Prévenir le recrutement des enfants : l’approche du CICR

30-05-2008 Article, Refugee Survey Quarterly

Le recrutement d'enfants dans les forces armées ou les groupes armés est source de constante préoccupation pour le Comité International de la Croix-Rouge (CICR). Ayant pour mandat de protéger et d’assister les personnes touchées par les conflits armés et de promouvoir le respect du droit international humanitaire, le CICR a un rôle particulier à jouer concernant la prévention de recrutement d'enfants. Le présent papier présente l'approche du CICR dans ce domaine. Cet article a été rédigé pour le « Refugee Survey Quarterly », No 4, 2008.

Le mode et la raison du recrutement des enfants-soldats sont des questions complexes et les réponses appropriées varient en fonction du contexte. En d’autres termes, il n’existe pas de réponse unique ou simple. Divers organismes peuvent et doivent participer à la lutte contre le recrutement des enfants, mais c’est aux États et aux groupes armés qu’incombe la principale responsabilité.

 
Pourquoi les enfants se retrouvent-ils dans les forces armées et les groupes armés ? 
 

Les enfants rejoignent les forces armées étatiques ou les groupes armés non gouvernementaux pour une multitude de raisons. Leur recrutement peut être volontaire ou forcé. Ils peuvent être enlevés par des porteurs d’armes ou être forcés à s’enrôler d’une autre façon. Par conséquent, avant d’entrer dans les détails relatifs à la contribution du CICR dans la lutte contre ce phénomène, il convient d’examiner certaines des raisons les plus courantes de l’intégration des enfants aux forces combattantes.

Il est évident que la guerre elle-même est le facteur le plus fondamental de la participation des enfants à la guerre[1 ] . Il est plus facile pour les enfants de s’enrôler dans les forces armées ou les groupes armés si la guerre vient à eux, que si elle se déroule à des milliers de kilomètres. Cependant, l’enrôlement volontaire de jeunes adolescen ts en temps de paix montre que l’existence d’une guerre à proximité n’est pas une condition préalable au recrutement des jeunes. Par ailleurs, les raisons les plus fréquemment invoquées par les enfants pour expliquer leur enrôlement dans un groupe armé ou dans des forces armées sont (dans le désordre) :

  • Premièrement, la pauvreté[2 ] . En fait, la caractéristique commune la plus courante des enfants-soldats est leur pauvreté. Quand une guerre éclate et que la société s’effondre, les possibilités de générer un revenu stable diminuent. Souvent, le seul moyen de survivre économiquement est de rejoindre l’armée ou un groupe armé. Les soldats manquent rarement de nourriture et ils reçoivent généralement une sorte de salaire, même irrégulièrement.

  • Puis il y a la sécurité. De nombreux enfants rejoignent les forces armées ou des groupes armés parce qu’ils pensent qu’ils seront ainsi mieux protégés, selon l’idée que « si vous ne pouvez pas les vaincre, rejoignez-les »… ou leurs ennemis. Les enfants pensent souvent que s’ils font partie d’un corps armé, celui-ci ne les attaquera pas. Cependant, la façon dont ils seront traités une fois qu’ils l’auront intégré est une autre question, et il est possible qu’ils n’en aient pas eu conscience préalablement.

  • L’accès à l’éducation peut jouer un rôle. Le « facteur éducatif » comprend de nombreux éléments : d’une part, le manque d’accès à l’éducation mène de nombreux jeunes à considérer que la formation militaire est leur seule possibilité d’apprendre. Si vous n’avez ni travail ni école où aller, l’option militaire peut paraître relativement attrayante. La qualité de l’éducation que l’enfant recevait dans le contexte civil joue également un rôle. Si un enfant va dans une école où l’éducation est de mauvaise qualité et où les enseignants ne respectent pas les droits et la dignité des enfants, ceux-ci peuvent partir par frustration.

De plus, les écoles peuvent servir de terrain de recrutement : le lavage de cerveau des écoliers par des groupes influents est un phénomène que nous constatons bien trop souvent. Dans les cas extrêmes, des groupes armés, voire les forces armées, peuvent recruter les enfants de force, directement dans les écoles.

  • La famille et les amis peuvent pousser les enfants dans un sens ou dans l’autre : les enfants qui ne sont pas entourés d’un réseau familial sont plus susceptibles de rejoindre des groupes armés ou les forces armées que ceux qui vivent dans une unité familiale qui fonctionne bien. En revanche, un environnement familial à problèmes peut inciter un enfant à s’enrôler pour échapper à cette situation. Les membres d’une famille peuvent en outre encourager les jeunes à rejoindre les forces armées ou un groupe armé pour défendre une cause. Enfin, lorsqu’un conflit dure depuis des décennies, les enfants des combattants se trouvent souvent dans les rangs des forces armées ou des groupes armés.

