaccination des populations et du bétail plutôt qu'à des activités de pure sauvegarde, tel l'apport massif de médicaments et d'aide alimentaire. Elle s'accentue si l'action dure et le permet, des cours de formation en techniques agricoles ou dans d'autres domaines étant alors notamment dispensés.

Cette évolution des politiques de secours d'urgence démontre par ailleurs la difficulté, relevée ci-dessus, d'établir une ligne de démarcation nette entre l'urgence et le développement. Certaines approches des actions dites d'urgence nécessitent dès lors un dialogue approfondi avec les autorités sur des questions relevant de politiques générales, notamment dans le domaine de la santé publique. Le choix de renoncer autant que possible à l'apport massif d'aide alimentaire vise également à éviter, d'une part, de susciter des convoitises ayant des incidences sur le plan militaire, d'autre part, d'étouffer l'économie locale.

Enfin, les indicateurs statistiques doivent contribuer à préparer le désengagement. Il est tentant de continuer une action qui se déroule bien et dont on voit concrètement les résultats. Mais il s'agit de garder en tête les objectifs que l'on s'est fixés et de répartir équitablement ses forces en fonction des besoins; de garder, donc, une " impartialité globale " face à l'intensité de ceux-ci dans les situations de conflit armé et de violence interne qui se déroulent dans le monde entier.

La fin d'une action se prépare, à l'image de l'immobilisation d'un paquebot qui, une fois lancé, ne s'arrête pas d'une minute à l'autre. Les tendances statistiques que l'on peut déceler, tels les indicateurs sur l'état sanitaire de la population et la reprise de l'économie locale, vont donc donner, outre le délicat décryptage de l'évo lution politique, des éléments qui permettront de préparer cette sortie. Il s'agira alors généralement d'opérer une transition harmonieuse vers des activités d'autres organisations, plus directement axées sur la reconstruction ou le développement, car de telles activités sont presque toujours indispensables à l'issue de conflits.

 
 

  4. Les statistiques et l'information publique  

L'information sous différentes formes est devenue aujourd'hui un élément indissociable des actions humanitaires. Ce que l'on traite ici, ce n'est pas la communication interne, dont on a relevé l'importance dans différents domaines, mais l'information publique ou semi-publique. Le problème est complexe et l'on ne peut prétendre épuiser tous ses aspects dans ce bref exposé mais c'est un domaine où l'usage de chiffres et de statistiques joue un rôle central et sur lequel il convient donc de s'arrêter quelque peu. Tout en étant conscient que l'on peut procéder à des classifications différentes, nous mentionnerons ci-dessous quatre catégories qui nous semblent s'être marquées ces dernières années : le rapport dû aux donateurs; la promotion de l'institution; la dénonciation publique; la mobilisation pour une cause oubliée.

  4.1 Le rapport dû aux donateurs  

Les donateurs gouvernementaux, qui fournissent au CICR plus de 80% de ses ressources [20 ] , deviennent toujours plus exigeants quant à la précision des rapports qu'on leur fournit. Cette tendance s'explique par la multiplication des sollicitations, par les critiques, souvent fondées, qui ont été adressées à certaines actions humanitaires [21 ] et par le regard toujours plus pointu que les parlements et le peuple jettent sur toute dépense publique. Elle est compréhensible.

Il s'agit, dans ce domaine aussi, de garder toutefois un esprit critique et vigilant. Les chiffres peuvent mentir, certaines apparences conduire à des dérapages. Il est notamment de bon ton de démontrer le pourcentage peu élevé de ses frais administratifs. Mais vouloir battre des records dans la relation coût-efficacité en se basant sur le pourcentage de nourriture ayant atteint les bénéficiaires peut conduire à des évaluations insuffisantes et à des actions mal réfléchies dans leur impact à moyen ou long terme. Par ailleurs, les populations les plus nécessiteuses se trouvent souvent dans des régions dont l'accès est difficile et dangereux, ce qui implique des frais logistiques et des mesures de sécurité coûteux. On risque dès lors d'inciter certaines organisations à se rabattre non pas sur les endroits où l'assistance serait la plus urgente, mais où il est relativement aisé d'accomplir des " performances " à cet égard : les réputations en matière d'efficacité peuvent dès lors se construire sur des éléments trompeurs.

