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Irak : la crise humanitaire ne connaît pas de répit

17-03-2008 Rapport

Cinq années après le déclenchement de la guerre en Irak, la situation humanitaire dans la plus grande partie du pays reste une des plus critiques au monde. À cause du conflit, des millions d'Irakiens ont difficilement accès à l'eau potable, à des installations sanitaires et aux soins de santé. La crise actuelle est exacerbée par les effets prolongés des conflits armés précédents et d'années de sanctions économiques.

 
       
     
   
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L'ac tion du CICR en 2007 en faveur des familles de personnes portées disparues.
 

Le CICR met tout en œuvre pour savoir ce qu’il est arrivé aux personnes portées disparues à la suite des conflits armés, et ce, avec la coopération des autorités.
 

Pour y parvenir, il soutient notamment les efforts des autorités dans la mise en place d’un dispositif permettant de trouver ce qu’il est advenu des personnes disparues après la guerre Irak-Iran. En 2007, le CICR a contribué à élucider le sort de 94 Irakiens qui étaient portés disparus.
 

Le CICR a aussi pu faire la lumière sur le sort de 12 personnes disparues depuis la guerre du Golfe de 1990-1991, portant ainsi à 293 le nombre de cas résolus.
 

Pendant toute l'année 2007, le CICR a aidé les structures de médecine légale à traiter les dépouilles mortelles, en leur fournissant un équipement médicolégal, dont des séquenceurs (qui permettent d'examiner des échantillons d'ADN et de les comparer avec des échantillons provenant des familles), ainsi que des congélateurs pour températures ultrabasses afin d'y conserver des échantillons d'ADN à moins 70 °C. Le CICR a également réalisé des travaux de maintenance essentiels dans les mortuaires de cinq hôpitaux.

Les visites du CICR aux détenus en 2007
 

Le CICR visite régulièrement les personnes internées par les forces multinationales en Irak, le gouvernement régional kurde et le ministère irakien de la Justice, pour évaluer leurs conditions de détention et le traitement qui leur est réservé. Le CICR leur donne aussi la possibilité d'échanger des nouvelles avec les membres de leur famille grâce aux messages Croix-Rouge.
 

En 2007 et sur l’ensemble du territoire, le CICR a visité 21 lieux de détention où sont internées plus de 33 500 personnes. Le personnel du CICR s'est entretenu individuellement ave c quelque 5 000 détenus. Plus de 76 000 messages Croix-Rouge ont été échangés entre les détenus et leurs familles. Le CICR a récolté et distribué ces messages en collaboration avec le Croissant-Rouge de l'Irak.
 

Le CICR a également payé les frais de voyage à environ 31 000 personnes qui souhaitaient visiter des détenus – ils sont plus de 11 600 à Camp Bucca et au centre d'internement divisionnaire de l'aéroport de Basra.

Les activités de secours du CICR en 2007
 

En 2007, le CICR a fourni des secours aux personnes déplacées à l'intérieur de leur pays ainsi qu'à la population locale. Les distributions étaient menées, soit par le CICR lui-même, soit avec des partenaires locaux irakiens, dont le Croissant-Rouge de l'Irak.

  • Au total, 140 000 personnes déplacées et 60 000 habitants ayant besoin d’aide ont reçu de la nourriture et d'autres biens de première nécessité.

  • Le CICR a également fourni à 16 sections de la Société nationale des secours destinés à près d'un million de personnes vulnérables.

  • Les projets microéconomiques du CICR ont bénéficié à plus de 6 000 ménages ayant besoin d’aide dans l'ensemble du pays. Des engrais, des semences et des outils ont été distribués pour la culture d’un potager ; pour les personnes désireuses d’élever des abeilles, des conseils et une formation leur ont été donnés. D'autres projets portaient sur la réparation de canaux d'irrigation et la production de blocs de béton.

La dégradation du système de soins de santé irakien
 

Des années de sanctions économiques et les conflits armés répétés ont fait que le système de soins de santé irakien avait déjà commencé à se détériorer bien avant 2003. Ces dégradations ont eu des conséquences dans certains domaines, comme les soins préventifs et curatifs, la nutrition et l'éducation à la santé.
 

