Transferts d’armes à des parties à un conflit armé : ce que dit le droit

Aujourd’hui, les conflits sont alimentés par un approvisionnement constant d’armes, de munitions et de pièces détachées. Pour empêcher les dommages dévastateurs qu’entraînent la disponibilité généralisée et l’usage abusif des armes, assurer le respect du DIH et promouvoir un comportement responsable et une retenue dans le commerce international des armes restent des impératifs humanitaires urgents.
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Même si le commerce international des armes n’a jamais été aussi régulé qu’il l’est aujourd’hui, les armes et les munitions continuent à circuler, ouvertement et en secret, vers certains des conflits armés les plus violents.
De tels transferts participent à la disponibilité généralisée et à l’usage abusif des armes, qui prélèvent un coût humain inacceptable en termes de vies perdues ou altérées à jamais à cause de blessures ou de traumatismes, sans oublier la perte de moyens de subsistance et la population civile qui subit de plein fouet la violence. La fourniture d’armes sans contrôle à des parties à un conflit armé favorise les violations du droit international humanitaire (DIH) et du droit international des droits de l’homme (DIDH) et entrave l’apport d’une aide humanitaire vitale. Elle prolonge et aggrave les guerres et provoque souvent un niveau élevé d’insécurité et de violence, même après la fin d’un conflit, notamment des violences envers les enfants, ainsi que des violences sexuelles et sexistes. Ce genre de situation met à mal la reconstruction post-conflit, la reprise et la réconciliation, ainsi que le développement humain et socio-économique à plus long terme.
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Au niveau mondial, le Traité sur le commerce des armes (Traité) définit des normes internationales communes pour réguler le commerce des armes classiques, munitions, pièces et composants. L’objectif humanitaire de ce Traité est de réduire la souffrance humaine et de promouvoir l’action responsable et la transparence dans le commerce international des armes (article premier). Les exigences et interdictions définies dans les articles 6 et 7 visent à prévenir toute violation grave du DIH et les autres violations du droit international perpétrées à l’aide des armes fournies. Parmi d’autres choses, le Traité exige que les États Parties évaluent le risque qu’une violation du DIH soit commise ou facilitée à l’aide d’armes transférées et s’abstiennent de tout transfert dans certaines circonstances (voir « Quand est-il interdit de transférer des armes à une partie à un conflit armé ? »).
Certains instruments régionaux restreignent également les transferts d’armes pour des raisons humanitaires et exigent une telle évaluation. Par exemple, selon la position commune 2008/944/PESC de l’Union européenne, les États membres de l’UE doivent soumettre leurs demandes d’exportation d’armes à des considérations liées au respect des droits de l’homme dans le pays de destination finale, ainsi que de respect du droit international humanitaire par ce pays (deuxième critère). Une telle évaluation est également nécessaire pour mettre en œuvre l’article 5 de la Convention de l’Afrique centrale pour le contrôle des armes légères et de petit calibre, de leurs munitions et de toutes pièces et composants pouvant servir à leur fabrication, réparation et assemblage et l’article 6 de la Convention de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur les armes légères et de petit calibre, leurs munitions et autres matériels connexes.
Les traités concernant certains types d’armes et d’autres règles du droit international imposent des interdictions et restrictions spécifiques au transfert d’armes à des parties à un conflit armé (voir « Quand est-il interdit de transférer des armes à une partie à un conflit armé ? »).
Les instruments de ce type complètent les limites applicables aux transferts d’armes découlant de l’obligation de chaque État de respecter et faire respecter le DIH en toutes circonstances [article 1 commun aux Conventions de Genève de 1949 ; article 1 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève. Voir également la XXXIe Conférence internationale, résolution 2, plan d’action, objectif 5 (p. 33)]. Ainsi, les États doivent éviter le transfert d’armes lorsqu’il existe un risque clair de violation du DIH. De plus, ils ont l’obligation de faire tout ce qui est en leur pouvoir et de prendre les mesures nécessaires afin de garantir le respect du DIH par les parties à un conflit armé.