Il faut enfin prendre garde à deux autres écueils. Le premier, déjà mentionné ci-dessus, est celui du perfectionnisme, soit d'exigences d'une telle ampleur bureaucratique qu'elle n'ont d'autre fonction que de faire perdre leur temps, et leur motivation humanitaire, aux délégués qui sont chargés de les satisfaire. Le second est la tentation, à travers la discussion sur les rapports, d'orienter l'action vers des objectifs dont la priorité correspond non pas à l'approche globalement impartiale d'une Institution comme le CICR, mais à l'agenda politique du gouvernement donateur. C'est l'indépendance des Organisations humanitaires qui est alors en jeu et il est important que les gouvernements comprennent le danger pour l'ensemble de l'action huma nitaire que représente cette tendance. Les activités humanitaires reposent sur la confiance de tous ceux auxquels elle sont destinées et c'est sur cette base qu'elles ont pu se développer, précisément parce quelles sont restées en dehors de la politique.

La nécessaire transparence des Organisations humanitaires à l'égard des donateurs doit donc se traduire par une recherche commune et empathique des voies optimales de l'information.

  4.2 La promotion de l'institution  

La qualité du travail d'une Institution ne suffit plus à lui procurer les ressources nécessaires à ses opérations et la recherche de fonds fait partie intégrante des activités indispensables. C'est évident pour des organisations qui dépendent exclusivement de fonds privés, mais c'est vrai aussi pour les autres. Rien n'est jamais acquis et l'image d'une organisation auprès du public, sa popularité, ne laisseront pas indifférents les gouvernements et les parlementaires.

La recherche de fonds répond à certains critères qui varient en fonction du public que l'on veut atteindre : l'information que l'on transmet doit savamment équilibrer l'aspect émotionnel, voire l'anecdote, et les chiffres qui prouvent le sérieux de l'organisation. L'évolution du budget, des dépenses, du volume des activités doivent démontrer la capacité de l'organisation à faire face aux défis pour lesquels elle sollicite un soutien.

La nécessité de se faire connaître, l'existence d'une certaine concurrence, vu le grand nombre d'organisations recherchant des fonds, qui ne sont pas illimités, peuvent avoir des effets pervers, pousser les organisations à exagérer l'importance humanitaire de leurs activités. Il faut, par ailleurs, chercher ce qui se cache derrière les chiffres. Une organisat ion qui prétend toucher un certain nombre de bénéficiaires peut tout aussi bien avoir remis une couverture qu'assuré un suivi chirurgical et médical. Or il n'y a pas de commune mesure entre ces actes.

La nécessité de faire parler de soi peut parfois prendre une autre direction, elle aussi dangereuse. Dans certaines situations, le travail d'investigation des journalistes est difficile et les représentants des organisations humanitaires sont alors des interlocuteurs privilégiés. Le souci d'être à la une des grands journaux ou sur les écrans de télévision poussent alors certains à la surenchère. L'on sait que les médias sont particulièrement friands de deux types d'informations : les chiffres et les dénonciations. Annoncer le premier qu'il y a des milliers de morts, disparus ou réfugiés dans une situation donnée fait la une des journaux. Il en va de même si l'on dénonce la turpitude d'un dirigeant en vue ou son incurie. Mais les chiffres ou les dénonciations lancés à la légère peuvent créer d'inutiles polémiques [22 ] , voire même, pour des raisons faciles à comprendre, compromettre gravement la poursuite et la crédibilité d'une action humanitaire. Dans ce domaine aussi, il s'agit donc de rechercher l'équilibre, une voie acceptable pour chacun entre la langue de bois et la fanfaronnade.

Le respect, par les délégués d'organisations humanitaires, des règles éthiques qu'ils doivent se fixer, doit toutefois se compléter de celui des règles de leur propre éthique par les journalistes, qui ont aussi leurs " moutons noirs " . Il faut par ailleurs garder à l'esprit que chacun doit remplir son rôle et que le délégué humanitaire ne fait pas le métier de journaliste. [23 ]

  4.3 La dénonciation publique  

Comme on vient de le dire, la dénonciation publique peut devenir une manière de faire parler de soi. Mais, outre cet aspect du problème, le principe de telles dénonciations a surtout fait l'objet d'un grand débat sur l'obligation de dénoncer certaines exactions et sur la compatibilité de telles dénonciations avec l'action humanitaire. Nous ne revenons pas ici sur ce débat très médiatisé, notamment à propos de l'attitude du CICR lors de la seconde guerre mondiale. [24 ]

Dans le contexte actuel, il convient toutefois de souligner trois éléments qui modifient les données : l'information a aujourd'hui mille véhicules possible et peu d'événements restent ignorés; la moindre parole prononcée peut être transmise dans l'ensemble de la planète et même des guérilleros retranchés sont au courant de ce qui est dit à leur sujet sur internet; la masse et la diversité des informations qui circulent font que le problème n'est plus tant de faire connaître ce qui est ignoré que de mettre en valeur ce qui doit l'être.