La dégradation des structures de soins depuis 1980 est due en partie au fait qu’elles n’ont pas été suffisamment développées pour suivre la croissance de la population. Les sanctions imposées après 1990 ont fait que le système de soins de santé irakien a privilégié les services d'urgence, aux dépens du traitement des maladies chroniques, des programmes de santé publique, de la maintenance des infrastructures et de la formation des personnels.

Le soutien du CICR aux services médicaux en 2007
 

Le CICR apporte son soutien aux services médicaux d'urgence en améliorant les structures et en leur fournissant l’équipement chirurgical et autres secours médicaux. Pour faire face à l'arrivée massive de victimes, il fournit aussi une aide d'urgence aux hôpitaux qui soignent les blessés.
 

En 2007, le CICR a fourni à 28 hôpitaux du matériel médical et des médicaments en quantité suffisante pour soigner plus de 5 000 blessés de guerre. Il a également contribué à équiper près de 70 salles d'urgence et 30 blocs opératoires. En outre, il a livré des anesthésiants, du matériel pour pansements et des seringues, entre autres, à plus de 80 hôpitaux et 12 centres de soins de santé primaires.
 

Le CICR a aussi effectué des réparations sur des installations électriques et mécaniques ainsi que sur des installations sanitaires et d'approvisionnement en eau, notamment les canalisations d'évacuation des eaux usées, dans plusieurs hôpitaux et centres de soins de santé primaires. De plus, il a construit trois nouveaux centres de soins de santé primaires.

Activités du CICR pendant la flambée de choléra de 2007
 

En septembre 2007, le CICR a soutenu les autorités irakiennes dans leur effort pour contenir la flambée de choléra en leur faisant don de matériel de désinfection pour les hôpitaux, les centres de soins de santé primaires, les stations de traitement de l'eau et d'autres bâtiments publics, y compris les écoles et les mosquées. Il a aussi fourni 100 tonnes de matériel médical aux hôpitaux des régions touchées afin de les aider à lutter contre la maladie.

Activités du CICR dans le domaine de l'eau et de l'assainissement en 2007
 

En 2007, plus de 3 millions de personnes, notamment les patients et le personnel des hôpitaux, les civils pris au piège par les combats et les personnes déplacées à l'intérieur du pays, ont bénéficié de plus de 144 projets dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. Le CICR a construit ou modernisé des installations d'approvisionnement en eau et des systèmes d'évacuation des eaux usées, réparé des canaux d'irrigation et construit ou réparé des hôpitaux et des dispensaires dans tout le pays.
 

En outre, le CICR a fourni régulièrement de l'eau potable aux hôpitaux et aux camps de personnes déplacées. Pour répondre à des besoins urgents, il a également distribué 1,5 million de litres d'eau sous forme de sacs individuels, surtout aux patients et au personnel de plusieurs établissements hospitaliers et à des personnes déplacées. 

   
   
     
    ©APF photo / A. Al-Rubaye      
   
     
        Malgré de légères améliorations observées sur le plan de la sécurité dans certaines régions, la violence armée a toujours des effets désastreux. Des civils sont encore tués dans les hostilités. Les blessés n'ont souvent pas accès à des soins médicaux appropriés. Des millions de personnes ne peuvent plus compter que sur un approvisionnement insuffisant en eau de mauvaise qualité, puisque les systèmes de distribution d’eau et d’égouts ne peuvent être entretenu s et qu'il y a trop peu d'ingénieurs.
 

Dans de nombreuses familles, des personnes ont été contraintes de s’enfuir de chez elles pour échapper au conflit, laissant derrière elles des proches qui doivent lutter chaque jour pour essayer de joindre les deux bouts. Une crise économique persistante, marquée par un fort taux de chômage, aggrave encore leur sort.

 

   
    ©VII / F. Pagetti      
   
     
         

Pour éviter une crise pire encore, de nouveaux efforts sont nécessaires pour répondre aux besoins quotidiens des Irakiens. En priorité, chaque homme, chaque femme et chaque enfant devraient avoir régulièrement accès aux soins de santé, à l'électricité, à l'eau potable et à des installations sanitaires. En outre, toutes les parties au conflit et les personnes qui ont quelque influence sur elles doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les civils ainsi que les personnels de santé et les structures médicales soient épargnés. C’est en effet une obligation au titre du droit international et humanitaire qui s'applique à toutes les parties à un conflit armé – tant aux États qu'aux acteurs non étatiques.

