Books and Review: "The Handbook of the Law of Visiting Forces"

31-03-2002 Article, International Review of the Red Cross, No. 845, by Alexandre Faite

 Dieter Fleck (ed.),  The Handbook of the Law of Visiting Forces,  Oxford, Oxford University Press, 2001, 625 pages  

Divers experts ont apporté leur contribution à cet important et volumineux ouvrage de 550 pages, complété par de nombreuses annexes. Il a été rédigé sous la supervision de Dieter Fleck, directeur des traités et de la politique au sein du ministère allemand de la Défense. D’une part, ce manuel traite des problèmes juridiques soulevés par le déploiement, sur le territoire d’un État hôte, de forces armées d’un ou de plusieurs États, par exemple suite à des accords de coopération militaire ou dans le cadre du déploiement d’une force de maintien de la paix. Les cas de la présence de représentants d’organismes internationaux, de forces ou de commandements multinationaux sont également examinés.

D’autre part, les divers accords qui peuvent être conclus pour régler de tels problèmes sont analysés et commentés. Ces ac-cords – qu’il s’agisse de la Convention entre les États parties au Traité de l’Atlantique-Nord sur le statut de leurs forces (appelée la SOFA de l’OTAN), d’accords de siège ou de protocoles d’accord, diffèrent entre eux mais tous garantissent un degré variable d’immunité par rapport à la législation de l’État hôte et de dérogations, par exemple en matière de détention d’armes à feu ou d’exemptions fiscales.

L’approche choisie, qui se veut avant tout pratique, est reflétée par le titre de l’ouvrage et par le choix des nombreux auteurs : responsables juridiques des ministères de la Dé fense et des Affaires étrangères, conseillers juridiques militaires et universitaires experts en la matière. Ils ont puisé dans leur expérience acquise au cours des dernières années, notamment lors des opérations de maintien et d’imposition de la paix. Il s’agit donc bien d’un manuel pour les spécialistes concernés par l’étude de ces problèmes et la rédaction d’instruments juridiques relatifs à la présence de troupes déployées hors de leurs frontières. Dans sa partie finale, l’ouvrage présente d’ailleurs une véritable « liste de contrôle » chronologique des points devant faire l’objet d’évaluation, de négociations, etc. Les accords types élaborés par l’OTAN et les Nations Unies figurent en annexe.

L’analyse de fond n’est toutefois pas absente puisque sont notamment posées les questions relatives au processus de ratification éventuelle des accords par les autorités compétentes et à la conformité de ces accords avec les obligations internationales de l’État hôte, notamment la Convention européenne des droits de l’homme. Celle-ci, qui impose aux États parties des obligations envers toutes les personnes qui se trouvent sous sa juridiction, pourrait par exemple empêcher l’État hôte de concéder, en matière pénale, certains abandons de juridiction au profit d’un autre État si les garanties exigées par la Convention européenne des droits de l’homme n’étaient pas atteintes dans ce dernier.

La première partie de l’ouvrage est consacrée à des cas de figure historiques pour lesquels ces problèmes se sont initialement posés : le déploiement de soldats américains sur le sol britannique durant la Seconde Guerre mondiale et l’évolution qui a conduit aux modèles types d’accords conclus par les forces de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et du Pacte de Varsovie.

Des exemples particuliers comme le cas de l’Allemagne (sur le territoire de laquelle des forces étrangères ont stationné pendant plusieurs décennies), celui du Japo n (qui est différent en ce qu’il ne représente qu’une relation bilatérale entre ce pays et les États-Unis d’Amérique), la présence de troupes russes dans la Communauté des États indépendants, ou le cas de la Corée du Sud sont ensuite commentés.

Une large section présente des illustrations et cas concrets. La SOFA de l’OTAN occupe une large place de l’étude, qui reflète que cette convention est devenue un outil de base dans de nombreux contextes et qu’elle constitue un bon compromis entre la souveraineté de l’État hôte et la loi du pavillon. Les diverses notions clés de cet instrument – telles que la qualification des personnes couvertes (qu’elles soient militaires ou civiles), les conditions pour leur séjour et leurs obligations envers les lois nationales du pays d’accueil, la validité des permis de conduire et l’immatriculation de véhicules, etc. – sont commentées avec beaucoup de détails.

Plusieurs chapitres sont ensuite réservés à l’étude de la présence sur le territoire d’un État de forces de maintien ou d’imposition de la paix. Sont envisagés, d’une part, le cas de forces sous le contrôle et le commandement des Nations Unies et, d’autre part, le cas de forces multinationales intervenant dans le cadre d’un mandat conféré par le Conseil de sécurité.

Ces opérations, qu’elles appartiennent à l’une ou l’autre de ces catégories, sont devenues de plus en plus complexes et nécessitent parfois des cadres juridiques très élaborés. Si certaines ressemblances existent avec les cas de présence militaire décrits dans les chapitres précédents, le mandat qui leur est conféré par les Nations Unies apporte une spécificité qui est reflétée dans le statut particulier de ces troupes et, le cas échéant, des SOFAs conclus avec les États hôtes.

En ce qui concerne les forces de maintien de la paix sous commandement et sous contrôle de l’ONU, l’impact de l’article 105 de la Charte des Nations Unies, de la Convention de 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies, et de la Convention de 1994 sur la protection du personnel des Nations Unies et du personnel associé est souligné. L’étude tente également de faire le point sur le statut juridique des contingents opérant sous le commandement de l’ONU. Certaines des questions analysées – notamment le fait de savoir si seule l’Organisation des Nations Unies assume les obligations nées de la présence de ces troupes ou que ces obligations existent également pour les États contributeurs – sont toujours controversées. À cet égard, l’ouvrage apporte des réponses qui ne sont pas partagées par tous les auteurs [1 ] .

L’étude se penche enfin sur des cas particuliers, comme les accords de siège conclus entre le Comité international de la Croix-Rouge et les pays dans lesquels il mène des activités.

En conclusion, cet ouvrage se veut en particulier un outil à l’intention des conseillers juridiques militaires et des juristes des Nations Unies, qui sont de plus en plus confrontés à des situations complexes relevant d’un corps de droit qualifié ici de « droit des opérations ». Ce manuel est sans aucun doute un instrument de travail très utile pour tous les juristes devant traiter cet ensemble des normes pertinentes pour une armée en campagne, allant bien au-delà du droit classique des conflits armés. Il est aussi une source riche en informations et analyse divers problèmes connexes de droit international public et de droit international humanitaire.

 Alexandre Faite  

Juriste au CICR

 Note  

1. Cf. notamment Luigi Condorelli, < < Le statut des forces de l'ONU et le droit international humanitaire > > , Rivista di Diritto internazionale, Anno LXXVIII Fasc. 4 - 1995 (p. 882 et suiv.)