Le dilemme qui pouvait se poser à une organisation humanitaire était celui de taire, pour privilégier la poursuite de son action, des exactions ignorées du reste du monde ou de les dénoncer, quitte à compromettre cette action. Il n'est plus souvent d'actualité et il n'y a pas, sauf des exceptions toujours possibles, de bonne raison d'entrer dans une surenchère médiatique, qui présente des risques évidents pour la sécurité des délégués d'organisations humanitaires et pour les victimes que ces organisations cherchent à aider. L'activité d'information légitime d'une organisation humanitaire est d'expliquer ce qu'elle fait, de situer son action par rapport aux besoins humanitaires. Véhiculer toutes sortes d'informations générales, juger, dénoncer, accuser, n'est pas a priori son rôle.

  4.4 La mobilisation pour une situation oubliée  

En fait, c'est probablement là qu'il faut déplacer le débat du devoir d'informer, car le problème n'est plus tant l'ignorance d'atrocités commises que l'apathie face à certains drames. Le CICR, de son côté, a lancé des campagnes pour les " victimes oubliées " . De telles actions sont aujourd'hui d'autant plus indispensables que le public et les gouvernements s'essoufflent et tendent à privilégier l'action humanitaire dans les situations qui se déroulent dans des régions proches, y entraînant parfois une surabondance d'activités de la part d'organisations qui profitent de l'intérêt public suscité par ces actions pour trouver des fonds.

La manière de mener de telles campagnes pose toutefois les mêmes problèmes de mesure. Il faut beaucoup de nuance et de doigté pour susciter l'adhésion par une information qui mêle l'émotion et des statistiques propres à donner leur crédibilité aux requêtes présentées.

 
 

  5. Sondages d'opinion : les voix de la guerre  

     

Comment les populations que le droit humanitaire cherche à protéger et assister pendant les guerre ressentent-elles celles-ci, que pensent-elles du droit humanitaire? Curieusement, de telles questions leur ont été peu posées et le CICR a estimé que le cinquantième anniversaire des Conventions de Genève était une occasion de le faire et de lancer une campagne de sensibilisation sur la base des résultats de ces consultations. Sous la supervision d'experts, des consultations furent conduites dans 17 pays, dont 12 directement touchés par la guerre. Outre un rapport général, des rapports ont été rédigés po ur chacun des pays concernés. [25 ]

Les résultats de l'enquête ont été présentés à la XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, devant les délégués des Sociétés nationales et des gouvernements du monde entier. Ils contiennent par ailleurs encore nombre d'informations très précieuses et seront classés systématiquement, en collaboration avec l'Office suisse de la statistique. Un programme prévu à l'Université de Harvard vise par ailleurs à examiner comment en tirer toutes les leçons et les exploiter de manière optimale. Les rapports sont aussi un moyen précieux de lancer des débats avec les gouvernements et les organisations humanitaires et de sensibiliser le grand public.

Une présentation ad hoc de cet exercice sera faite dans le cadre de la présente Conférence et je me contenterai donc ici de quelques considérations et remarques générales, évoquant en premier lieu deux lignes de force qui se dégagent de ces enquêtes.

La première est le poids terrible que toute guerre fait peser sur la population civile, que ce soit par les atteintes directes de bombes ou de mines, par la perte de proches, par la séparation, par les privations, par le déracinement, par l'humiliation. Les guerres sont une manière scandaleuse et anachronique de régler les différends et la voix des victimes nous le rappelle opportunément tout au long de leur réponse aux multiples questions qui leur ont été posées. Il appartient précisément à des organisations comme le CICR, dont le but est d'atténuer les souffrances de la guerre, de relayer ce message, de faire comprendre que leur action, si indispensable soit-elle, n'est toujours qu'un pis-aller.

La seconde est l'attachement universel aux principes qui sont à la base du droit international humanitaire. Même si ce droit lui-même n'est pas toujours bien connu, même s'il est violé, la très grande m ajorité des personnes interrogées disent leur attachement à ces principes et leur souci de les voir respectés en toutes circonstances.

