Une explosion nucléaire entraînerait une catastrophe aux proportions inimaginables. © CICR

Plus jamais ça : pourquoi le CICR prône l’élimination des armes nucléaires et comment le TIAN peut aider à y parvenir

Une poignée de secondes. Voilà le temps qu’il a fallu à la bombe atomique pour anéantir des milliers de vies à Hiroshima, au Japon, en 1945.
Article 22 juin 2022

Le docteur Marcel Junod, qui travaillait à l'époque pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), fut le premier médecin étranger à se rendre sur place pour prodiguer des soins aux victimes à la suite de l'attaque du 6 août. À un kilomètre et demi de l'épicentre de la bombe, il constate que :

tout est comme disloqué, soufflé, balayé par une force surnaturelle : les maisons, les arbres ont disparu.

L'ampleur des dévastations incite le CICR à lancer son premier appel en faveur de l'abolition des armes nucléaires en septembre 1945 – appel qui sera relayé par l'ensemble du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en 1948.

Le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) entre en vigueur en janvier 2021. Premier instrument de droit international humanitaire (DIH) destiné à interdire les armes nucléaires et à atténuer les conséquences catastrophiques de leur utilisation et de leur mise à l'essai, il exige des États ayant subi une explosion qu'ils fournissent une assistance aux victimes sur leur territoire et qu'ils prennent des mesures en vue de la remise en état de l'environnement.

Du 21 au 23 juin 2022, les États parties au TIAN se réuniront pour la première fois à Vienne (Autriche) pour définir ensemble des actions concrètes visant à mettre en œuvre les obligations qui découlent du traité.

Eirini Giorgou, conseillère juridique auprès du CICR, explique où en est le statut du TIAN et développe la position juridique et politique du CICR sur les armes nucléaires.

Eirini Giorgou

Qu'est-ce que le TIAN et comment peut-il contribuer à un monde exempt d'armes nucléaires ?

Le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires, ou TIAN, est le premier traité multilatéral applicable à l'échelon mondial qui interdit complètement les armes nucléaires – une étape essentielle vers leur élimination. En parallèle, il ouvre la voie à des mesures visant au désarmement nucléaire et à la vérification de ce processus. Il est également le premier traité à inclure des dispositions pour permettre d'atténuer les conséquences humanitaires de l'utilisation et de la mise à l'essai des armes nucléaires. Le TIAN vient en complément d'autres instruments internationaux relatifs à ce type d'armes, notamment le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et les accords établissant des zones exemptes d'armes nucléaires.

Quel est le lien entre le TNP et le TIAN ?

En 1968, le TNP a instauré l'obligation de poursuivre des négociations multilatérales sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires. Selon la Cour internationale de Justice, il en découle une obligation de mener à terme des négociations conduisant à un désarmement nucléaire et d'adopter des mesures en la matière. Le TIAN constitue un outil efficace en vue de l'application de l'article VI du TNP.

Pouvez-vous nous décrire les efforts déployés par le CICR en faveur du TIAN ?

Le CICR a lancé un premier appel en faveur de l'abolition des armes nucléaires en septembre 1945, peu après que ses délégués aient été témoins des effets catastrophiques du bombardement atomique d'Hiroshima. Aux côtés de la Société de la Croix-Rouge du Japon, il s'est employé à porter secours à des dizaines de milliers de civils blessés ou mourants. L'ampleur des ravages et des souffrances ont marqué à jamais l'institution et l'ont poussée, aux côtés du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Mouvement), à plaider vigoureusement en faveur de l'interdiction et de l'élimination des armes nucléaires au cours des 77 dernières années.

Le CICR collabore activement avec le Mouvement pour promouvoir deux volets importants : d'une part, l'universalisation de cet instrument fondamental de DIH qu'est le TIAN et, d'autre part, l'élimination totale des armes nucléaires, en raison des risques qui leur sont inhérents et des conséquences humanitaires catastrophiques qu'elles entraînent. Le TIAN attribue également un rôle au CICR et aux Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge consistant à porter assistance aux victimes de l'utilisation et de l'essai d'armes nucléaires. L'universalisation et la mise en œuvre effective du TIAN bénéficieront d'un cadre structuré qui sera établi à cette fin lors de la réunion des États parties.