Le devoir de chaque État de respecter et de faire respecter le DIH en toutes circonstances est un principe clé sous-jacent au Traité sur le commerce des armes (Préambule). Les États Parties doivent prendre cette exigence en compte lorsqu’ils mettent en œuvre ce Traité et les instruments régionaux sur le transfert d’armes.
Il peut être considéré que les États qui fournissent des armes à une partie à un conflit armé en cours sont particulièrement influents pour faire respecter le DIH, car ils sont en mesure de fournir ou de refuser les moyens par lesquels les combats se déroulent et les violations du DIH peuvent être commises. Dans certaines situations, les États peuvent occuper une position d’influence parce qu’ils importent des armes depuis une partie à un conflit armé ou pour d’autres raisons. Ils doivent alors utiliser ce levier pour inciter les parties à respecter le DIH, en particulier lorsqu’il existe un risque prévisible que des violations du DIH puissent être commises. Conditionner, restreindre ou arrêter les transferts d’armes sont autant de moyens pratiques à la disposition des États qui transfèrent des armes afin d’empêcher et de faire cesser les violations du DIH. Les États influents doivent prendre des mesures positives même lorsque les armes qu’ils fournissent ne sont pas impliquées dans des violations du DIH.
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Ni le Traité sur le commerce des armes, ni le DIH n’interdisent les transferts d’armes en tant que tels à une partie à un conflit armé en cours. Cependant, ils interdisent de tels transferts dans certaines circonstances, et certains États s’abstiennent de transférer des armes à des parties à un conflit armé en cours au titre de leur politique ou législation nationale.
Les États Parties au Traité sur le commerce des armes n’ont pas le droit d’autoriser l’exportation, l’importation, le transit, le transbordement et le courtage d’armes, de munitions, de pièces et de composants s’ils savent que ces armes ou biens seront utilisés pour commettre des crimes de guerre ou tout autre crime international (article 6). Ils n’ont pas non plus le droit d’exporter des armes ou d’autres biens s’il existe un risque majeur que ces derniers puissent être utilisés pour commettre ou faciliter une violation grave du DIH ou des droits humains (article 7).
De la même façon, l’application de la position commune 2008/944/PESC de l’Union européenne, de la Convention de l’Afrique centrale et de la Convention de la CEDEAO mentionnées ci-dessus peut interdire les transferts d’armes à une partie à un conflit armé en cours dans certaines circonstances (voir « Quelles sont les règles liées au DIH qui régissent la fourniture d’armes à une partie à un conflit armé ? »).
De plus, conformément à leur obligation de respecter et de faire respecter le DIH en toutes circonstances (article 1 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949), il est interdit à tous les États de transférer des armes à une partie à un conflit armé, qu’il s’agisse d’un État ou d’un groupe armé non étatique, lorsqu’il existe un risque clair que cela contribue à la commission de violations du DIH.
Les traités spécifiques aux armes qui interdisent certains types d’armes pour des raisons humanitaires incluent une interdiction expresse de transférer à quiconque, directement ou indirectement, les armes concernées, en quelques circonstances que ce soit. C’est le cas pour les traités qui interdisent les armes de destruction massive [Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (art. 1), Convention sur les armes biologiques (art. III) et Convention sur les armes chimiques (art. I)], ainsi que pour la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel (art. 1) et la Convention sur les armes à sous-munitions (art. 1). Le transfert de ces armes à des parties à des conflits armés est donc interdit. De même, le transfert de certaines mines est restreint conformément au Protocole II révisé (1996) à la Convention sur certaines armes classiques (art. 8).