Relevons finalement trois éléments supplémentaires révélés par cette entreprise : d'abord, ces enquêtes donnent nombre d'informations utiles pour l'action, des analyses sur les causes des violations du droit humanitaire, sur la manière de transmettre les messages. Ces informations seront notamment précieuses pour orienter plus adéquatement les efforts de formation et de sensibilisation au droit humanitaire.

Ensuite, il a été frappant de constater à quel point les personnes interrogées ont apprécié de pouvoir s'exprimer, alors que l'on a souvent des préjugés à cet égard, une crainte d'aborder ceux qui souffrent. Ce fait contient certainement aussi une leçon pour ceux qui sont engagés dans l'action humanitaire.

Enfin, les résultat des enquêtes dans les pays concernés sont un remarquable outil de dialogue. Ils interpellent aussi bien les armées que les populations. Que ce soit dans des situations aussi différentes que celles qui prévalent en Colombie ou dans le cadre israëlo-palestinien, ils donnent une base concrète sur laquelle on peut relancer de manière constructive le dialogue entre les communautés.

 
 

  6. Quelques autres domaines où l'information statistique joue un rôle  

     

Sans prétendre en dresser une liste exhaustive, tant il est vrai que l'information statistique est un élément présent dans pratiquement tous les domaines d'activités, nous mentionnerons ci-dessous quelques autres domaines où elle joue un rôle important. 

     

  6.1 L'évaluation des actions de diffusion et de promotion du droit international humanitaire  

L'amélioration des conditions des personnes victimes de conflits armés dépend autant, sinon davantage, du comportement des combattants que des actions de secours qui leur sont destinées. L'éducation dès le temps de paix des forces armées et de la population aux principes du droit international humanitaire est dès lors essentiel et le CICR s'est lancé depuis plusieurs années dans des actions de promotion ou de diffusion du droit international humanitaire, dans toutes les régions du monde et dans les milieux les plus divers.

L'évaluation de l'impact de telles actions est très ardue car elles s'inscrivent dans le long terme. Cette difficulté ne doit cependant pas devenir un alibi pour refuser toute évaluation. Comme il est pratiquement impossible de mesurer directement cet impact, c'est-à-dire de connaître le pourcentage de personnes qui n'ont pas été victimes d'exactions ou qui ont bénéficié d'actions positives du fait d'un meilleur respect du droit humanitaire, il s'agit de trouver des indicateurs intermédiaires, tels le nombre de cours donnés, de personnes qui s'occupent de cette formation, de cadres ayant suivi une formation ad hoc, ou encore le niveau de connaissance d'un public cible ou la qualité des mesures internes, législatives ou autres, prises par les Etats pour mettre en oeuvre le droit humanitaire et réprimer ses violations...

  6.2 La sécurité  

Le pourcentage des incidents de sécurité touchant directement l'Institution, selon une échelle de gravité, ou d'incidents touchant les membres d'institutions analogues e st évidemment un indicateur indispensable, parmi beaucoup d'autres, pour déterminer la politique opérationnelle. Il ne s'agit pas de se rassurer par des statistiques - il peut y avoir de grands risques même dans des endroits où il n'y a jamais eu d'incidents - mais d'ajouter des éléments utiles à un éventail d'indicateurs et d'informations. Rappelons à cet égard que la sécurité des délégués est un des problèmes majeurs que les organisations humanitaires doivent affronter car il est des seuils que l'on ne saurait franchir, même si la prise de certains risques est inéluctable.

Or de graves incidents de sécurité non élucidés bloquent inévitablement l'action humanitaire. Il faut donc tout mettre en oeuvre pour éviter ces incidents, par respect pour les délégués d'abord, et aussi parce qu'ils remettent en cause la voie traditionnelle de l'aide humanitaire d'urgence, fondée sur l'acceptation de cette aide par tous les combattants : la lutte pour la sécurité des délégués est donc quelque part aussi une lutte pour la survie du droit humanitaire.

  6.3 La gestion interne  

     

La rotation des délégués, la durée moyenne des missions, le nombre des départs volontaires ou provoqués, une liste à jour de la formation professionnelle dans différents domaines des délégués qui sont éparpillés sur le terrain, toutes ces informations, parmi d'autres, donnent des éléments nécessaires pour la gestion courante, mais aussi pour définir des options à plus long terme, voire des réorientations stratégiques.

