La pertinence du droit international humanitaire dans le contexte du terrorisme

01-01-2011 FAQ

Suite aux événements de ces dernières années, l'intérêt pour la manière dont le droit international humanitaire est appliqué lors d'affrontements violents dans le monde d’aujourd’hui s'est accru. Le CICR répond à quelques-unes des questions les plus fréquemment posées sur le droit international humanitaire et le terrorisme.

1. Le terme « guerre mondiale contre le terrorisme » a-t-il une portée juridique ?  

Le droit international humanitaire (ou droit des conflits armés) reconnaît deux catégories de conflits armés : internationaux et non internationaux. Un conflit armé international se caractérise par l’utilisation des forces armées d’un État contre celles d'un autre État. Un conflit armé non international se caractérise par des hostilités entre les forces armées d'un gouvernement et des groupes armés organisés, ou entre de tels groupes, au sein d’un État. Dans les cas où la « guerre mondiale contre le terrorisme » se manifeste sous l’une ou l’autre de ces formes de conflit armé, le droit international humanitaire s'applique, de même que certaines dispositions du droit international des droits de l’homme et du droit interne. 

Lorsqu’il est fait usage de la violence armée en dehors du contexte d’un conflit armé au sens juridique, ou lorsqu’une personne soupçonnée d’activités terroristes n’est pas détenue dans le cadre d'un conflit armé, quel qu'il soit, le droit humanitaire n’est pas applicable. Ces cas sont alors régis par le droit interne, le droit pénal international et les droits de l’homme.

La question de savoir si un conflit armé international ou non international s'inscrit dans la « guerre mondiale contre le terrorisme » n’est pas juridique mais politique. L'appellation « guerre mondiale contre le terrorisme » n’étend pas l’applicabilité du droit humanitaire à tous les évé nements que recouvre cette notion, mais seulement à ceux qui se déroulent dans le cadre d’un conflit armé.

2. Qu’est-ce qu’un combattant ?  

Le droit international humanitaire autorise les membres des forces armées d’un État partie à un conflit armé international, et ceux des milices associées qui remplissent les conditions nécessaires, à engager directement des hostilités. Ils sont généralement considérés comme des combattants « légaux » ou « privilégiés » et ne peuvent pas être poursuivis pour leur participation aux hostilités, aussi longtemps qu’ils respectent le droit international humanitaire. S’ils sont capturés, ils bénéficient du statut de prisonnier de guerre.

Si des civils participent directement aux hostilités, ils sont considérés comme des combattants ou des belligérants « illégaux » ou « non privilégiés » (les traités de droit humanitaire ne contiennent pas expressément ces termes). Ils peuvent être poursuivis pour de tels actes en vertu du droit interne de l’État détenteur.

Tant les combattants « légaux » que les combattants « illégaux » peuvent être internés en temps de guerre, interrogés et poursuivis pour crimes de guerre. Lorsqu’ils se trouvent aux mains de l’ennemi, tous ont droit à un traitement humain.

3. Qu’est-ce qu’un « combattant ennemi » ?  

Au sens générique du terme, un « combattant ennemi » est une personne qui, de façon légale ou illégale, participe aux hostilités pour le camp opposé, dans le cadre d’un conflit armé international.

Le terme est utilisé couramment – par ceux qui considèrent que la lutte contre le terrorisme inclut un conflit armé de nature transnationale contre certains groupes terroristes – pour désigner les personnes dont on pense qu’elles appartiennent à des groupes terroristes, ou qu’elles sont associées à de tels groupes, quelles que soient les circonstances de leur capture.

Comme nous l’avons signalé précédemment, un membre des forces armées d’un État engagé dans un conflit armé international, ou d’une milice associée qui remplit les conditions nécessaires, est un combattant et, en tant que tel, il bénéficie du statut de prisonnier de guerre s’il est capturé par l’ennemi.

