6. Développement des Sociétés nationales - Travailler en partenariat avec les pouvoirs publics

15-09-1995 Rapport

Extrait de « Renforcer la capacité à assister et à protéger les plus vulnérables; XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge »

  Principes généraux  

Comme nous l'avons noté dans la section 3 du présent document, les Sociétés nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge jouissent d'une relation particulière avec les gouvernements de leurs pays respectifs. Premièrement, leur établissement fait l'objet d'une disposition législative spéciale. Deuxièmement, leur reconnaissance officielle leur confère des devoirs et responsabilités spécifiques vis-à-vis des pouvoirs publics.

Simultanément, toutes les Sociétés nationales doivent se conformer au Principe fondamental d'Indépendance. En d'autres termes, elles doivent préserver en permanence l'autonomie indispensable pour pouvoir agir en toutes circonstances en accord avec les principes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. L'intégrité de ses actions est en effet vitale pour ce dernier, non seulement comme condition de la qualité de ses services, mais aussi pour justifier de la confiance que lui témoigne le grand public.

L'action humanitaire accomplie depuis plus d'un siècle par le Croix-Rouge et le Croissant-Rouge a valu à l'institution le respect de la communauté, tant à l'échelon national qu'au plan international. Sa capacité à agir de manière indépendante et autonome est l'une des clés de la réputation dont elle jouit -- et le maintien de cette réputation lui permet de continuer à s'acquitter de son mandat.

Selon les Statuts du Mouvement et les statuts respectifs du CICR et de la Fédération, les deux organisations ont un rôle complémentaire à jouer pour préserver l'intégrité du Mouvement.

Aux termes de l'article 3, paragraphe k, de ses statuts, la Fédération internationale a notamment pour fonction de veiller à l'intégrité des Sociétés nationales membres et de protéger leurs intérêts. La question de l'intégrité des Sociétés nationales, y compris sous l'aspect de leurs relations avec les gouvernements, a été traitée par les organes dirigeants de la Fédération internationale dans le cadre de l'Assemblée générale de 1993 et des sessions du Conseil exécutif de mai et octobre 1994. L'objectif était de mettre en place un mécanisme qui permette d'identifier et de juguler à un stade précoce les menaces potentielles pour l'intégrité des Sociétés nationales, de façon à éviter qu'elles ne se concrétisent. Il a été convenu d'adopter une approche axée sur le développement, qui consisterait à fournir à toute Société nationale connaissant un problème d'intégrité l'appui nécessaire pour lui permettre de remplir les critères d'une " Société nationale qui fonctionne bien " (voir section 5).

Le rôle de maintien et de diffusion des Principes fondamentaux du Mouvement imparti au CICR par les statuts comporte qu'il assume également une responsabilité active vis-à-vis de l'intégrité des Sociétés nationales, en consultation avec la Fédération. Cette question fait l'objet de délibérations régulières au sein de la " Conjointe " et de la Commission conjointe CICR/Fédédation pour les statuts.

  Les relations des Sociétés nationales avec leurs gouvernements  

Dans la plupart des cas, des relations constructives et mutuellement bénéfiques unissent les Sociétés nationales et leurs gouvernements respe ctifs. Compte tenu de l'importance des enjeux, il importe toutefois de clarifier les principes à appliquer en la matière, en usant bien entendu de toute la circonspection que réclame la spécificité culturelle des différentes régions et nations du monde.

En effet, il est vital pour l'intégrité et pour l'efficacité à long terme du travail de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qu'un équilibre adéquat soit assuré entre l'indépendance des Sociétés nationales et leur rôle d'auxiliaires des pouvoirs publics. On trouvera ci-après quelques recommandations concernant trois domaines essentiels dans lesquels les Sociétés nationales sont susceptibles de rencontrer des difficultés à cet égard.

  Autonomie d'action  

Le premier principe à appliquer dans le cadre des relations avec le gouvernement réside dans la stricte autonomie d'action de la Société nationale. Les Sociétés nationales sont évidemment tenues de respecter les lois de leur pays, notamment celles se rapportant à l'utilisation de l'emblème, au don du sang, à la fiscalité et au financement. Toutefois, quand bien même elles sont soumises à la tutelle de tel ou tel ministère ou autre organe gouvernemental en ce qui concerne ces questions -- à l'instar de toutes les autres organisations humanitaires nationales --, elles doivent être libres de toute ingérence des autorités pour ce qui a trait à la formulation de leurs programmes et à leur exécution.