 
 

  7. La statistique et la souffrance  

La notion de souffrance est délicate à cerner. Quand on évalue les dommages causés par une guerre, on a tendance à estimer d'abord les dommages visibles, soit le nombres des morts et des blessés, l'ampleur des destructions. Il est plus difficile d'évaluer les dommages subséquents, comme la croissance du taux de malformations chez les descendants des victimes de certaines armes et, surtout, les séquelles psychiques des conflits. Comment, en particulier, quantifier la perte d'un père ou d'une mère pour un jeune enfant? Enfin on a peut-être trop facilement oublié le soldat lui-même, qui, même s'il ressort de la guerre sans dommage apparent, est souvent marqué à vie par son expérience. Un ouvrage récent nous donne, à cet égard, des informations édifiantes, elles aussi basées sur des données statistiques. [26 ]

Dans ce domaine encore plus qu'ailleurs, la statistique, si utile soit-elle, doit être utilisée avec intelligence et pondération.

 
 

  8. La statistique et la vision d'avenir  

L'entrée dans un nouveau siècle est une occasion de réfléchir de manière plus fondamentale à l'évolution du monde. Le droit et l'action humanitaires ne sauraient s'abstraire de leur environnement. L'évolution démographique, le réchauffement de la planète, la pollution, la désertification, le problème de l'eau, le taux d'alphabétisation, la maîtrise ou le développement des épidémies, la prolifération de certaines armes, toutes ces questions, parmi beaucoup d'autres, sont des indicateurs qui ne resteront pas sans influence sur les conflits, voire, pour certains d'entre eux, qui en annoncent des causes majeures. lls sont donc un outil indispensable pour ceux qui cherchent à prévoir les évolutions à moyen et long terme.

Certains de ces indicateurs doivent par ailleurs secouer une certaine apathie fataliste, contester l'approche de ceux qui voient dans la guerre un phénomène inéluctable. La période couverte par le droit international humanitaire est d'une extrême brièveté dans l'histoire de l'humanité, mais elle a vu la population du monde se multiplier par six, la science connaître un développement plus grand que depuis le début de cette histoire, les problèmes de pollution éclater au grand jour. Nous sommes aujourd'hui sur une planète dont on réalise les limites et la fragilité et c'est la gestion commune de celle-ci qui devient la priorité. L'utilisation de certaines armes, telles les armes biologiques, chimiques ou nucléaires, de même que les graves dommages à l'environnement provoqués par les conflits armés, ne concernent plus seulement les parties à ceux-ci, ni même les régions touchées : la multiplication de ces dommages, comme l'utilisation possible d'armes de destruction massive, sont des problèmes planétaires. En réalité, la lecture des statistiques nous démontre que l'humanité ne peut plus se payer le luxe des guerres. Elles sont un appel à un ordre international plus fort, propre à sauvegarder la planète.

Le droit international humanitaire ne devrait donc pas avoir d'avenir à long terme. Mais les valeurs universelles sur lesquelles ce droit s'est construit - la compassion pour ceux qui souffrent, le respect de la dignité humaine, la solidarité - donnent le cap des évolutions nécessaires de l'ordre international. Et son application restera indispensable pendant les conflits qui continueront de se développer encore bien des années avant d'en arriver à l'objectif indispensable d'un ordre international qui garantisse un monde sans guerre. Cela d'autant plus que, l'expérience l'a démontré, l'application du droit international humanitaire est indén iablement aussi une contribution au retour de la paix.

 
 

  Conclusion  

Loin d'opposer le coeur à la raison, le droit et l'action humanitaires doivent les concilier. La statistique paraît a priori  du domaine de la raison, mais elle est en réalité seulement un instrument, qui doit être utilisé avec beaucoup de doigté et servir la vérité. Ce qui reste essentiel, néanmoins, c'est l'objectif de toute entreprise. Si la raison doit rester présente même dans l'action humanitaire, Vauvenarges nous a aussi rappelé opportunément que " les grandes pensées viennent du coeur " . Henry Dunant n'en est-il pas la parfaite illustration?

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  Notes  

1. Voir à ce sujet les Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, art. 5, par.2-4. Manuel du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 13e édition, Genève, 1994, p.436s.

2. A ce sujet, voir notamment Boissier, Pierre, De Solférino à Tsoushima, Histoire du Comité international de la Croix-Rouge, Institut Henry Dunant, Genève, en particulier p.60ss. Voir aussi Bugnion, François, Le Comité international de la Croix-Rouge et la protection des victimes de la guerre, CICR, Genève, 1994.