Dans les conflits armés non internationaux, les statuts de combattant et de prisonnier de guerre ne sont pas prévus, car les États ne sont pas disposés à accorder aux membres des groupes d’opposition armée l’immunité contre des poursuites, en vertu du droit interne, pour avoir pris les armes.

Du point de vue du droit international humanitaire, le terme « combattant » ou « combattant ennemi » n’a pas de signification juridique en dehors d’un conflit armé.

Dans la mesure où des personnes qualifiées de « combattants ennemis » ont été capturées dans le cadre d’un conflit armé international ou non international, les dispositions et les protections du droit humanitaire restent applicables, indépendamment de la qualification de ces personnes. De même, lorsque des personnes sont capturées en dehors d’un conflit armé, leur protection et leurs actes sont régis par le droit interne et les droits de l’homme, quel que soit le nom donné à ces personnes.

4. Qui a droit au statut de « prisonnier de guerre » ? Quelle conséquence le fait de ne pas pouvoir bénéficier du statut de prisonnier de guerre a-t-il ?  

a. Dans un conflit armé international  

Comme nous l’avons déjà mentionné, les membres des forces armées des États (et des milices associées à ces forces) engagés dans un conflit armé international sont des combattants « légaux ». Il convient de garder à l’esprit que dans ce type de conflit, les combattants « légaux » se trouvent dans les deux camps (ou plus) : les forces armées d’un État luttant contre les forces armées d’un autre État.

Les quatre Conventions de Genève s’appliquent aux situations de conflit armé international. C’est la IIIe Convention qui régit la protection des combattants « légaux » une fois capturés par l’ennemi. En cas de doute, c'est obligatoirement un « tribunal compétent » qui détermine si une personne a droit au statut de prisonnier de guerre.

Les combattants « illégaux » n’ont pas droit au statut de prisonnier de guerre. Leur situation, lorsqu’ils sont capturés par l’ennemi, est couverte par la IVe Convention de Genève (relative aux personnes civiles), s’ils remplissent les critères de la nationalité, et par les dispositions pertinentes du Protocole additionnel I, s’il a été ratifié par la puissance détentrice.

Cette protection n’est pas la même que celle qui est accordée aux combattants « légaux ». En effet, les personnes protégées par la IVe Convention et les dispositions pertinentes du Protocole additionnel I peuvent être poursuivies en vertu du droit interne pour avoir participé directement aux hostilités. Elles peuvent être internées aussi longtemps qu’elles constituent une menace grave pour la sécurité de l'État et, étant détenues, peuvent se voir refuser certains privilèges, sous des conditions spécifiques, conformément à la IVe Convention de Genève. En outre, elles peuvent être poursuivies pour crimes de guerre et autres crimes et condamnées pour des périodes excédant la durée du conflit, et subir l'ensemble des sanctions prévues par le droit interne.

En cas de conflit armé international, les personnes qui ne sont couvertes ni par la IIIe ni par la IVe Convention de Genève bénéficient des garanties fondamenta les prévues par le droit international coutumier (tel qu'il ressort de l’article 75 du Protocole additionnel I), ainsi que par les dispositions applicables du droit interne et des droits de l’homme. Toutes ces bases juridiques assurent les droits des détenus en matière de traitement et de conditions de détention, ainsi que les garanties d'une procédure régulière.

Par conséquent, contrairement à certaines assertions, le CICR n’a jamais déclaré que toutes les personnes ayant pris part aux hostilités dans un conflit armé international bénéficient du statut de prisonnier de guerre.

b. Dans un conflit armé non international       

Dans un conflit armé non international, le statut de combattant n’existe pas. Le statut protégé des prisonniers de guerre ou des personnes civiles au sens des IIIe et IVe Conventions, respectivement, n’est pas applicable. Les membres des groupes armés organisés ne bénéficient d’aucun statut spécial en vertu des règles de droit relatives aux conflits armés non internationaux et peuvent faire l’objet de poursuites conformément au droit pénal interne s’ils ont pris part aux hostilités. Cependant, le droit international humanitaire des conflits armés non internationaux (tel qu'il ressort de l'article 3 commun aux Conventions de Genève, du Protocole II additionnel aux Conventions de Genève, le cas échéant, et du droit international humanitaire coutumier) ainsi que les dispositions applicables du droit interne et des droits de l’homme assurent les droits des détenus en matière de traitement et de conditions de détention, ainsi que les garanties d'une procédure régulière.