 

En janvier 2021, 51 États avaient signé le TIAN. Où en sommes-nous aujourd'hui ?

Aujourd'hui, 62 États sont parties au TIAN. Vingt-sept autres l'ont signé. Nous encourageons tous les États à y adhérer sans plus attendre.

Pouvez-vous développer la position du CICR sur les armes nucléaires ?

Le CICR estime qu'au vu des conséquences catastrophiques que ces armes engendrent sur le plan humanitaire, il est extrêmement improbable que leur emploi puisse un jour être conforme aux principes et aux règles du DIH. Nous avons récemment revu notre position pour intégrer les évolutions internationales s'agissant des politiques, de la médecine, de la science et du droit, notamment les nouvelles données disponibles en matière d'impact humanitaire des armes nucléaires sur la santé humaine et l'environnement. Nous nous devions également de prendre en compte l'entrée en vigueur du TIAN.

La position du CICR sur les armes nucléaires peut être résumée comme suit :

      • Au vu des conséquences catastrophiques que les armes nucléaires engendrent sur le plan humanitaire, le CICR continue de prôner leur non-utilisation, leur interdiction et leur élimination, estimant qu'il s'agit là d'un impératif humanitaire et juridique.
      • Dans l'attente de l'élimination des armes nucléaires, prendre d'urgence des mesures de réduction des risques et de non-prolifération afin d'empêcher leur utilisation constitue un impératif humanitaire.
      • Le CICR exhorte tous les États à adhérer au TIAN et à le mettre scrupuleusement en œuvre.
      • Le CICR demande à tous les États d'adhérer à d'autres accords internationaux relatifs au désarmement nucléaire, notamment le TNP, de les mettre rigoureusement en œuvre et de poursuivre les négociations en vue de l'élimination des armes nucléaires.
      • Il est extrêmement improbable que les armes nucléaires puissent un jour être utilisées d'une manière conforme aux principes et aux règles du DIH.
      • Toute utilisation d'armes nucléaires serait inacceptable au regard des principes de l'humanité et des exigences de la conscience publique. Il en est de même pour toute menace d'utilisation de ces armes.
     

Quelles sont les attentes du CICR vis-à-vis de la réunion organisée à Vienne ?

La première réunion des États parties au TIAN constitue une étape importante pour le succès du traité. Elle fixera un cadre pour la mise en œuvre effective et l'universalisation progressive du TIAN, notamment par l'adoption de mesures concrètes visant à fournir une assistance aux victimes de l'utilisation et de l'essai d'armes nucléaires et à remettre en état l'environnement. Par ailleurs, elle permettra d'accroître le nombre de parties au traité et de souligner l'immense valeur ajoutée qu'il revêt dans le cadre plus vaste de l'architecture du désarmement nucléaire et de la non-prolifération des armes nucléaires.

La réunion devrait également envoyer un signal fort indiquant que le TIAN n'est pas un instrument censé fonctionner de manière isolée. Il fait partie d'un cadre plus large associant différents instruments relatifs au désarmement nucléaire, dont, en premier lieu, le TNP, que le TIAN vient compléter et renforcer.

S'agissant de la réunion, nous espérons tout d'abord qu'elle donnera lieu à une feuille de route précise pour la mise en œuvre rapide et efficace du TIAN, qui concilie ambition et réalisme. Ensuite, nous souhaitons parvenir à déconstruire l'idée qui refait surface, selon laquelle la dissuasion nucléaire est utile et légitime. Enfin, il s'agit de prouver au monde que le TIAN peut avoir un réel impact et nous permettre de progresser vers un monde exempt d'armes nucléaires.