3. Voir les Statuts mentionnés ci-dessus, note 1, art.6, par.3 et 4, op. cit, p.437s.

4. Dunant, Henry, Un souvenir de Soléférino, Ire édition, Fick, Genève, 1862 (nombreuses réé ditions).

5. Chenu, Dr.J.-C., Statistique médico-chirurgicale de la Campagne d'Italie en 1859 et 1860,

Paris, Librairie militaire de J. Dumaine, éditeur de l'empereur, 1869, 2 Vol.

6. Chenu, op.cit, tome premier, p.II.

7. Cf. Boissier, op.cit, p.77.

8. Cf. Boissier, op.cit., p.82ss.

9. Cf. Boissier, op.cit, p.83.

10. Cf. Boissier. op.cit., p.85s.

11. Cf. Boissier, op.cit., p.62.

12. Cf. IIIe et IVe Conventions de Genève du 12 août 1949, respectivement art. 125 et 142 et leur commentaire dans le Commentaire des Conventions de Genève publié sous la direction de Jean S. Pictet, CICR, Genève, 1958 (IIIe Convention) et 1956 (IVe Convention), respectivement p.625ss et 594ss.

13. Cf. art. 3 commun des quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 et Sandoz, Yves, " le droit d'initiative du Comité international de la Croix-Rouge, German Yearbook of International Law, vol 22, 1979, Duncker und Humblot, Berlin, p.352ss.

14. Cf. notamment art. 71,75,122 et 123 de la IIIe Convention de Genève du 12 août 1949; 25,26, 107, 111 et 136ss de la IVe Convention; 32-34 du Protocole additionnel I à ces Conventions et 5 du Protocole additionnel II, tous deux du 8 juin 1977.

15. Pour plus de précision à ce sujet, il faut attendre la publication, prévue en 2001, de l'étude sur le droit international humanitaire coutumier entreprise par le CICR. Sur cette étude, cf. Henckaerts, Jean-Marie, " Study on customary rules of international humanitarian law: reviewing the past to adress the future " , Revue internationale de la Croix-Rouge, Genève, No.835, sept. 1999, p.660ss.

16. Sur l'action du CICR en faveur des détenus politiques, cf. notam ment Moreillon, Jacques, Le Comité international de la Croix-Rouge et la protection des détenus politiques, Ed.L'âge d'Homme, Lausanne, 1973.

17. A ce sujet, cf. notamment Grunewald et al., Entre urgences et développement: pratiques humanitaires en question, publié sous la direction de Claire Pirotte et Bernard Husson, Karthala, Paris, octobre 1997; et Mourey, Alain, " Approches nutritionnelles des actions d'assistance du CICR en situation conflictuelle " , Revue suisse de médecine militaire et de catastrophes, vol.66, No.1, mars 1989, p.23-30.

18. A ce sujet, cf. notamment: Arms Availability and Violations of International Humanitarian Law and the Deterioration of the Situation of Civilians in Armed Conflicts, Report, Oslo, ICRC and Norvegian Red Cross, 1998; et: La disponibilité des armes et la situations des civils dans les conflits armés, CICR, Genève, 1999.

19. cf. Chenu, op.cit., tome 2, p.330ss.

20. 77,7% directement des gouvernements et 8,4% de l'Union européenne en 1998, selon le Rapport annuel du CICR, CICR, Genève, 1999.

21. A ce sujet, cf. notamment Grunewald et al., op.cit., et Rufin, Jean-Christophe, Le Piège. Quand l'aide humanitaire remplace la guerre, Lattes, Paris, 1986.

22. A ce sujet, on relèvera par exemple une polémique sur le nombre de mines antipersonnel déployées dans le monde, au sujet de laquelle cf. notamment Bottigliero, Illaria, 120 Million Landmines Deployed Worldwide: Fact or Fiction?, Fondation Pro Victimis, Genève, 2000.

23. A ce sujet, cf. notamment le Rapport de la XXIIe Table Ronde de San Remo sur les problèmes actuels du droit international humanitaire: " Influence de l'assistance humanitaire et des médias sur l'évolution des situations conflictuelles " , Institut International de Droit Humanitaire, San Remo, 1997.

24. A ce sujet, cf. notamment Favez, Jean-Claude, Une mission impossible? Le CICR, les déportations et les camps de concentration nazis, Payot, Lausanne, 1988.

25. Ces rapports ont été édités par Greenberg Research, Inc. et publiés par le CICR.

26. Grossman, Dave, On killing, The Psychological Cost of Learning to Kill in War and Society, Little, Brown and Company, Boston, New-York, Toronto, London, 1995.

Réf. LG 2000-098-FRE