Bien que la sécurité soit précaire, le CICR a été en mesure d'aider des centaines de milliers d'Irakiens se trouvant dans une grande détresse. Il travaille en étroite collaboration avec des organisations locales pour que, partout dans le pays, les gens reçoivent l'aide dont ils ont le plus besoin.

     
    ©CICR / H. Hassan      
   
     
         
Il est pour l'instant extrêmement difficile d'obtenir des chiffres fiables et complets sur l'état des services publics en Irak. Le présent rapport est basé sur les conclusions et les observations faites par les collaborateurs du CICR au cours des contacts réguliers qu'ils entretiennent avec le personnel des hôpitaux, des centres de santé, des stations de traitement de l’eau et des services d’hygiène publique et avec les autorités officielles et d'autres organisations.  
   
Des familles brisées 
Depuis le déclenchement de la guerre Irak-Iran en 1980, la population irakienne porte le lourd fardeau de plusieurs décennies de conflit. Des milliers de familles ont été dispersées, sont privées du parent apporteur de revenu, ont des proches malades ou blessés, détenus ou qui ont dû abandonner leur foyer, souvent pour aller dans une autre région ou pour quitter le pays tout simplement. Beaucoup de vies sont profondément bouleversées, et les moyens de subsistance ont bien souvent disparu. Les personnes qui ne sont pas parties, les femmes surtout, sont de plus en plus vulnérables. Les femmes sont de loin les plus touchées.

  Jamila Hammami, collaboratrice du CICR chargée des activités de recherches :   « Ne pas savoir ce qu'il est arrivé à un mari, un père ou un frère en plein cœur de la guerre est une dure réalité pour les femmes. D'une part, dans leur société, elles ne sont ni des épouses ni des veuves, mais leur statut se situe entre les deux. D'autre part, elles deviennent le soutien de leur famille. Le CICR, au nom de ces familles, encourage le « droit de savoir ». Les États ont l’obligation de faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues et d’en informer leurs familles. »  

Selon des sources publiques, entre 375 000 et un million d'Irakiens ont été portés disparus pendant les conflits qui ont eu lieu entre 1980 et 2003. Depuis, on a perdu la trace de d izaines de milliers de personnes. Beaucoup parmi les personnes tuées en raison des violences actuelles n’ont jamais été identifiées correctement, car seul un petit nombre de corps ont été remis aux institutions publiques irakiennes, comme l'Institut médicolégal de Bagdad.

     
    ©CICR / H. Hassan      
   
     
        Des dizaines de milliers d’Irakiens, pour la plupart des hommes, sont actuellement privés de liberté, souvent éloignés de chez eux. Bien souvent, le ménage qu’ils ont laissé est dirigé par une femme. Camp Bucca, situé dans le sud du pays, près de Basra et géré par les forces multinationales en Irak, placées sous la direction des États-Unis, est le plus grand centre de détention du pays avec plus de 20 000 internés. Leurs familles viennent de tous les coins d'Irak, surtout de la province d'Anbar et de Bagdad, pour leur rendre visite. La plupart des visiteurs sont des femmes, puisqu'il est devenu extrêmement dangereux pour les hommes de se rendre d’une province à l’autre. Pour passer deu x heures avec leur mari, leur père, leur frère ou leur fils détenu, elles entreprennent avec leurs enfants un voyage périlleux qui peut prendre plusieurs jours mais qui, avant le conflit, n'aurait pris que quelques heures. Beaucoup d'entre elles ne pourraient faire le voyage sans le soutien financier du CICR.

     

  Tarek (33 ans)  

  « J'ai quitté ma maison il y a presque un an avec ma femme. Elle était enceinte, mais avant que nous ne quittions la maison, elle a été blessée et nous avons perdu notre bébé. Il y a trois mois, j'ai vu ma maison à la télévision. Il y avait eu une explosion juste devant. Mon coeur battait très fort et je n'ai même pas osé appeler ma femme pour qu'elle vienne voir, parce que je savais que cela la blesserait plus que n'importe quelle autre chose. Nous ne pouvons pas avoir d'enfant maintenant, parce que nous vivons chez son cousin avec deux autres familles. De toute façon, je ne gagne pas suffisamment d'argent pour nous deux. »  

     

  Ruba (38 ans)  