  • L’identité de groupe et l’idéologie peuvent elles aussi jouer un rôle, car les jeunes peuvent très bien s’engager dans un parti politique qui exige leur participation aux combats. Certains enfants s’enrôlent parce qu’ils veulent défendre leur village, leur groupe ethnique ou des zones qui ont une grande valeur symbolique à leurs yeux. Le désir ou la pression poussant à faire partie d’un groupe pèse aussi dans la balance, tout comme la présence d’enfants plus âgés dans ces groupes, car ils constituent un fort « facteur d’attraction ».

  • Et enfin, il y a la vengeance : de nombreux enfants deviennent soldats pour se venger, souvent après que leurs ennemis ont tué, maltraité ou pillé leur famille et leurs amis.
     

Les facteurs ci-dessus, qui sont généralement liés et cumulatifs, peuvent tous constituer une preuve du degré de volonté de l’enfant. Cependant, il convient de rester prudent face aux affirmations de recrutement volontaire, car l’enrôlement est rarement dû à la simple volonté de l’enfant. Au contraire, même l’enrôlement dit « volontaire » tend à être conditionné par des facteurs que l’enfant ne maîtrise pas. Et bien sûr, c’est aussi souvent le cas pour les adultes. La guerre entraîne une vulnérabilité – à la fois physique et financière. L’effondrement de la société provoque le chômage, la dislocation des familles, la perte de membres de sa famille, la fermeture des écoles et l’absence de perspectives. Quand l’enrôlement dans les forces combattantes est de loin l’option la plus attrayante, du moins en apparence, le pas est facile à faire. Mais ces enfants comprennent-ils vraiment dans quoi ils s’engagent ? Une fois qu’ils y sont, il est difficile d’en sortir.

Les enfants peuvent subir le recrutement forcé et parfois être contraints à s’enrôler. L’enlèvement d’enfants par l’Armée de résistance du Seigneur ( Lord’s Resistance Army , LRA) dans le nord de l’Ouganda est un exemple typique. Certains des enfants étaient peut-être volontaires, mais la plupart ont été enlevés pour servir dans la LRA.

Une force combattante peut très bien estimer que le recours aux enfants est essentiel à sa survie. En plus de participer activement aux combats, les enfants sont utilisés pour remplir des tâches d’appoint en tant que porteurs, espions, messagers, cuisiniers, etc. Dans certains contextes, ils servent souvent d’esclaves sexuels. Lorsqu’ils participent au combat, les enfants sont souvent plus disposés que les adultes à commettre des atrocités. Manquant de maturité, et fréquemment sous l’influence de drogues, ils ont souvent moins peur que les adultes, ne pensent pas toujours aux conséquences de leurs actes et peuvent involontairement violer les règles du droit international humanitaire.

 
La position du CICR 
 

De grands progrès ont été accomplis ces dernières années au sujet de la réglementation de la participation des enfants de moins de 18 ans aux conflits armés. Cependant, les forces armées sont encore autorisées à recruter des enfants âgés de 15 à 18 ans dans certaines circonstances. Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est fermement convaincu que les enfants de moins de 18 ans ne devraient pas être recrutés par les forces armées ou les groupes armés, même sur une base volontaire[4 ] . Mais pourquoi adoptons-nous cette position alors que nous savons que de nombreux enfants choisissent     de s’enrôler de leur plein gré ?

     

  Premièrement , il est évident qu’un enfant recruté par les forces armées ou par un groupe armé avant l’âge de 18 ans – même si ce n’est initialement que pour suivre une formation – court un plus grand risque de participer ensuite aux hostilités si elles éclatent avant qu’il n’atteigne 18 ans.

  Deuxièmement , même si les adolescents sont recrutés pour être formés ou pour remplir des tâches d’appoint (et non pour participer aux combats), ils peuvent quand même subir des attaques, car ils sont considérés comme des membres de la force combattante. Les enfants ayant intégré les forces armées ou des groupes armés n’ont plus droit à la protection contre les effets des hostilités dont ils bénéficiaient en tant que civils.

