Le statut du CICR : dans une catégorie à part

17-02-2004de Gabor Rona

On parle parfois du CICR comme d’une « organisation non gouvernementale » (ONG). En fait, ce n’en est pas une, mais ce n’est pas non plus une organisation internationale ni intergouvernementale. Alors, quel est son statut ? Gabor Rona, de la Division juridique du CICR, donne quelques explications à ce sujet.

  Organisations non gouvernementales et organisations intergouvernementales : de quoi s’agit-il exactement ?  

Les ONG sont des organisations privées telles que des associations, des fédérations, des unions, des instituts et d’autres groupes. Elles ne sont pas créées par un gouvernement ni dans le cadre d’un accord entre plusieurs gouvernements. De par leurs activités, les ONG peuvent jouer un rôle au niveau international, mais elles n’ont pas nécessairement de statut officiel et elles n'ont pas non plus de mandat sur lesquels leur existence ou leurs activités sont fondées.

Une ONG est nationale lorsque ses membres sont recrutés dans le pays où elle déploie ses activités. Si en revanche elle mène ses activités en dehors des frontières nationales, elle est internationale. Parmi les ONG internationales les plus connues figurent notamment Médecins sans frontières, Amnesty International, Human Rights Watch et Oxfam.

Les termes « organisation internationale » ou « organisation intergouvernementale » désignent une association qui est constituée, sur la base d’un traité, par des gouvernements ayant des objectifs communs et qui dispose de ses propres organes pour remplir des fonctions spécifiques. Outre les règles définissant la structure de l’organisation, il existe des dispositions relatives aux buts de l’association ainsi qu’aux droits et aux devoirs de ses membres.

Une organisation internationale peut avoir un champ d’action universel (comme les Nations Unies ou l’Organisation internati onale pour les migrations) ou régional (l'Organisation des États américains, l’Union africaine ou l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, par exemple). Contrairement aux ONG, les organisations intergouvernementales ont, par définition, un mandat des gouvernements qui précise leur raison d’être et leurs activités. En outre, elles jouissent de ce que l’on appelle des « privilèges et immunités » dans le langage diplomatique.

  Qu’en est-il pour le CICR ?  

Le CICR est de nature hybride. En tant qu’association privée constituée au sens du Code civil suisse, son existence ne découle pas en soi d’un mandat conféré par des gouvernements. Par contre, ses fonctions et ses activités, qui ont pour but de fournir protection et assistance aux victimes de conflits armés, sont prescrites par la communauté internationale des États et fondées sur le droit international, en particulier sur les Conventions de Genève, qui font partie des traités les plus ratifiés dans le monde.

En conséquence, on reconnaît au CICR, comme à toute organisation intergouvernementale, une « personnalité juridique internationale » ou un statut à part. Il jouit donc de privilèges et d’immunités comparables à ceux dont bénéficient les Nations Unies, leurs institutions et d’autres organisations intergouvernementales. L'exonération d’impôts et de droits de douane, l’inviolabilité des locaux et des documents ainsi que l’immunité de juridiction sont des exemples de ces privilèges et immunités.

  Pourquoi est-ce important ?  

Le CICR ne peut mener son action de protection et d’assistance en faveur des victimes de conflits armés que si ses principes d’impartialité, d’indépendance et de neutralité sont respectés. C’est en reconnaissant les privilèges et immunités du CICR que les États et les organisations internationales montrent qu’ils respectent ces principes. Il s'ensuit que les privilèges et immunités du CICR, qui découlent de son mandat juridique international, sont largement reconnus par les gouvernements, les Nations Unies ainsi que d’autres organisations. Cela signifie que le CICR n’est pas considéré comme un organisme privé ou une ONG, mais comme une organisation intergouvernementale pour l’action qu’il poursuit dans le cadre de son mandat international.

La base juridique sur laquelle reposent les privilèges et immunités essentiels du CICR est reconnue de diverses manières, et notamment par :

  • les accords de siège entre le CICR et les gouvernements, ou la législation nationale. Le CICR mène des opérations d’envergure dans près de 80 pays ; sa personnalité juridique internationale, son immunité de juridiction et son exemption de l’obligation de témoigner y sont reconnues soit par un traité, soit par la législation ;

  • les décisions juridictionnelles. Plusieurs tribunaux nationaux et internationaux se sont prononcés sur l’immunité de juridiction du CICR et son exemption de l’obligation de témoigner. Récemment, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a établi une distinction entre le CICR et les ONG en invoquant le mandat et le statut juridiques internationaux de l’institution, et notamment son droit de refuser de témoigner. Le Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale nouvellement constituée reflète également la position de plus d’une centaine d’États qui ont rédigé ce document, position selon laquelle le CICR bénéficie de l’exemption de l’obligation de témoigner ;

  • les Nations Unies et d’autres organisation s internationales. Le CICR s’est vu accorder le statut d’observateur à l’Assemblée générale des Nations Unies et bénéficie d’un statut similaire auprès d’autres organisations internationales et intergouvernementales.



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