  « Mes enfants et moi avons quitté notre maison dans la province d’Anbar il y a presque deux ans. Mon mari avait été tué sous nos yeux. Je devais protéger mes enfants. Nous avons fui la nuit même en n'emportant qu'un peu d'argent. Pour moi, aujourd'hui, il n'y a ni passé ni avenir, il n'y a qu'un horrible présent. Si seulement j'avais quelques photos de mon mari et de ma famille ! Je peux les voir tous dans ma tête, mais je ne sais pas combien de temps je pourrai me souvenir. Je me rappelle le temps où, tous ensemble, nous étions assis pour déjeuner et aussi les éclats de rire. En ce moment, nous vivons dans la famille de mon cousin. Nous sommes 12 à partager une seule pièce. Je ne veux pas revivre comme avant, car je sais que c'est impossible sans mon mari. Tout ce que je veux, c'est que mes enfants aillent à l'école et mènent une vie normale. »  

     

  Ali (13 ans)  

  « Il y a deux ans, avec ma petite soeur âgée de trois ans, j'ai quitté notre maison à Bagdad pour aller habiter chez notre tante. Mes parents disaient que tout allait bien et qu'ils nous rejoindraient la semaine suivante. Nous avons pris quelques vêtements et ma soeur sa poupée. Nous avons attendu pendant des semaines, mais mes parents ne sont jamais venus. Ma tante m'a dit que j'étais l'homme de la famille maintenant et que je devais prendre soin de ma soeur. Ma sœur ne sait pas que nos parents sont morts et elle me demande quand on rentrera à la maison. Quand je serai plus grand, je la prendrai chez moi et je m'occuperai d'elle. »  

     
    ©APF Photo / M. Ibrahim      
   
     
           
Des soins de santé en crise 
 

Cinq ans après le début de la guerre, de nombreux Irakiens n'ont pas accès aux soins de santé les plus élémentaires. Il manque du personnel qualifié, et de nombreux hôpitaux et structures de soins n’ont pas été bien entretenus.
 

En raison de l'insécurité qui règne dans une grande partie du pays, les malades et les blessés n'ont souvent pas accès aux soins médicaux. Dans certaines régions, il est devenu extrêmement difficile d'assurer des services médicaux d'urgence et de fournir des médicaments et du matériel médical, parce que de nombreux points de contrôle sur les routes et des couvre-feux restreignent les déplacements.

  Pascal Ollé, coordonnateur santé du CICR pour l'Irak :   « il y a parmi les Irakiens un sentiment de méfiance et de désespoir vis-à-vis des services qui leur sont fournis. Il serait dangereux qu’ils s'habituent au niveau actuel des services de santé, qui est loin de répondre aux normes minimales. Les autorités sanitaires essaient de remédier à la situation, mais comme les ressources sont rares et les conditions de sécurité médiocres, cela prendra du temps. »
 

Certains patients vont dans des hôpitaux privés, qui sont plus sûrs mais aussi plus chers, et qui sont donc hors de portée d'une grande partie de la population. Dans le secteur privé, une consult ation coûte entre deux et sept dollars US, selon la qualité du service. On peut se demander comment des personnes qui gagnent moins de cinq dollars US par jour pourraient payer autant.
 

Les hôpitaux et les centres de santé manquent souvent de médicaments et d’autres articles essentiels. Il n'y a pas suffisamment de salles d'urgence ni de blocs opératoires en état de fonctionner pour faire face à l'afflux massif de victimes. Il y a actuellement 172 hôpitaux publics, avec 30 000 lits – alors que 80 000 sont nécessaires – plus 65 hôpitaux privés. La plupart des hôpitaux ont été construits il y a plus de 30 ans et ne répondent plus aux normes. Il en est de même pour les centres de soins de santé primaires, qui, depuis 25 ans, utilisent toujours le même équipement. Partout dans le pays, sauf dans le nord, les structures et les équipements médicaux ont besoin d'être réparés et améliorés. En raison des conditions de sécurité précaires, il n'a pas été possible de les entretenir convenablement.