5. Rôle et activités du CICR en matière de droit international humanitaire       

La communauté internationale reconnaît depuis longtemps le rôle du CICR dans les efforts entrepris pour faire comprendre et diffuser le droit international humanitaire. L’institution veille également à sa stricte application, notamment en rappelant aux parties à un conflit armé leurs obligations juridiques découlant des traités auxquels elles sont parties, tels que les Conventions de Genève, et du droit international coutumier. Deux autres traités concernent les conflits armés : les Protocoles I et II additionnels aux Conventions de Genève de 1949, que les États ont négociés de 1974 à 1977 dans le cadre d’une conférence diplomatique internationale.

Les Protocoles I et II sont des traités internationaux auxquels la grande majorité des États sont parties (164 au Protocole additionnel I et 160 au Protocole additionnel II). Le CICR n’affirme pas, et n’a jamais affirmé, qu’un État qui n’est pas partie à ces traités est lié par eux. Cependant, les États considèrent que d’importantes parties de ces Protocoles reflètent le droit international coutumier, lequel lie les États, qu’il soit inclus ou non dans les traités auxquels les États sont parties.

Le CICR, qui par lui-même ne peut pas garantir l’application du droit international humanitaire, demande instamment aux États et aux parties à un conflit armé de le respecter et de le faire respecter.

6. Le Protocole I additionnel aux Conventions de Genève prend-il en compte les « terroristes » de la même façon que les soldats ?  

Les limitations imposées par le Protocole additionnel I aux méthodes et moyens de guerre pour une meilleure protection de la population civile sont parmi les principaux progrès accomplis avec cet instrument juridique. Par exemple, les actes de terrorisme tels que les attaques contre des personnes civiles ou des biens de caractère civil sont interdits sans équivoque. En outre, le traité interdit explicitement les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile. Il va sans dire que les personnes soupçonnées de perpétrer de tels actes sont passibles de poursuites pénales.

Le Protocole additionnel I n’accorde pas le statut de prisonnier de guerre aux personnes qui participent illégalement aux hostilités. Il réserve ce statut aux membres des forces armées d’une partie à un conflit armé international au sens du Protocole. Ces forces armées doivent être organisées, placées sous un commandement responsable devant cette partie et soumises à un système disciplinaire interne qui assure le respect du droit humanitaire. D’autre part, les membres des forces armées doivent se distinguer de la population civile, afin de bénéficier du statut de prisonnier de guerre lorsqu’ils sont capturés. Alors que, traditionnellement, il était obligatoire de porter un uniforme ou un signe distinctif et de porter aussi les armes ouvertement, les États parties au Protocole ont convenu que, dans des circonstances très exceptionnelles telles que les guerres de libération nationale, cette condition pouvait être moins stricte. Dans ce cas, il serait donc suffisant, pour se distinguer de la population civile, de porter les armes ouvertement.

Ainsi, le Protocole ne garantit la reconnaissance et la protection qu’aux organisations et aux personnes qui agissent au nom d’un État ou d’une entité soumise au droit international. À l’instar des Conventions de Genève de 1949 e t du Règlement annexé à la Convention de 1907 de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, il exclut les « guerres privées », qu’elles soient menées par des personnes ou des groupes. Par conséquent, les groupes « terroristes » agissant pour leur propre compte et sans le lien requis avec un État ou une entité similaire sont exclus des protections accordées aux prisonniers de guerre.