  Troisièmement , bien que le recrutement d’enfants de moins de 15 ans soit totalement interdit, il existe de nombreuses preuves de cette pratique. Lorsque les enfants n’ont pas de certificat de naissance, il est facile pour leurs supérieurs de les faire passer pour plus vieux qu’ils ne le sont. Fixer la limite à 18 ans limiterait le recrutement des très jeunes enfants, car leur apparence les trahirait. Enfin, la Convention relative aux droits de l’enfant garantit un certain nombre de droits à tous les enfants de moins de 18 ans. Pourquoi devrait-il y avoir une exception lorsqu’il s’agit du recrutement, qui fait courir d’énormes risques à ces enfants ?

 
Prévenir le recrutement : complémentarité entre les actions et les acteurs 
 

Par conséquent, comment     agissons-nous – comment prévenons-nous le recrutement des enfants et qui est responsable ?

Pour garantir le respect du droit international humanitaire – ce qui suppose de veiller à ce que les enfants ne soient pas recrutés illégalement –, il faut réunir un certain nombre de facteurs qui, ensemble, contribuent à créer un environnement propice à la protection. La responsabilité première de l’établissement d’un tel environnement incombe aux autorités compétentes . Les autorités étatiques ont clairement la responsabilité de veiller à ce que le droit international humanitaire soit adopté et respecté, mais d’autres autorités doivent elles aussi veiller au respect des droits de la population civile. Ces autorités comprennent des organismes internationaux – lorsqu’il s’agit de forces multinationales –, des organes traditionnels, des chefs de clans et des groupes armés.

Les États devraient donner la priorité à la signature et à la ratification des traités internationaux applicables, à l’adoption et à l’application de lois interdisant le recrutement des enfants, à l’établissement d’institutions fiables, à l’éducation et à la formation, aux châtiments pour les infractions au droit, et au dédommagement des victimes.

Selon les Conventions de Genève, les États qui ne sont pas parties au conflit ont eux aussi la responsabilité de faire respecter le droit international humanitaire. Ils ont en outre un rôle crucial à jouer dans l’établissement d’un environnement propice au respect des dispositions du droit international humanitaire. Le système des Nations Unies, les tribunaux internationaux, les organisations régionales, d’autres organisations et mécanismes internationaux, les ONG internationales et les médias peuvent également jouer un rôle décisif.

Aux échelons national et local, diverses composantes de la société civile, notamment les ONG, jouent le rôle d’observateurs et contribuent à créer un environnement approprié.

Le CICR élabore des approches qui complètent celles des autres. Sa valeur ajoutée est due à sa longue expérience des conflits armés, à sa parfaite connaissance du droit international humanitaire et à son statut d’institution et d’intermédiaire strictement neutre et indépendant. Ses relations étroites avec les victimes des conflits, son dialogue avec les autorités et d’autres porteurs d’armes à tous les niveaux et sa volonté de fournir une réponse multidisciplinaire aux besoins sont également des atouts cruciaux.

Plus précisément, le CICR contribue à prévenir l’enrôlement des enfants de deux façons : par ses activités de normalisation et par ses opérations sur le terrain.

Même s’il est crucial d’éliminer les nombreuses causes du recrutement des enfants, il est tout aussi important d’établir des règles claires et de veiller à ce qu’elles soient appliquées. Par conséquent, nous commencerons par examiner l’importance du développement du droit international humanitaire – le droit régissant la guerre – et l’importance de faire connaître cette branche du droit. Ensuite, nous étudierons les actions du CICR sur le plan opérationnel.

 
1. Développement et diffusion du droit international et de ses normes 
 

Le développement du droit international et de ses normes est une priorité. Par le passé, le CICR a joué un rôle directeur dans la rédaction des Conventions de Genève en 1949 et de leurs deux Protocoles additionnels en 1977. Le droit humanitaire protège les enfants à deux niveaux. Premièrement, pour autant qu’ils ne prennent pas directement part au conflit, ils ont droit à une protection générale contre les conséquences des hostilités en tant que membres de la population civile. De plus, ils ont droit à une protection spéciale du fait de leur vulnérabilité particulière, même s’ils ont directement participé aux hostilités. Les Protocoles additionnels fixent à 15 ans l’âge minimum auquel ils peuvent être recrutés comme soldats ou participer aux hostilités. En 1977, il n’avait pas été possible de persuader certains États de fixer une limite d’âge plus élevée.

Le CICR a participé en qualité d’expert à toutes les conférences qui ont mené aux développements majeurs du droit international tel qu’il s’applique à la protection des enfants dans les conflits armés, de la Convention relative aux droits de l’enfants et de son Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, au Statut de la Cour pénale inte rnationale (CPI). Selon l’article 8 du Statut de la CPI, le recrutement des enfants de moins de 15 ans constitue un crime de guerre . Le cas de Thomas Lubanga, chef de l’Union des patriotes congolais (UPC), que la CPI a reconnu coupable de crimes de guerre pour avoir recruté des enfants de moins de 15 ans, montre clairement que ces efforts ne sont pas vains.

L’adoption, en mai 2000, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, a été vue comme un tournant, car il interdit la participation directe des enfants de moins de 18 ans aux hostilités. Cependant, une lecture attentive du Protocole facultatif révèle qu’il ne fixe pas uniformément à 18 ans l’âge minimum du recrutement et de la participation aux hostilités. Par exemple, des enfants de 15 ans peuvent malgré tout rejoindre volontairement les forces armées gouvernementales. De plus, comme nous l’avons vu plus haut, la volonté des moins de 18 ans qui rejoignent des groupes armés ou les forces armées peut être mise en doute.

Le CICR, les diverses Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et leur Fédération internationale sont tous partisans d’un âge limite universel fixé à 18 ans et continueront de promouvoir ce principe.

Cependant, l’évolution du droit non contraignant – comme les Engagements de Paris et les Principes de Paris, principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés – permettent de franchir une étape majeure et d’incorporer des principes qu’il serait difficile, pour le moment, de faire inscrire par certains États dans un instrument universellement ratifié et juridiquement contraignant . Le CICR a fortement contribué à la rédaction de ces instruments de droit non contraignant, avec l’UNICEF et d’autres organes spécialisés. Les principes soulignent l’obligation humanitaire de tenter d’obtenir la libération inconditionnelle des enfants engagés dans les forces armées ou des groupes armés en tout temps, même au milieu d’un conflit. Les Principes de Paris et les Engagements de Paris visent à aider les États et les donateurs à honorer leurs obligations. Tout en reconnaissant que les États ont des obligations différentes en droit international, les Principes de Paris plaident pour une hausse de l’âge minimum du recrutement à 18 ans en toute circonstance.

Pour que le droit international puisse être appliqué, il doit être incorporé dans le droit national . Les Services consultatifs en droit international humanitaire du CICR bénéficient d’une grande expérience dans l’assistance aux États qui mettent en œuvre à l’échelon national les règles internationales qui fournissent une protection. Nous continuerons d’accorder une priorité élevée à cette question. Les trois principales tâches des Services consultatifs du CICR sont d’encourager la ratification des traités de droit international humanitaire, de promouvoir le respect des obligations nationales découlant de ces traités et de recueillir et de faciliter l’échange d’informations sur les mesures nationales de mise en œuvre.

  Le droit doit être connu pour être respecté. Le CICR, par conséquent, organise des cours de formation pour faire connaître le droit humanitaire et d’autres règles fondamentales. Il se concentre sur les personnes et les groupes qui déterminent le sort des victimes des conflits armés, ou qui peuvent entraver ou faciliter l’action du CICR. Ces groupes comprennent les forces armées, la police, les forces de sécurité et d’autres porteurs d’armes, ainsi que les décideurs et les faiseurs d’opinion locaux et internationaux.

L’expérience montre que même si un porteur d’armes connaît le droit, rien ne garantit qu’il le respectera. En conséquence, le CICR ne se limite pas à la diffusion. Quand les porteurs d’armes s’engagent sincèrement à respecter le droit et possèdent les capacités nécessaires, le CICR les aide à élaborer des mesures, des moyens et des mécanismes qui garantiront ce respect. Ces éléments constituent les composantes essentielles d’un environnement propice au respect. Le principe du non-recrutement des enfants est un des éléments sur lesquels nous insistons.

Il est en outre important de transmettre une prise de conscience et une connaissance de leurs droits à tous les secteurs du public, à commencer par les enfants eux-mêmes. C’est un autre domaine sur lequel le CICR se concentre, principalement en offrant aux autorités éducatives un ensemble de modules appelé « Explorons le droit humanitaire ». Le but premier de ce programme éducatif est de familiariser les jeunes avec la notion de dignité humaine en tant que qualité inviolable qui doit être respectée, en temps de paix comme en temps de guerre. Il vise aussi à familiariser les jeunes avec les principes du droit international humanitaire – notamment la question du recrutement et de l’utilisation des enfants – et avec le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

 
2. Une réponse adaptée 
 

Sur le plan opérationnel , le CICR est présent sur toutes les scènes de conflit. Il mène une grande variété d’activités qui contribuent à protéger les en fants. Son action est centrée sur la situation effective sur le terrain et tente d’arriver à des solutions réelles et pratiques, fondées sur un dialogue avec les personnes intéressées.

La plupart des activités du CICR ont une fonction préventive d’une façon ou d’une autre. Permettez-moi d’insister sur certaines activités qui contribuent particulièrement à prévenir le recrutement et l’utilisation des enfants en tant que soldats :

1. Le CICR pense qu’un dialogue régulier avec toutes les parties à un conflit armé est essentiel. Grâce à sa neutralité et à son impartialité, le CICR a souvent accès à des groupes armés avec lesquels peu d’organismes, voire aucun, n’ont de relations. Nos délégués rappellent constamment aux forces armées et aux groupes armés quelles sont leurs obligations et qu’il est interdit de recruter des enfants. Sur la base de ses discussions avec les familles des enfants ou d’informations obtenues par d’autres biais, comme ses propres processus de suivi, le CICR demande régulièrement aux groupes armés et aux autorités et forces gouvernementales de libérer tel ou tel enfant. Ces demandes peuvent être émises par écrit ou oralement, en fonction du contexte et de l’organe auquel nous nous adressons. Cette approche nous a permis d’assurer la démobilisation de nombreux enfants, en particulier en Asie et en Afrique.

Dans ses relations avec les forces armées et les groupes armés, le CICR ne souligne pas seulement qu’il est illégal de recruter des enfants-soldats, mais il insiste sur le fait que les enfants qui ont été recrutés conservent certains droits et peuvent prétendre à une protection durant le temps qu’ils passent avec ces organismes. Ces droits comprennent par exemple le droit de ne pas subir de mauvais traitements ou d’abus sexuels, et le droit de recevoir la nourriture et les soins dont ils ont besoin.

2. Comme la meilleure protection dont peut bénéficier un enfant est de rester avec sa famille, l’impact de la guerre sur les enfants est étroitement lié à son impact sur les adultes, hommes et femmes. En protégeant l’ensemble de la population civile en temps de guerre, et en particulier en préservant l’unité familiale, on contribue à protéger tous les enfants. L’absence de famille est un indice crucial du recrutement dans les forces armées ou les groupes armés. Il est beaucoup plus facile d’enrôler des enfants qui sont seuls, sans la protection que leur octroie normalement le contexte familial, dans un environnement déchiré par la guerre. Les efforts du CICR visant à assister les mineurs non accompagnés, la recherche de leurs proches et le regroupement familial sont tous cruciaux pour prévenir le recrutement des enfants-soldats. Près de la moitié des 1 000 enfants que le CICR a rendus à leur famille en 2006 avaient été associés à un groupe armé ou aux forces armées. Il est essentiel, si l’on veut que ces enfants ne retournent pas sur les champs de bataille, de surveiller leur situation après le regroupement familial et de veiller au bon déroulement de leur réinsertion dans la société.

 
Conclusion 
 

Garantir le respect des droits des enfants est une priorité majeure. Fournir un environnement sûr où les enfants peuvent être en sécurité, bien nourris et adéquatement vêtus sans devoir porter une arme est une chose à laquelle chacun d’entre nous peut et doit contribuer. Mais c’est aux États qu’incombe la responsabilité première de créer cet environnement. Le CICR continuera de promouvoir le principe du non-recrutement des enfants et de soutenir le développement et l’application du droit international humanitaire sur le terrain, dans l’espoir qu’un jour il n’y ait plus d’enfants-soldats et que règnent l’humanité et la justice.

  Note  

1. Voir Rachel Brett et Irma Specht, Young Soldiers: Why they Choose to Fight , Lynne Rienner Publishers, 2004, p. 9, et Laetitia Dumas et Michaëlle de Cock, Wounded Childhood: The use of Child Soldiers in Armed Conflict in Central Africa , ILO, Geneva, 2003, p. 25.

2. Un grand nombre d’auteurs soulignent ce facteur. Nous ne les énumérerons pas ici, mais ce passage s’inspire largement de l’analyse de Rachel Brett et Irma Specht, op. cit. , p. 9–36.

3. Voir par exemple K. Hedlund Thulin, “Child soldiers: the role of the Red Cross and Red Crescent Movement,” Humanitäres Völkerrecht , No. 3, 1992, p. 143, ou « Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés » du CICR. Position du Comité international de la Croix-Rouge, n° 829, p. 113-132, disponible sur www.icrc.org .

4. Cette position et les points qui y sont exposés sont énumérés et développés de manière plus approfondie dans CICR, op. cit  



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