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Selon le CICR, toute évaluation du risque que les armes, munitions ou pièces et composants puissent être utilisés pour commettre ou faciliter des violations du DIH doit inclure une enquête sur les questions suivantes :
- l’historique et l’actualité du destinataire quant au respect du DIH et des droits humains ;
- les intentions du destinataire telles qu’exprimées sous la forme d’engagements formels ;
- la capacité du destinataire à assurer que les armes ou les biens transférés seront utilisés de façon conforme au DIH et au droit des droits de l’homme, et ne seront pas détournés ou transférés vers d’autres destinations où ils pourraient servir à violer gravement le DIH ou les droits humains.
Fournir des armes à un destinataire impliqué dans un conflit armé en cours constitue un danger concret et immédiat que les armes, les munitions, les pièces ou les composants fournis puissent être utilisés pour commettre ou faciliter des violations du DIH. Lors de l’évaluation des risques concernant un transfert d’armes, les incidents isolés de violations passées ne sont pas nécessairement révélateurs de l’attitude d’un destinataire envers le DIH ou le droit international des droits de l’homme. Toutefois, tout schéma de violations qui se dessine, ou tout manquement du destinataire à prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les violations passées et y remédier et pour empêcher qu’elles ne se reproduisent, constitue une préoccupation sérieuse. Toute preuve de violations récentes non traitées indique en général un risque clair.
La décision finale doit se fonder sur une évaluation générale de la situation, après avoir pris en compte chaque indicateur séparément. Les évaluations doivent intégrer toutes les informations disponibles, issues de sources publiques ou confidentielles, par exemple les missions diplomatiques au sein de l’État destinataire, les échanges de militaire à militaire, les rapports de l’ONU et d’autres agences opérant dans le pays destinataire, les rapports des médias, les rapports des institutions nationales de défense des droits de l’homme, les rapports des organisations non gouvernementales, les jugements et décisions des autorités judiciaires nationales et internationales, et la doctrine et les instructions militaires du destinataire.
- En savoir plus sur l’application des critères fondés sur le DIH et le droit international des droits de l’homme dans les décisions en matière de transferts d’armes (CICR, Guide pratique, 2016).
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Ni le Traité sur le commerce des armes, ni le DIH n’interdisent les transferts d’armes à des groupes armés non étatiques parties à un conflit armé, ou à d’autres entités non étatiques en général. Cependant, les transferts sont interdits dans certains cas (voir « Quand est-il interdit de transférer des armes à une partie à un conflit armé ? »), et certains États s’abstiennent de transférer des armes à des groupes armés non étatiques en application de leur législation ou politique nationale.
D’autres règles du droit international, par exemple l’interdiction d’intervenir dans les affaires internes d’un autre État, et les traités sur certains types d’armes peuvent interdire le transfert d’armes à des parties prenantes non étatiques.
Il est impératif d’évaluer le risque que les armes transférées puissent être utilisées pour commettre ou faciliter des violations du DIH, que le destinataire soit un État ou une entité non étatique.
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Le Traité sur le commerce des armes régit l’exportation, le transit, le transbordement, l’importation et le courtage, que l’on appelle collectivement « transfert » (article 2). Il s’applique à toutes les formes de transfert, qu’elles impliquent ou non un échange commercial. Par conséquent, les États Parties à ce Traité doivent appliquer les critères du Traité en matière de transfert à tous les transferts intergouvernementaux, à l’assistance militaire et aux cadeaux.
De la même façon, l’obligation de respecter et faire respecter le DIH s’applique en toutes circonstances et à toutes les formes de transferts impliquant une partie à un conflit armé, dont notamment la fourniture d’une assistance militaire.
Exempter les transferts d’armes, y compris sous forme d’une assistance à un allié militaire, un partenaire politique ou un État appartement à la même zone de libre-échange ou à la même union douanière, d’une évaluation approfondie des risques, va à l’encontre des articles 6 et 7 du Traité sur le commerce des armes et du DIH.
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Tous les types d’armes classiques et d’équipements militaires peuvent être utilisés pour commettre ou faciliter des violations du DIH et du droit international des droits de l’homme.
Les États Parties au Traité sur le commerce des armes doivent appliquer les interdictions et les exigences des articles 6 et 7 à toutes les armes et tous les biens couverts par ce Traité (articles 2, 3 et 4), même s’ils sont qualifiés de « défensifs », « non létaux », d’« autres équipements militaires » ou de toute autre manière dans la législation ou la politique nationale.
Lorsqu’ils fournissent une aide ou une assistance à une partie à un conflit armé, sous quelque forme que ce soit, y compris des armes, des munitions et des équipements militaires, tous les États doivent respecter le DIH en vertu de leur obligation de respecter et faire respecter le DIH en toutes circonstances (article 1 commun aux Conventions de Genève de 1949).
Le risque de violations du DIH associées à la fourniture d’armes et les mesures à disposition pour atténuer ce risque peuvent varier en fonction du type de matériel fourni, mais il est nécessaire d’évaluer en profondeur les risques au regard du DIH au cas par cas. Quelles que soient les désignations des armes et des biens, cette évaluation doit inclure une enquête sur une série d’indicateurs liés au contexte, y compris les antécédents du destinataire en matière de respect du DIH, ainsi que son intention et sa capacité de garantir que le matériel fourni sera utilisé en conformité avec le DIH. (Voir « Quels sont les indicateurs et sources d’informations que les États doivent prendre en compte lors de leurs décisions en matière de transferts d’armes ? »)
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Les États Parties au Traité sur le commerce des armes doivent appliquer les interdictions et exigences des articles 6 et 7 aux pièces et composants couverts par ce Traité (article 4). Ce Traité ne régit pas la réexportation des pièces et composants par un État qui n’est pas signataire du Traité, ni l’intégration des pièces et composants importés par un tel État dans un produit final et l’exportation de ce produit. Une évaluation des risques approfondie en matière de DIH, conformément au Traité sur le commerce des armes, doit inclure une enquête sur les intentions du destinataire et sa capacité à garantir que les pièces et composants ne sont ni détournés, ni transférés vers d’autres destinations ou destinataires où ils pourront servir à des violations du DIH.
En vertu du DIH, tous les États doivent s’abstenir de transférer des pièces et composants à une partie à un conflit armé lorsqu’il existe un risque clair que cela participerait à perpétrer des violations du DIH. En présence d’un tel risque, les États doivent s’abstenir de transférer des pièces et composants à un autre État ou une autre entité non étatique s’ils savent ou s’il est raisonnablement prévisible que les éléments seront exportés à nouveau vers cette partie ou intégrés à une arme qui sera exportée vers cette partie.
Il peut être considéré que les États qui fournissent des pièces et composants sont particulièrement influents pour faire respecter le DIH par une partie à un conflit armé, car ils sont en mesure de fournir ou de refuser les moyens de réparer des armes et de les maintenir en état de marche. Ils doivent utiliser ce levier pour inciter les parties à un conflit à respecter le DIH, en particulier lorsqu’il existe un risque prévisible que des violations du DIH puissent être commises. Conditionner, restreindre ou arrêter les transferts de pièces et de composants sont autant de moyens pratiques à la disposition des États qui transfèrent des armes afin d’empêcher les violations du DIH.
Les États Parties doivent prendre en compte cette obligation de respecter et faire respecter le DIH lorsqu’ils mettent en œuvre le Traité sur le commerce des armes et les instruments régionaux sur le transfert des armes.
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Parmi les mesures qui peuvent aider les États à respecter leur obligation en matière de transfert d’armes, on peut citer le conditionnement, la restriction ou la suspension des transferts. S’ajoutent les mesures de renforcement de la confiance, les programmes de renforcement des capacités et les formations (p. ex. concernant la gestion des stocks ou le DIH), les vérifications après livraison, les certificats de destination finale et les garanties.
Les États doivent évaluer avec prudence les objectifs qui sont atteignables de manière réaliste dans les circonstances du moment afin d’écarter le risque de violation. Les mesures d’atténuation peuvent uniquement réduire le risque de violation du DIH si elles sont prises à temps, si elles sont solides et fiables, et si le fournisseur et le destinataire ont la capacité de les mettre en œuvre efficacement dans la pratique et agissent de bonne foi. S’il subsiste un risque clair de violation du DIH malgré les mesures d’atténuation, les États doivent s’abstenir de transférer les armes.
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Conditionner la fourniture d’armes à la réception d’une garantie formelle de la part du destinataire, par exemple, que les armes ou éléments fournis seront utilisés conformément au DIH ou qu’il évitera d’utiliser des armes explosives lourdes dans des zones densément peuplées, peut participer à renforcer la protection de la population civile et des personnes qui ne combattent pas. De telles garanties peuvent également servir d’indicateur de l’intention du destinataire d’assurer le respect du DIH.
Les garanties fournies par le destinataire doivent toutefois faire l’objet d’une évaluation minutieuse en les comparant aux politiques et pratiques observées. Ces garanties ne remplacent pas l’obligation de l’État fournisseur d’évaluer toute proposition de transfert de manière approfondie (voir « Quels sont les indicateurs et sources d’informations que les États doivent prendre en compte lors de leurs décisions en matière de transferts d’armes ? »). S’il subsiste un risque clair de violation du DIH malgré les garanties de respecter le DIH, les États doivent s’abstenir de transférer les armes.
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Le Traité sur le commerce des armes « encourage » le réexamen des autorisations d’exportation déjà accordées si l’État Partie obtient de nouvelles informations pertinentes (article 7.7).
De plus, tous les États ont l’obligation, en vertu du DIH, d’empêcher les violations du DIH et de s’abstenir de transférer des armes lorsqu’il existe un risque clair que cela participerait à perpétrer des violations du DIH. Cela nécessite de surveiller en continu la manière dont les partenaires qui font le commerce des armes utilisent ces armes dans la pratique et de réexaminer les licences existantes si de nouvelles informations sont révélées. Si ces informations indiquent un risque clair ou conséquent de violation du DIH, les transferts doivent être arrêtés et l’autorisation doit être modifiée, suspendue ou annulée.
Les États Parties au Traité sur le commerce des armes doivent prendre en compte l’obligation de respecter et faire respecter le DIH lorsqu’ils mettent en œuvre ce Traité.
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En pratique, les décisions des États concernant la fourniture d’armes à une partie à un conflit armé sont le fruit de plusieurs facteurs, dont les questions relatives à la politique extérieure, la sécurité nationale, le droit de l’État destinataire à l’autodéfense, ou la paix et la sécurité internationales.
De telles considérations se reflètent également dans le Traité sur le commerce des armes, qui vise à réduire la souffrance humaine et à contribuer à la paix, la sécurité et la stabilité internationales et régionales (article premier). Il est ainsi interdit aux États Parties de transférer des armes ou des biens en violation de leurs obligations résultant de mesures prises par le Conseil de sécurité de l’ONU au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui traite de l’action en cas de menace contre la paix, d’acte d’agression et du droit à l’autodéfense (article 6). Les États Parties qui exportent des armes doivent en outre évaluer le potentiel que ces armes ou biens contribuent à la paix et la sécurité ou, au contraire, y portent atteinte (article 7).
Aucune de ces considérations n’autorise à mettre de côté ou remplacer les questions de respect du DIH, y compris lorsque le destinataire des armes exerce son droit à l’autodéfense. Tous les États qui fournissent des armes à une partie à un conflit armé doivent prendre dûment en considération le respect du DIH dans leurs décisions de transférer des armes à tous les niveaux, y compris au niveau politique le plus élevé. En effet, il est difficile d’imaginer comment les armes transférées pourraient contribuer à la paix et à la sécurité dans des cas où il existe un risque clair qu’elles puissent être utilisées pour perpétrer des violations du DIH. (Voir également « Les transferts d’armes à des alliés ou des partenaires de confiance sous la forme d’une assistance militaire sont-ils soumis à ces règles ? ».)