  Le docteur Ibrahim (nom fictif), un médecin du CICR travaillant à Bagdad et dans les provinces centrales :   « En tant que citoyen et médecin irakien, je sais que les services médicaux font défaut. En 2000 et 2001, les services étaient fournis gratuitement. Aujourd'hui, ils le sont encore, mais il y en a moins, et ce, pour plusieurs raisons comme le manque de personnel spécialisé et d'équipement médical. »  

  « Je vis avec ma mère à Bagdad. Elle est âgée de 70 ans et sa santé est relativement bonne. En cas d'urgence, par exemple si elle faisait de l'hypertension ou une attaque cardiaque, il y a deux scénarios. Si cela arrivait pendant la nuit, il serait très difficile de l'emmener à l'hôpital à cause des couvre-feux. L’hôpital pourrait envoyer une ambulance, mais il serait alors peut-être trop tard. Si quelque chose arrivait pendant la journée, les bouchons et les rues bloquées empêcheraient d'arriver à l'hôpital à temps. »  

     

  « Pour les maladies chroniques, c'est encore plus difficile. Il y a peu d'hôpitaux spécialisés à Bagdad, et peu de médecins spécialisés. Par exemple, pour traiter le cancer, il est possible d'opérer en Irak même, mais on n'y fait pas de chimiothérapie, qui est pourtant une partie cruciale du traitement. Cela veut dire que seules les personnes qui en ont les moyens peuvent se faire soigner à l'étranger. »  

     

Le manque de personnel médical compétent et chevronné, surtout dans les provinces de Najaf, Missan, Anbar, Wasit et Babel, a eu des effets directs sur le niveau de soins disponibles. Par exemple, le manque de sages-femmes signifie que beaucoup de femmes qui accouchent pendant la nuit se retrouvent sans aide puisqu'elles ne peuvent se rendre à l’hôpital à cause de l'insécurité ambiante et des couvre-feux. Comme de nombreux autres Irakiens, les médecins, les infirmiers et leurs familles courent le risque d'être kidnappés ou tués. Certains ont reçu des menaces. Selon des sources officielles irakiennes, depuis 2003, plus de 2 200 médecins et membres du personnel infirmier ont été tués, et plus de 250 ont été enlevés. Sur les 34 000 médecins enregistrés en 1990, au moins 20 000 ont quitté le pays.
 

Aujourd'hui, le système des soins de santé en Irak est plus délabré que jamais. Beaucoup de personnes meurent pa rce qu'elles ne peuvent pas avoir rapidement les soins médicaux appropriés. Il y a encore beaucoup à faire pour que tous les Irakiens aient accès à de meilleurs services de santé. Le personnel médical et les structures de santé dans lesquelles il travaille doivent être mieux protégés contre les effets de la guerre. De nouveaux efforts doivent être faits, non seulement pour entretenir et améliorer les établissements médicaux, mais aussi pour développer le savoir-faire et les capacités des personnels soignants.

 
L'eau : toujours rare et de mauvaise qualité  
       
    ©AFP Photo / W. Al-Okaili      
   
     
        De nombreux Irakiens sont obligés d'utiliser des sources d'approvisionnement en eau dangereuses. Les effets de la croissance démographique, de la montée des prix et de l'insécurité sont exacerbés par le fait que le pays ne dispose pas du person nel qualifié nécessaire pour entretenir et réparer les installations d'approvisionnement en eau et d'assainissement. Alors que les besoins augmentent, ces structures ne sont plus en état de fonctionner dans certaines parties du pays. Même les régions où la sécurité s'est améliorée n'ont pas été épargnées car, avec l'afflux de personnes déplacées, les services limités dont dispose la population sont sollicités encore davantage. Sauf dans certaines régions du sud et du nord du pays où la production d'eau potable a augmenté, la situation n'a cessé de se détériorer au cours de l'année écoulée.
 

Dans de telles circonstances, une grande partie de la population ne peut plus compter sur les services publics pour lui fournir de l'eau salubre. De nombreux habitants, surtout les plus pauvres, doivent se débrouiller par leurs propres moyens pour trouver ce dont ils ont besoin. Le salaire mensuel moyen, en Irak, est estimé aujourd'hui à environ 150 dollars. Dix litres d'eau potable coûtant à peu près 1 dollar, chaque famille doit dépenser au moins 50 dollars par mois seulement pour son eau.
 

Le CICR attribue l'insuffisance de l'approvisionnement en eau et les déficiences du traitement et de l'évacuation des eaux usées à plusieurs facteurs : manque d'entretien de l'infrastructure existante, pénurie d'ingénieurs et d'ouvriers expérimentés, et utilisation inadéquate ou pannes de l'équipement.
 