Afin d'aider les gouvernements à définir les bases juridiques de l'établissement de leur Société nationale de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, la Fédération et le CICR prévoient de formuler un modèle de décret officiel de reconnaissance, assorti d'un commentaire. Ce modèle pourrait servir en particulier aux gouvernements des Etats ayant récemment acquis leur indépendance et qui se dotent p our la première fois de leur histoire d'une Société de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, ainsi qu'à ceux qui souhaitent réviser les dispositions légales régissant leur Société nationale.

Dans toutes leurs activités, qu'il s'agisse d'actions de secours ou de programmes de développement, les Sociétés nationales doivent jouir d'un contrôle opérationnel total et fonder leur travail en priorité sur les besoins des plus vulnérables, tout en assurant la complémentarité et la coordination de leurs initiatives avec celles conduites dans les mêmes domaines par les pouvoirs publics.

L'autonomie d'action d'une Société nationale peut être sérieusement menacée si la formulation de ses statuts relève de l'autorité d'instances gouvernementales, plutôt que de celle de ses propres organes dirigeants. En effet, le gouvernement ou le parlement peut alors être tenté de modifier ses statuts par décision unilatérale, contre la volonté de la Société nationale et, par conséquent, au mépris de son autonomie.

Il importe de prendre garde également à ce que le soutien des pouvoirs publics ne se confonde pas avec un contrôle gouvernemental. Il est d'usage courant que les Sociétés nationales sollicitent et reçoivent des subventions publiques régulières au titre de leurs dépenses de fonctionnement générales ou de programmes spécifiques. Un tel appui est évidemment précieux, mais il ne doit pas être mis à profit pour exercer un contrôle sur la Société nationale ni avoir pour effet de compromettre sa capacité à diriger et administrer ses propres affaires et activités. Toute Société nationale devrait bien entendu disposer de ses propres mécanismes de contrôle financier.

  Sélection des dirigeants de la Société nationale  

Le principe d'indépendance exige que les Sociétés nationales de la C roix-Rouge et du Croissant-Rouge opèrent dans le cadre de leurs propres statuts et qu'elles soient libres de choisir leurs dirigeants conformément aux procédures établies à cet effet dans lesdits statuts. Force est d'admettre qu'il existe aujourd'hui des situations où cette règle fondamentale n'est pas appliquée.

Dans certains cas, les dirigeants sont tout d'abord désignés par un décret du gouvernement, puis confirmés par les membres de la Société nationale. Dans d'autres cas, leur nomination est même unilatéralement décidée par le gouvernement, en dehors de tout processus de consultation. Selon la manière dont les autorités exercent leur prérogative, ces pratiques peuvent gravement porter atteinte à l'intégrité des Sociétés concernées. Si les dirigeants, une fois nommés, jouissent d'une entière liberté d'action, le risque sera limité, mais on ne saurait totalement l'exclure. C'est pourquoi des mesures devraient être prises pour que les statuts de toutes les Sociétés nationales garantissent une procédure d'élection des dirigeants absolument indépendante.

  Dépendance financière de la Société nationale  

Comme nous l'avons mentionné plus haut, de nombreux gouvernements assurent à leur Société nationale des subventions annuelles ou les font bénéficier de systèmes de recouvrement des coûts des services offerts à la communauté. Cela s'applique non seulement aux activités conduites à l'intérieur du pays, mais aussi, dans le cas des Sociétés de la plupart des pays donateurs, aux programmes internationaux de secours et de développement du Mouvement. Souvent vital, ce soutien financier doit être encouragé et renforcé.

Toutefois, si une Société nationale dépend de son gouvernement pour couvrir la totalité ou presque de ses dépenses de fonctionnement -- salaires et autres frais administ ratifs, notamment --, son autonomie risque d'être sérieusement compromise. De même, son intégrité est menacée lorsque les autorités gouvernementales prétendent imposer les modalités d'exécution d'un programme financé par des fonds publics, ou lorsqu'elles entendent dicter à la Société nationale les conditions d'utilisation de fonds affectés par son intermédiaire à l'assistance internationale. Dans toutes ces circonstances, le principe de base consiste à faire en sorte que les activités soient conduites en accord avec les Principes fondamentaux et avec les politiques et critères adoptés par la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge.