Pérou : exhumer la vérité
29-08-2008 Éclairage
Le 2 novembre 1991, les habitants de Santo Tomás de Pata, petit village de la zone rurale de la région de Huancavelica, furent attaqués après les célébrations traditionnelles du Jour des morts. Trente-sept personnes – des hommes, des femmes et des enfants – perdirent la vie. Les survivants les enterrèrent sans identification. Ils durent attendre 17 ans pour pouvoir faire leur deuil et donner à leurs morts une sépulture digne.
Au Pérou, le conflit armé qui vit s’affronter le Sentier lumineux et les forces gouvernementales à la fin des années 1980 et au début des années 1990 eut de graves conséquences pour les populations rurales de la province d’Angaraes, dans la région de Huancavelica. Soupçonnés de collaborer avec l’une ou l’autre des parties, les habitants furent souvent les victimes directes d’une violence aveugle.
Le Jour des Morts est une célébration traditionnelle largement répandue dans toute l’Amérique latine. En 1991, les villageois de Santo Tomás de Pata (province d’Angaraes) s’étaient réunis dans le cimetière local pour commémorer leurs ancêtres, comme le veut la coutume. En quittant le cimetière, ils furent attaqués par des membres d’un groupe armé. Selon les données de l’Institut de médecine légale (IML) du Pérou, 37 hommes, femmes et enfants furent assassinés.
Les survivants se cachèrent dans les collines. Une fois le danger passé, ils retournèrent sur les lieux pour récupérer les corps et les enterrer. Ils les placèrent dans trois fosses clandestines. Il n’y eut pas d’identification et aucun protocole ne fut suivi, de peur que les parties qui s’affrontaient ne s’acharnent sur les corps.
Après une longue attente, le ministère public supraprovincial de Huancavelica ordonna une enquête sur les morts survenues dans la région entre 1984 et 1991. Dans le cadre de cette enquête, les restes des 37 personnes assassinées le Jour des morts de 1991 furent exhumés.
Le 8 août 2008, soit dix-sept ans après les événements, les restes ont été restitués à leurs familles, qui les ont veillés dans la cathédrale de Huamanga (Ayacucho), conformément à leurs coutumes. « Maintenant, enfin, les âmes pourront reposer en paix. Nous aussi, qui n’avons pas eu un seul jour de répit », a déclaré l’un des proches.
La remise des corps s’est faite dans le laboratoire de l’Institut de médecine légale d’Ayacucho, et a été à la charge du ministère public. Diverses organisations ont collaboré pour qu’elle se fasse dans la dignité : le Comité international de la Croix-Rouge a contribué au transport des familles de leur village à Huamanga ; la Defensoría del Pueblo (organisme de défense des citoyens) a offert les cercueils ; la municipalité du district de Santo Tomás de Pata en a facilité le transport, et le personnel du Réseau de santé du ministère de la Santé a fourni un accompagnement psychologique aux familles.
La plupart des proches qui ont assisté à la restitution étaient des femmes, qui avaient dû assumer toutes seules la charge d’élever dignement leur famille. En août 2008, elles ont aussi porté sur leurs épaules les cercueils de leurs êtres chers jusqu’à leur lieu de sépulture définitif, à Santo Tomás de Pata.