La mauvaise qualité d'une grande partie de l'eau est due à d'autres facteurs, dont les raccordements sauvages au système d'adduction, les réseaux de conduites archaïques qui ne permettent pas d'éviter complètement la contamination, et les interruptions fréquentes de l'approvisionnement en produits chimiques nécessaire pour traiter et désinfecter l'eau. De plus, il arrive souvent que les stations de traitement de l'eau ne puissent pas fonctionner correctement, à cause de pannes de machines et d'une alimentation électrique très irrégulière.

   

  Ahmad (nom fictif), ingénieur hydraulicien du CICR à Basra   : « La nuit, la plupart des gens pompent leur eau directement du réseau d'adduction. Cela fait baisser la pression jusqu'à un niveau trop bas pour que l'eau atteigne toutes les zones qui devraient être desservies. De plus, en procédant de cette façon, les gens pompent parfois aussi des eaux usées et contaminent les réservoirs qu'ils ont chez eux. Et même si un certain nombre de familles ont une pompe, il arrive souvent qu'il n'y ait pas de carburant pour la faire fonctionner. »   

Le chlore est un produit essentiel pour stériliser l'eau potable. Or, parce qu'il peut être utilisé dans la fabrication de bombes ou d'autres armes, sa distribution est soumise à restrictions. De nombreux habitants, en particulier dans certaines parties des provinces de Bagdad, Salaheddine, Diyala et Ninive, n'ont d'autre choix que de que pomper de l'eau non traitée directement depuis les rivières ou les puits.

     
    ©ICRC      
   
     
         
Le manque d'assainissement est alarmant. Souvent, les réseaux d'égout se sont détériorés au point qu'il existe un réel danger que les eaux usées non traitées ne contaminent l'eau potable – ce qui constitue évidemment un risque grave pour la santé. La flambée de choléra de 2007 n'est qu'un signe avant-coureur du danger imminent qui menace les Irakiens aujourd'hui. Les autorités et les organisations humanitaires ont certes pris des mesures pour contenir cette flambée, mais la situation continuera à se détériorer si les infrastructures ne sont pas correctement entretenues et si l'on n'informe pas le public du danger que représente l'utilisation d'eau contaminée.
 

De nombreux Irakiens continuent à souffrir des multiples coupures de courant et du manque de fiabilité de l'alimentation électrique. « L'été, on ne peut pas vivre sans électricité, dit Abou Samer, un habitant de Bagdad. J'ai un salaire de 150 dollars par mois.
 
Pour avoir six heures de courant par jour en me branchant sur un générateur privé, je dois payer au moins 50 dollars. Je dois aussi payer l'eau potable. À un certain point, la vie devient impossible pour ma famille. » Mais même ceux qui gagnent assez d'argent ont des problèmes. Ibrahim Kassem, de Ramadi, explique : « Parfois, je dois faire la queue toute une journée pour acheter 20 litres de carburant. Mais c'est dangereux de faire la queue. On ne sait jamais s'il n'y aura pas un attentat. ».
 

À l'exception des provinces du nord et de Babil et Dhi Qar, le réseau électrique s'est encore détérioré depuis l'année dernière. De ce fait, de nombreuses stations de traitement de l'eau sont complètement fermées ou fonctionnent à capacité réduite. À Bagdad, où la température peut atteindre jusqu'à 50°C en été, il arrive souvent que certains quartiers n'aient qu'une heure de courant par jour. La situation est la même dans la province d'Anbar. Ce problème a plusieurs causes : le mauvais entretien, un approvisionnement insuffisant en carburant raffiné, l'utilisation de mazout lourd au lieu de gaz naturel dans les centrales à turbines à gaz, les sabotages, et enfin – mais ce n'est pas le facteur le moins important – le fait que l'on n'effectue pas les réparations nécessaires et que l'on n'augmente pas la puissance installée. Il en résulte que les stations de traitement de l'eau, les centres de soins de santé primaires et les hôpitaux doivent recourir à des générateurs la plupart du temps. Même ce mécanisme de secours, toutefois, est régulièrement en panne, parce qu'il est surutilisé et que la pénurie de carburant raffiné ne fait que s'aggraver.

     
 

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