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Selon le DIH, un État ne devient pas partie à un conflit armé au seul motif qu’il fournit des armes ou des équipements militaires à une partie belligérante.
Un État qui fournit des armes à un État partie à un conflit armé international devient lui-même une partie à ce conflit s’il a recours à la force armée contre un autre État belligérant, comme par exemple lorsqu’il est impliqué concrètement dans des opérations militaires contre cet État.
Un État qui fournit des armes à un groupe armé non étatique partie à un conflit armé devient lui-même partie au conflit lorsqu’il équipe (avec des armes, par exemple) et finance un tel groupe, mais aussi lorsqu’il coordonne ou aide à la planification générale de son activité militaire, c’est-à-dire qu’il exerce un contrôle global sur un tel groupe.
En savoir plus sur les circonstances dans lesquelles un État qui fournit des armes peut devenir une partie à un conflit armé en cours impliquant l’État destinataire (commentaire du CICR lors de la Troisième Convention de Genève, paragraphes 250 et suivants) ou un groupe armé non étatique (paragraphes 298, 302 et suivants, et 440 à 444).
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Les personnes, incluant les fonctionnaires et les employés du secteur privé, qui transfèrent des armes à une partie à un conflit armé peuvent, dans certains cas, être tenues pour pénalement responsables d’avoir aidé à commettre des crimes de guerre et d’autres crimes internationaux au moyen des armes fournies.
Un État Partie au Traité sur le commerce des armes peut être responsable au niveau international d’une violation de ses obligations en vertu de ce Traité. Tous les États peuvent être responsables au niveau international d’une violation de leur obligation de respecter et faire respecter le DIH en toutes circonstances (art. 12, responsabilité des États pour fait internationalement illicite de la CDI).
Par ailleurs, un État qui fournit des armes à une partie à un conflit armé peut, sous certaines conditions, être responsable au niveau international d’avoir aidé ou facilité la commission d’un fait internationalement illicite par cette partie (art. 16, responsabilité des États pour fait internationalement illicite de la CDI), ou d’avoir entretenu une situation de violation grave d’une obligation régie par une norme impérative du droit international général (art. 41.2, responsabilité des États pour fait internationalement illicite de la CDI).
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Le Traité sur le commerce des armes ne s’applique pas directement aux entreprises de défense ou à d’autres entités commerciales, leurs employés ou leurs représentants. Cependant, il existe plusieurs raisons pour lesquelles des entités commerciales privées doivent évaluer minutieusement et atténuer efficacement le risque de leurs activités qui causent des violations du DIH ou des droits humains ou y contribuent.
- Le non-respect par une entreprise privée des lois et réglementations nationales que chaque État Partie est tenu d’adopter et d’appliquer en vertu du Traité sur le commerce des armes (article 14), par exemple le non-respect des conditions d’une licence de transfert d’armes, expose cette entreprise à des mesures pénales, civiles ou administratives.
- Les États ont l’obligation, en vertu du droit international humanitaire, d’assurer que les personnes physiques et morales se trouvant sous leur juridiction respectent le DIH. Les lois nationales et les autres mesures que les États adoptent pour répondre à ces obligations prévoient souvent une responsabilité pénale ou civile des particuliers et des entreprises.
- Les particuliers qui agissent pour le compte d’une entreprise privée peuvent être directement liés par le DIH lorsque leurs activités ont un lien suffisant avec un conflit armé. La fourniture d’armes à une partie à un conflit armé peut résulter en une responsabilité pénale en vertu du droit international pour les particuliers concernés si cette partie utilise les armes pour commettre des crimes de guerre ou d’autres crimes internationaux. En plus du risque pour la réputation de l’entité commerciale, les lois nationales incluent fréquemment des dispositions générales qui rendent les employeurs, dont les sociétés, pénalement ou civilement responsables des faits illicites commis par leur personnel.
- Les entités commerciales sont liées par la responsabilité d’entreprise générale de respecter les droits humains, conformément notamment aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et aux entreprises.